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Les Nuits 2025: The Jesus Lizard is here

Il s’agit sans doute de LA Nuit que les amateurs de noise et de guitares saturées attendaient de pied ferme. Celle dont la tête d’affiche était connue depuis l’automne et qui allait conditionner la suite. Si The Jesus Lizard parle à toute une génération, que dire alors de The Ex et de Mclusky.

Tout comme la veille, la journée marathon a débuté de bonne heure au Museum. Mais contrairement à la veille, la foule se pressait déjà pour le set de Kara Delik, prête à en découdre. Le trio berlinois passionné de sonorités orientales s’apprêtait ainsi à étaler ses influences psychédéliques. D’autant que chaque membre apporte sa pierre à l’édifice, entre hargne (la batteuse), groove (le bassiste) et exotisme (le joueur de oud à la voix arabisante). Plus riches et sans doute moins traditionnelles que celles d’Altin Gun, leurs compositions ne manquent toutefois pas d’authenticité ni de spontanéité.

Tout aussi fougueux, les sauvages de Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs ouvraient la Fountain Stage sans craindre le ridicule. Particulièrement le moustachu leader Matthew Baty, nettement moins à l’aise en short que John Dwyer au même endroit deux jours plus tôt, même s’il se balade pieds nus. À l’image de ta tête de mort flanquée sur son singlet, la musique des natifs de Newcastle se pare de clichés issus du heavy metal des années 80, entre riffs dégoulinants, solos interminables et hurlements nourris. De l’énergie, certes, mais pour la subtilité, on repassera.

C’est au Museum que l’on a ensuite retrouvé un semblant de sérénité en compagnie des New-Yorkaises de Hello Mary. Trois demoiselles pour qui les mélodies restent essentielles malgré des délires déstructurés, des samples et… une V-guitar (un objet que les sept petits cochons ci-dessus n’auraient certainement pas renié). Cela dit, les vocaux, partagés entre la guitariste Helena Straight et la batteuse Stella Wave, permettent à leurs compositions dream pop de décoller vers de pertinents horizons shoegaze, aussi nerveux qu’hypnotiques. Avec quelques cris vénères au passage.

Un exercice dans lequel Andrew Falkous excelle depuis un bon quart de siècle, d’abord au sein de Mclusky puis de Future Of The Left. Près de vingt ans après leur séparation, les premiers nommés sont revenus en force, notamment sur la scène des Leffingeleuren l’an dernier. Début mai, ils ont publié un album que l’on n’attendait plus, délicieusement baptisé « The World Is Still Here And So Are We ». Un album qui reprend l’histoire là où elle s’était arrêtée via des titres francs et directs qui prennent tout leur sens sur scène comme on l’a vu cet après-midi. Bien qu’à l’instar du batteur Jack Egglestone qui joue les oreilles coiffées d’écouteurs derrière un plexiglas, on les a déjà connus plus rock’n’roll. Un manque de décibels tout relatif rendra en effet leur prestation moins intense qu’à l’accoutumée.

On n’a pas encore parlé du contingent belge mais celui-ci avait fière allure. Plus tôt dans l’après-midi, The Bernadette Maries ont balancé un set puissant qui montre leur marge de progression constante depuis les supports de Bodega au Museum et de Ditz à la Rotonde. Leurs compositions indie-baggy plus british que nature se forgent une personnalité et l’intensité avec laquelle ils les délivrent laisse présager une suite que l’on se réjouit de découvrir. Plus tard, les gaillards de marcel ont dézingué le Museum, un endroit qu’ils avaient déjà retourné lors des Nuits 2023. Depuis, ils ont publié leur deuxième album, « ô fornaiz », ont musclé leur son et complexifié leur approche au passage. Davantage d’attention à l’écoute mais sur scène, le brin de folie du leader et la fougue des musiciens attirent toujours le public dans le moshpit.

Entre les deux, les Liégeois de The K. ont retrouvé une Orangerie libre de tout mouvement, eux qui avaient joué lors des Nuits 2020, celles où jauge limitée, masque et position assise étaient la règle. Cinq ans plus tard (pour cause notamment de projets parallèles), ils n’ont toujours pas donné suite à l’excellent « Amputate Corporate Art » mais les choses se précisent tout doucement. La preuve avec un set exclusivement composé de nouveaux titres travaillés et de prime abord moins noisy. Mais The K. restant The K., la distorsion et la rugueuse face garage ne sont jamais bien loin. Changement de look également pour Sébastien von Landau qui a troqué son célèbre boxer contre… une robe à paillettes. On attend donc la suite avec une certaine impatience.

Sur la Fountain Stage, les légendaires The Ex venaient d’entamer leur set par « Beat Beat Song », la sautillante plage d’intro de leur nouvel album, « If Your Mirror Breaks ». Quarante-cinq ans après leurs débuts, les Hollandais restent une référence dans le milieu post-punk et ce, malgré de nombreux changements de line-up. Seul le guitariste Terrie Hessels est présent depuis les débuts, suivi de près par la batteuse Katherina Bornefeld. Les années n’entament toutefois pas leur enthousiasme et la foi en leurs compositions. La preuve, la set-list se composera de l’intégralité de la nouvelle plaque, interprétée dans l’ordre des plages. Peu de groupes au back catalogue aussi riche oseraient agir de la sorte. Chapeau bas, donc et mention notamment au sinistre « Spider And Fly », à l’entêtant « Wheel » (magistralement chanté par Katherina) et à « In The Rain » au flow soutenu.

Autre groupe majeur d’une scène qu’ils ont aidé à développer, The Jesus Lizard n’avaient plus donné de signe discographique depuis 1998. Entre-temps, splits, reformations et concerts nostalgiques ont rythmé la vie du groupe qui a, contre tout attente, publié « Rack », un solide nouvel album l’an dernier. « Good evening, we’re Kings Of Leon », blaguera David Yow avant de se lancer dans un furieux « Seasick ». Rassurez-vous, le groupe n’a pas viré sa cuti, il est toujours dans un trip grungy hurleur aux guitares en avant et son public avide de pogos bien sentis. Speedées et bourrées de punch, leurs compositions crasseuses font le boulot et les nouveaux titres (« Falling Down », « Hide & Seek »…) s’intègrent le plus naturellement du monde dans une set-list qui ratissera largement leur carrière.

On aurait ensuite dû se poser en compagnie de Soccer Mommy à l’Orangerie mais la native de Nashville a été contrainte d’annuler le reste de sa tournée européenne en dernière minute. Les programmateurs ont toutefois réussi à dénicher un remplacement de choix en la personne d’Ellis Dickson alias ELLiS-D. Le batteur live de Fat Dog qui avait de surcroit assuré leur première partie au Museum en octobre dernier retrouvait donc le Botanique plus rapidement que prévu. Arrivé en direct du festival Great Escape de Brighton où il avait joué une poignée de concerts les jours précédents, il était donc dans le rythme. Théâtral et plein d’entrain, le gaillard gère la scène comme un vieux briscard et se laisse parfois emporter par son engouement. Résultat, un show spontané marqué par une voix saccadée, des influences post-punk colorées (on pense à du Talking Heads sous amphétamines) soutenue par les arrangements entêtants d’un solide backing band. Le surprenant point final d’une journée qui aura bien dépoté.

Organisation : Botanique

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