Dour Festival 2017 (Jour 4) : Ti amo
La quatrième étape de notre périple annuel au Dour Festival s’apprêtait à rimer avec une hausse des décibels puisque la Caverne allait se présenter en tant que digne successeur de la Cannibal Stage ce samedi 15 juillet. En effet, depuis le début du festival, les guitares avaient certes leur mot à dire à cet endroit mais les grosses voix bien grasses faisaient défaut. Les choses allaient rentrer dans l’ordre dès 13h35 avec Mont-Doré dont le nom n’augure en rien ce qui attend les spectateurs après une intro douce et mélodieuse. Ceux-ci sont ensuite pris par surprise via des compositions agressives serties d’hurlements bien sentis. Ceci dit, le leader sait aussi se montrer délicat lors d’intelligents breaks qui démontrent qu’un réel travail de composition se cache derrière les aspects rugueux de leur univers singulier.
En face, la Petite Maison dans la Prairie accueillait les Brésiliens de Metá Metá, emmenés par une chanteuse à la coiffure généreuse et à l’accent ensoleillé. Ensemble, ils réussissent le délicat crossover entre musique traditionnelle et sonorités alternatives contemporaines. Une recette qui fonctionne grâce à des musiciens hors pair concentrés sur leur sujet. Tantôt punk, tantôt ska (le saxo) mais toujours avec un esprit rock ‘n’ roll, leurs compositions se veulent délibérément brouillonnes comme s’ils souhaitaient perturber leur auditoire.
Le groupe suivant à se produire au même endroit allait recevoir la palme de l’originalité du festival. Meute, c’est une vraie fanfare from Germany constituée d’une douzaine de musiciens en costume qui portent leurs instruments comme s’ils défilaient dans les rues de Cologne à l’occasion du Rosenmontag. Sauf qu’ici ils restent plus ou moins immobiles sur scène et adaptent leur répertoire. On pense ainsi à du Parov Stelar en plus techno et exclusivement instrumental. Mais le pire, c’est que cela marche et les multiples instruments à vent répondent aux percussions dans une harmonie insoupçonnée et une bonne humeur communicative. Il ne manquait que les majorettes…
À l’instar de Mont-Doré un peu plus tôt dans la journée, le nom du groupe qui s’apprêtait à se produire sous la Caverne pouvait prêter à confusion. On s’attendait en effet à en prendre plein les oreilles avec Brutus mais le trio Louvaniste a donné un set inégal et plus sage qu’escompté. Tout le contraire des Chicago Bulls dont la chanteuse (et également batteuse) arborait fièrement le maillot.
Un peu plus loin, sous le Labo, Kevin Morby poursuivait sa visite des festivals belges (il s’est produit au Cactus à Bruges quelques jours auparavant). Le prolifique Texan vient de sortir « City Music », son quatrième album solo en cinq ans après en avoir enregistré autant avec Woods et deux avec The Babies, alors qu’il n’a pas encore trente ans. Vêtu d’une sorte de salopette de garagiste et chevelure bouclée au vent, il va donner un set nettement plus enlevé que dans la Venise du Nord, à l’instar de son nerveux hommage aux Ramones intitulé « 1234 » en forme de clin d’œil. Infatigable, il sera de retour à l’Orangerie du Botanique le 3 novembre.
Il y a quatre ans, on tombait complètement sous le charme de Jagwar Ma, introduits au monde entier par Foals lors d’une tournée européenne passée notamment par
l’AB. Genre d’électro influencée par la vague Madchester, les Australiens avaient touché au sublime avec « Howlin », un impeccable premier album. Malheureusement, la suite s’est avérée moins glorieuse via « Every Now & Then », un second effort comprenant trop peu de moments vibrants, à l’image de leur récent passage au
Bota. Peu ou pas d’amélioration ce soir, on a l’impression qu’ils ont perdu la flamme malgré des projections psychédéliques qui auraient fait fureur en temps normal. Un gâchis à l’écoute du toujours aussi excellent « Come And Save Me ».
Détour ensuite par le Labo où les Canadiens de Timber Timbre avaient déjà entamé la présentation de leur nouvelle plaque, « Sincerely, Future Pollution ». Avec sa calvitie et sa voix sombre, on se surprend à comparer Taylor Kirk, le leader du groupe, à Sivert Hoyem. Mais cela s’arrête là car les compositions du quatuor sont moins sinistres que celles de l’ex-chanteur de Madrugada. Et nettement plus groovantes également, à l’instar de l’excellent « Grifting ». Parallèlement, la basse prend une position centrale, ce qui a pour effet de rendre le tout particulièrement prenant.
Ce samedi, le festival allait enregistrer son record d’affluence sur une seule journée. 55.000 personnes ont ainsi foulé la plaine de la machine à feu et bon nombre d’entre elles se trouvaient dans les environs de la Last Arena pour le concert de Phoenix, de retour à Dour après leur magistrale performance de 2014. Les Parisiens sont montés sur scène avec vingt minutes de retard (merci De La Soul…). Un retard isolé car il doit s’agir du seul sur un total de près de 250 groupes, une sacrée prouesse qu’il est bon de souligner.
On savait, pour avoir assisté à leur showcase au Trix Club d’Anvers voici quelques semaines, qu’ils étaient particulièrement en forme et pressés de faire découvrir au monde « Ti Amo », leur sixième album, dont la plage titulaire et « Role Model » ont remporté le plus de suffrages ce soir, aux côtés des hits « Lisztomania » et « Entertainment » notamment. Mais c’est le visuel qui donnera un réel plus à leur show. Constitué d’un immense miroir articulé à l’image de celui que The xx utilisent sur leur actuelle tournée, il permet non seulement de voir l’envers du décor mais aussi de rendre au centuple les impressionnants effets lumineux qui vont se succéder virtuellement au pied des musiciens. Ajoutez à cela le sourire et la simplicité de Thomas Mars qui ne résistera pas à prendre son traditionnel bain de foule malgré la pluie, et on aura assisté à l’un des moments forts du festival.
Ceci dit, ces vingt minutes de retard et la foule sur la plaine nous ont empêchés d’arriver à temps pour la prestation d’Amenra. Heureusement, notre collègue Christophe Mincke, lui, se trouvait sous la Caverne et nous a ramené ses impressions :
Dans La Caverne, la tête d’affiche fort attendue était Amenra. Au long de l’après-midi, on croisait des t-shirts indiquant que nombreux étaient ceux qui venaient pour eux. Le groupe a livré une prestation tout en intériorité, comme d’habitude. Malheureusement, le set, plus court et privé de la si intense ouverture par « Boden », ne fut pas à la hauteur de l’exceptionnelle prestation de juin au Vooruit. Des gamins cokés qui remuent à contre-temps et dans tous les sens, leurs copines qui hurlent « Doureuuuuuuh! », une fosse de 3,5 mètres, abîme nous séparant du groupe, une qualité sonore et un mix honnêtes, mais sans plus, et, enfin, des instagrammeuses VIP hantant la fosse aux côtés des photographes pour se prendre en selfie devant la scène ont largement porté atteinte à l’expérience immersive que doit être un tel concert. Amenra n’est sans doute pas un groupe de festival… On les reverra donc avec plaisir à l’AB, fin octobre.
On avait encore l’intention de rester jusqu’au show des Sud-Africains de Die Antwoord mais l’heure tardive et les consignes (no photos !) nous ont fait rebrousser chemin. Il convenait d’être un minimum fit and well pour la dernière journée…
Photos © 2017 Olivier Bourgi