Joan As Police Woman day
Quoi de plus pertinent que de ponctuer la journée internationale des droits des femmes avec Joan As Police Woman ? Joanne Wasser s’est en tout cas montrée particulièrement enthousiaste à l’idée d’enfin reprendre du service sur la scène de l’Orangerie.
Pour la petite histoire, elle devait au départ se produire aux Nuits 2020 pour y présenter “Cover Two”, une seconde volée de reprises à sa sauce dont le premier volume était paru en 2009. Mais la pandémie en a décidé autrement et c’est finalement avec un tout autre projet qu’elle débarque ce soir. Un album baptisé “The Solution Is Restless” enregistré à Paris lors de sessions improvisées en compagnie de Dave Okumu (le leader de The Invisible) et du légendaire Tony Allen (Fela Kuti, The Good, The Bad & The Queen notamment).
Un album émotionnellement chargé puisqu’il s’agit d’un des derniers faits d’armes du second nommé mais également de Hal Willner, collaborateur attitré des multiples escapades atypiques de Joanne Wasser. Nul ne doute qu’il aurait été fier de l’esprit aventureux balisant cette nouvelle collection élaborée en trio et même davantage puisque sur “Get My Bearings”, le titre d’intro du concert, on retrouve Damon Albarn en guest vocal.
Bien entendu, le Maître n’est pas présent à l’Orangerie puisqu’il est sur les routes en train de présenter son dernier projet d’inspiration islandaise, pas plus que Dave Okumu. En revanche, aux côtés du fidèle Benjamin Lazar Davis à la basse, on retrouve un claviériste chevelu et un batteur aussi envoûté que désarticulé. À ce moment, leur boss à la généreuse crinière se trouve derrière un imposant piano du côté gauche de la scène.
C’est de cet endroit qu’elle installera un environnement jazzy groovant, parfaite prolongation des atmosphères feutrées émaillant ce nouvel album. Déroutant, il regorge de bien d’autres influences, à l’instar de la vision soul seventies de “Take Me To Your Leader” ou celle, presque reggae, de “Masquerader” pour lequel elle attrapera une guitare, générant un convaincant final enlevé.
“The Solution Is Restless” constituera la pièce angulaire du set, ce qui le rendra par moments déstabilisant. En effet, les textures afrobeat dont Tony Allen avait le secret restent assez exigeantes (“Geometry Of You”) tandis que les nappes synthétiques aussi colorées que la chemise bariolée du claviériste peuvent taper sur le système. Lorsque ce ne sont pas quelques longueurs qui s’invitent, comme sur le kilométrique et répétitif “The Barbarian”.
Ceci dit, “Dinner Date” (un souvenir des enregistrements datant du premier confinement), malgré ses arrangements en forme d’orgue désaccordé, tient sérieusement la route. Mieux, Joanne Wasser a profité de l’exercice pour réarranger drastiquement la plupart des autres titres présentés ce soir. Prenez par exemple la version dépouillée de “Hard White Wall” ou ce “Tell Me” aux contours solaires parsemés de chœurs collégiaux.
Retenons encore le seul extrait de “Cover Two”, la relecture toute personnelle du “I Keep Forgettin’” de Michael McDonald bardée d’un clavier aux sons eighties désuets presque dérangeants car trop mis en avant. Ou encore l’excellent “Let It Be You” sur lequel l’ami Benjamin troquera sa basse et son bonnet contre une guitare (il s’agit de la plage titulaire de l’album que la paire avait enregistré et tourné en 2016). Quant au surprenant et presque méconnaissable “The Magic”, il bouclera le set principal entre funk et disco.
Prolixe, elle fera très fort pour les rappels en arborant un t-shirt avec l’inscription God Is Alive, Magic Is Afoot, du titre d’une chanson de Buffy Sainte-Marie basée sur un texte de Leonard Cohen. Elle enfilera ses lunettes pour en déclamer l’intégralité à partir de son smartphone, une démarche peut-être un rien longuette pour les spectateurs ne maîtrisant pas la langue de Shakespeare. Heureusement, leur patience allait être récompensée via un délicat “We Don’t Own It” en solitaire avant que le groupe au grand complet ne mette un terme à la soirée sur un “Holy City” davantage Tuff Gong que Motown. Aucun concert de Joan As Police Woman ne ressemble décidément à un autre…
SET-LIST
GET MY BEARINGS
TAKE ME TO YOUR LEADER
MASQUERADER
HARD WHITE WALL
SWEET THING
GEOMETRY OF YOU
I KEEP FORGETTIN’
LET IT BE YOU
FEED THE LIGHT
TELL ME
DINNER DATE
THE BARBARIAN
THE MAGIC
WE DON’T OWN IT
HOLY CITY