ArticlesConcerts

Les Nuits 2025: Jay-Jay, Lael & Co

Le lendemain de la déglingue (dans tous les sens du terme) Osees, la Nuit du Bota s’annonçait nettement plus sage. Articulée autour de Michelle Gurevich que l’on aura finalement aperçue de loin, elle avait tous les ingrédients pour se remettre des excès de la veille.

Et pourtant, elle a commencé tôt puisque Jacob Alon a lancé les festivités au Museum à 13h45. L’écossais aux cheveux bouclés et à la robe ample (c’est le jour de la Brussels Pride, après tout), s’est produit devant un parterre de spectateurs assis dans l’obscurité à même le sol. Ses délicates compositions folk acoustiques les ont accompagnés dans son univers, proche de celui de Nick Drake et de Jeff Buckley même si sa voix renvoie plutôt vers celle d’un Thom Yorke davantage mélodramatique. Seul bémol, le claquement de l’immense porte de la salle qui venait perturber la quiétude du lieu au passage d’un nouvel arrivant.

Autant le dire d’emblée, Dressed Like Boys sera ensuite notre coup de cœur du jour sur la Fountain Stage. Jelle Denturck, le leader de dirk., a en effet trouvé le moyen de s’épanouir pleinement au sein de ce nouveau projet. Positionné derrière son clavier, il subjugue l’auditoire d’une voix authentique sur des arrangements léchés qu’un backing band entièrement à son service magnifie. Mention à ce guitariste aux doigts de fée et à la souriante claviériste alors que les chœurs collégiaux enveloppent le tout.

D’une sincérité désarmante, ses compositions touchent en plein cœur. On pense notamment à « Nando » (du prénom de son boyfriend) et à cette majestueuse version de « Jaouad » (titre écrit pour Jaouad Alloul, metteur en scène anversois gay d’origine marocaine). En fermant les yeux, on pourrait presque imaginer Loverman accompagné d’un groupe, la théâtralité en moins. Encore que, en fin de set, il se lâchera momentanément en arpentant la scène armé d’un micro trafiqué. « Dressed Like Boys » arrive le 29 août chez Mayway et se profile déjà comme un des albums belges de 2025.

Jay-Jay Johanson, lui, n’est plus un perdreau de l’année depuis longtemps mais cela ne l’empêche pas de partager son enthousiasme comme au premier jour et de sourire généreusement à une foule de plus en plus nombreuse. Le crooner suédois s’apprête d’ailleurs à ajouter une quinzième ligne à sa discographie ce vendredi et la Fountain Stage aura d’ailleurs droit à la première interprétation scénique du plutôt jazzy « Ten Little Minutes », le seul extrait de cette nouvelle plaque baptisée « Backstage ». Le Botanique a d’ailleurs frappé un grand coup car le show de cet après-midi s’apparente à une exclusivité avant une tournée plus formelle à l’automne.

En attendant, l’expressif grand blond aura débuté son set par un magique « Finally » et un « So Tell The Girls That I Am Back In Town » repris par la foule. Entre trip-hop et cabaret, ces deux classiques n’ont pas pris une ride. La scène dépouillée et la formule trio minimaliste (seuls un batteur et un claviériste l’entourent) permettent de se concentrer sur une voix singulière envoûtante. Cela dit, certains titres mériteraient une orchestration plus riche (« Far Away ») alors que d’autres restent somptueusement troublants (« She Doesn’t Live Here Anymore »). Et le gaillard a de l’humour, se lançant dans une séance décomplexée de karaoké sur l’explosive version du « My Way » signée Sid Vicious pour prolonger le plaisir à moitié dans le public.

Au rayon belge, Benni défendait « Bleeding Colours », un premier EP sorti chez PIAS. Une prestation en full band (un peu) plus musclée mais toujours guidée par la voix de la singer-songwriter liégeoise, véritable vecteur d’émotions. Une formule qui lui permet également d’élargir ses horizons dont on est loin de soupçonner les frontières. On aura l’occasion de la recroiser, notamment à l’AB Club le 26 novembre. Tout comme Jawhar, un habitué des Nuits dont le récent projet se traduit par une collaboration avec Azza Mezghani aka Aza et un album sorti début d’année, « Khyoot ». La captivante voix et les sonorités orientales du Belgo-Tunisien restent prédominantes mais prennent une ampleur insoupçonnée via les nappes synthétiques et les chœurs délicats de la Bruxelloise d’adoption.

En mai 2023, Lael Neale a littéralement conquis le Witloof Bar en y présentant « Star Eaters Delight », son troisième album. Si celui-ci l’a propulsée sur le devant de la scène folk indie, le récent « Altogether Stranger », lui aussi publié chez Sub Pop, confirme tout le bien que l’on pensait d’elle. Cette fois, c’est au Museum qu’elle installera son univers sixties, balançant d’emblée un « I Am The River » speedé, rythmé par une boîte à rythmes affolante. Vêtue d’une ravissante robe à paillettes, elle actionne inlassablement via de réguliers mouvements circulaires la machine devant elle pendant que son compère s’occupe de l’environnement sonore, qu’il s’agisse de claviers, de guitare, d’un tambourin ou de tout à la fois.

Particulièrement douée pour installer des atmosphères prenantes, elle l’est aussi pour les rendre hypnotiques (« Wild Waters ») ou glaciales (« New Ages »). Et lorsqu’elle attrape une guitare, elle fascine d’autant plus son auditoire malgré un regard fermé (l’excellent « Tell Me How To Be Here »). Trois extraits essentiels de cette nouvelle plaque à laquelle on peut ajouter l’entêtant « All Good Things Will Come To Pass ». Certains pourraient lui reprocher de ne pas avoir traîné (elle n’a pas utilisé les cinquante minutes à sa disposition), d’autres ont apprécié sa disponibilité au stand merchandising.

Un peu plus tard, Tim Bernardes bouclera la soirée dans une Orangerie entièrement acquise à sa cause. Et pas seulement par la moitié de la communauté brésilienne de la capitale qui s’y était donné rendez-vous pour l’accompagner au chant. Les autres buvaient ses paroles exotiques tout en profitant d’une voix suave au service de compositions magnétiques. À la guitare ou au piano, le chevelu natif de São Paulo n’a pas son pareil pour émouvoir son auditoire via des compositions dépouillées entre folk, bossa et tropicalia retenue. Véritable star dans son pays et collaborateur attitré des plus grands (David Byrne, Fleet Foxes…), il ne laisse personne indifférent. Pour preuve, le silence respectueux qui régnait dans une salle véritablement sous son charme.

Organisation : Botanique

Laisser un commentaire

Music In Belgium