La Noisy Nuit de The K. et Crowd Of Chairs
Notre première visite aux Nuits version Corona avait comme destination l’Orangerie pour une double affiche on ne peut plus explosive. The K. et Crowd Of Chairs ont affolé les décibels et mis tout le monde d’accord alors que ce n’était pas gagné d’avance.
Car oui, on checke notre température corporelle à l’entrée, le bar ressemble à un jeu de piste organisé par le gouvernement flamand, la salle est en configuration assise et on doit y pénétrer en bulles. Sans parler des couloirs rendus sinistres par les travaux de rénovation des serres. Mais il régnait malgré tout quelque chose d’euphorique et de positif autour de cette soirée entamée par les Gantois de Crowd Of Chairs qui ont publié début d’année un deuxième album au titre imprononçable, “Mod Kid With God”.
Sur scène, l’architecture parfois complexe des compositions se fluidifie grâce à l’alchimie entre les trois musiciens. Un batteur aussi acharné qu’habité dont la voix “posée” complémente parfaitement les hurlements d’un guitariste rigide et un bassiste quelque peu en retrait du côté droit de la scène. Le son limpide accentue la brutalité du set et les subtilités qui ornent certains breaks presque flippants, limite cinématographiques. On pourrait leur reprocher les temps morts prolongés entre les morceaux mais pour le reste, ils ont parfaitement mis le feu aux poudres.
“Je ne parviens pas à me réjouir d’aller jouer un concert pour un public assis”, nous confiait Sebastien Von Landau voici quelques jours. On peut le comprendre car les gars de The K. ont besoin de contacts, de grabuge et de bousculades dans la fosse pour s’épanouir. De chaleur aussi vu que le leader se produit simplement vêtu d’un boxer à l’effigie du groupe derrière sa guitare. Un boxer qui orne la pochette du nouvel album, “Amputate Corporate Art”, et qui a fière allure au rayon textile du stand merchandising.
Mais ce soir, l’interaction avec les spectateurs semble plus forte que les préjugés et les Liégeois vont bien leur rendre via un set intense et sans concession. Un set entamé pied au plancher via “Bald Woman”, le titre “brut de décoffrage” (une expression chère au leader) qui ouvrait leur premier album en 2012 et sur lequel il s’égosille généreusement.
Un leader qui triture une guitare (celle que l’on voit en gros plan dans le clip du limpide “Shit Day”, joué dans la foulée) sur laquelle trône un autocollant au nom de Cocaïne Piss, d’autres Liégeois à l’énergie décuplée. Une filiation matérialisée sur scène ce soir, le poste de batteur étant occupé par Yannick Tonnes, leur cogneur chevelu, en remplacement de Sigfried Burroughs. À la basse, on retrouve Gregory Danger, la nouvelle recrue, membre comme lui de Daggers. Et lorsque l’on sait que Seb occupe désormais une fonction importante chez JauneOrange, l’Orangerie présentait une sérieuse coloration principautaire ce samedi.
Quoi qu’il en soit, on sent le groupe soulagé d’enfin pouvoir se plonger dans les extraits d’“Amputate Corporate Art”, sorti en plein confinement et à peine joué en live depuis. La fraîcheur et la hargne ont particulièrement réussi au judicieusement construit “Human After All” et au lancinant “Dominant Tracks”. Mais les contours stoner violents de l’excellent “The Rougher Aspects Of Love” et les déluges stroboscopiques de “Keep My Nightmares Cold” n’ont fait qu’augmenter la tension s’échappant d’une scène dépouillée.
On se demande d’ailleurs toujours comment on a réussi à ne pas braver les mesures en vigueur pour pogoter sur “Petty Profit” alors qu’un peu plus tôt, le son du rugueux “(Un)fortunate Youth” avait commencé à faire dangereusement vaciller les rangées de sièges. Même si Seb s’en défendra, ce nouvel album se profile comme le plus accessible du groupe à ce jour. La preuve via l’impeccable “The Future Is Bright”, dans le même moule noisy mais avec ce petit quelque chose catchy en plus qui en ferait un hit en radio dans un univers parallèle. Il clôturera judicieusement le set sur une note d’optimisme, après que le break psyché d’un “Essentiel Chippendale” à fond les ballons nous ait presqu’achevés. Heureusement que les concerts assis ne les inspirent pas…
SET-LIST
BALD WOMAN
SHIT DAY
HUMAN AFTER ALL
PRIGGISH
DOMINANT TRACKS
(UN)FORTUNATE YOUTH
THE ROUGHER ASPECTS OF LOVE
KEEP MY NIGHTMARES COLD
PETTY PROFIT
ESSENTIAL CHIPPENDALE
THE FUTURE IS BRIGHT