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Dour Festival 2016 (Jour 2) : la Cannibal Stage envoie du lourd


Après une soirée d’ouverture particulièrement réussie, la vingt-huitième édition du Dour Festival a définitivement pris son envol ce jeudi 14 juillet avec un line-up dont seul l’événement a le secret. Éclectique, défricheur, ambitieux, il ratisse large dans des styles bien souvent injustement ignorés par la plupart des medias. Ceci dit, Dour, ce n’est pas que de la musique, c’est une ambiance unique, un lieu de rassemblement où l’amour est roi et où tous les accoutrements sont permis. Cette année, on n’a pas compté le nombre de festivaliers déguisés en animaux ou en… Pokémon. On ignore si l’application à la mode est à l’origine de cet engouement mais on n’enviait pas toujours ces spectateurs qui ont dû souffrir de la chaleur. Car oui, cette année, le festival a été épargné par la pluie et a même bénéficié d’un soleil généreux par moments, fait assez rare que pour ne pas être souligné.


Mais direction une des scènes qui allait, avec la Cannibal Stage et le Labo, nous voir passer la plupart de notre temps, La Petite Maison dans la Prairie. Un public assez nombreux pour ce début d’après-midi s’y pressait déjà pour les Hannutois de Beffroi. Visiblement touché par le Brexit, le duo affiche un logo à l’effigie du drapeau européen sur lequel il manque une étoile avec, en son centre, un B (celui de Beffroi, sans doute). De prime abord timide, la voix de la chanteuse, langoureuse à l’image d’une Skye de Morcheeba, va ensuite s’affirmer pendant que des bidouillages sonores à la Jamie xx distillés par son partenaire forment la trame de compositions électro pop toute en retenue.


L’après-midi s’annonçait nettement plus nerveuse avec, pour commencer, les Gantois de The Black Heart Rebellion. Renommés dans le nord du pays, ils peinent cependant à franchir la frontière linguistique. Pourtant, leur rock tribal travaillé sous des apparences brutes (pour ne pas dire brutales) aux relents mystiques a des arguments à faire valoir. Si le batteur particulièrement hargneux impose une rythmique effrénée, les deux guitaristes et le bassiste construisent un mur du son qu’un frontman possédé escalade sans peine.


Les gaillards de Steak Number Eight, dans la foulée, ont impressionné également. Hésitant entre post rock, psyché (les projections) et metal, leurs compositions ont un point commun : une puissance infernale devant laquelle il est impossible de rester de marbre. Chez eux, ce sont les guitares cinglantes qui font le boulot et un chanteur qui mouille littéralement sa chemise. Quant à cette cover improbable de la cantate « Carmina Burana », elle a ponctué un set impeccable de bout en bout.


Toujours sous la Cannibal Stage, les Allemands de Kadavar allaient prendre le relais avec leur rock vintage, quelque part entre Jimi Hendrix, Black Sabbath et le Queens Of The Stone Age des débuts. Mélodieux, certes, mais un peu daté. Un peu plus tard au même endroit, le bouclé et chevelu Californien Brant Bjork, l’ancien batteur de Kyuss, y est allé de son côté stoner armé de sa V-guitar devant un mur d’amplis Marshall. Ici aussi, les influences nous font faire un bond dans le temps (on pense beaucoup à Deep Purple sur le coup).


Juste avant, c’est Flavien Berger qui a enchanté le Labo avec sa pop atmosphérique que ne renierait pas Sébastien Tellier. Un Flavien Berger et son acolyte à la coiffure improbable qui avaient déjà foulé la même scène un peu plus tôt dans l’après-midi sous le sobriquet Jacques. Ici, les rôles sont inversés mais le délire sonore reste omniprésent. On regrettera simplement le son brouillon qui nous a empêchés de nous plonger dans les textes du bonhomme qui font partie intégrante de son univers singulier et expérimental. Ceux qui ont assisté à sa prestation aux récentes Nuits du Bota ne s’en sont pas encore remis.


La Petite Maison dans la Prairie accueillait ensuite l’infatigable troubadour Canadien Mac DeMarco, sur la route depuis la sortie de « Salad Days », l’album qui l’a enfin révélé aux yeux d’un large public en 2014. L’an dernier, il a trouvé le temps de publier « Another One », un mini LP acclamé par la critique. « My name is Mac », lancera-t-il au public avant de se lancer dans « The Way You’d Love Her », la plage d’intro de cette plaque. Casquette vissée sur le crâne et coolitude poussée à l’extrême, il va toutefois rapidement tourner en rond avec ses compositions lo-fi pas vraiment adaptée à l’endroit. On avait besoin d’une claque dans la figure et c’est à la Cannibal Stage que l’on a été la chercher.


En effet, le set de Band Of Skulls venait de démarrer. Le trio originaire de Southampton qui a connu la gloire suite à l’incursion d’un de ses morceaux sur la BO de Twilight: New Moon en 2009 a sorti en mai dernier « By Default », un excellent quatrième album. S’il ne révolutionne par son style, il confirme le potentiel d’un groupe toujours prêt à se couper en quatre lors de ses prestations live. À ce propos, ils se font accompagner sur scène d’un musicien supplémentaire, ce qui permet de rajouter de l’intensité à des titres qui n’en manquent pas, en plus d’être mélodieux (« Bodies », d’ores et déjà un des singles de l’année, « In Love By Default »). S’ils se partagent les vocaux, ceux de la bassiste Emma Richardson apportent une touche de rugosité délicate qui fait la différence (« So Good », « Patterns »). Leur passage le 6 novembre à l’Orangerie sera tout simplement immanquable.


Une vingtaine de minutes au son de l’électro pop planante d’Odesza lors d’un de nos rares passages sous la Boombox nous fera patienter jusqu’au début du set de The Prodigy sur la Last Arena. Les vétérans de la scène raveuse britannique tournent inlassablement « The Day Is My Enemy », leur sixième plaque sortie voici un peu plus d’un an, avec un show bien huilé. Un peu trop serait-on tenté d’écrire car autant être honnête, Liam Howlett et ses compères nous ont laissés sur notre faim ce soir. Était-ce le souvenir d’une incroyable prestation à Werchter l’année dernière (le motto était littéralement jump or die) ou un son nettement moins puissant que celui de Netsky au même endroit la veille, voire un visuel sur les grands écrans tout bonnement inexistant, nul ne le sait mais il a clairement manqué quelque chose.


Pourtant, tout était en place pour une explosion sonore. Des hits à profusion (ils ont débuté avec « Breathe » alors qu’« Omen » et « Firestarter » sont arrivés tôt dans le set), un frontman déjanté et un guitariste live (Rob Holliday, qui a fait les beaux jours de The Mission et de Marilyn Manson à l’époque) généralement en verve. Les titres les plus récents n’ont pas convaincu et la fougue réservée aux classiques a pris du plomb dans l’aile (Maxim n’a même pas fait s’asseoir le public lors du break de « Smack My Bitch Up »). En gros, la sauce n’a jamais pris, un peu comme si le drame qui était en train de se dérouler à Nice au même moment faisait déjà ressentir ses effets…

Photos © 2016 Olivier Bourgi

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