LEDFOOT – Black valley
Décidément, les temps qui courent ont l’air bien occupés pour Ledfoot puisqu’après un quatrième album solo sorti en février 2020 (ʺWhite crowʺ) et un disque en collaboration avec le hard rocker norvégien Danny Le Tekro de TNT sorti en décembre 2020 (ʺA death divineʺ), revoici Tim Scott McConnell, alias Ledfoot, dans un cinquième album sous ce nom. Les chroniqueurs de Music In Belgium ont déjà eu l’occasion de dire tout le bien qu’ils pensaient de Ledfoot et de son blues gothique inimitable, que ce soit dans les albums précités ou dans ʺGothic blues, volume 1ʺ, sorti il y a plusieurs années de cela. On retrouve sur ce nouvel album le même talent pour tresser des chansons à la fois tristes et lumineuses, hantées par une guitare slide à la parure particulière et une voix portant en elles tout un chemin d’’épreuves et de chagrins.
Tim Scott McConnell est passé des bleds paumés de son Amérique natale ou des bouges underground de New York (où il fait ses débuts de musicien dans les années 80) à la nature sauvage de la Norvège, où il réside depuis 1993. Il est en quelque sorte à la Norvège ce qu’Elliot Murphy est à la France ou Beverly Jo Scott est à la Belgique : un Américain expatrié qui a trouvé davantage de reconnaissance dans son pays d’accueil que dans sa terre d’origine. La Norvège, avec son climat rude compensé par des paysages à la beauté inégalable, est une source d’inspiration exceptionnelle pour un bluesman. Ici, il n’est pas question de s’enfoncer pleinement dans la misère et la noirceur du blues quand on voit des dauphins s’ébattre dans les fjords ou les rennes gambader sur les sols sans arbres qui jouxtent le Cap Nord. Il n’est pas question non plus de s’enterrer dans la mélancolie putride de la musique gothique quand on possède le souvenir des champs de coton du Mississippi ou que résonne les albums de John Lee Hooker ou Leadbelly dans son esprit.
C’est donc dans un compromis entre les beautés et les tristesses de chacune de ces musiques que Ledfoot évolue, et son cinquième album est un chapitre de plus ajouté à ce roman d’un homme gagné par un romantisme noir mais cherchant à élever son âme – et l’âme des autres – au contact d’une musique cherchant toujours à monter vers les cieux et respirer l’air pur. Dans ʺBlack valleyʺ, Ledfoot reprend les techniques qui ont fabriqué son son particulier : guitare à cordes épaisses, onglet métallique accroché au doigt, bottleneck chromé, accords en open tuning et stomp box en guise de rythmique. Le résultat est encore une fois magnifique, avec cette association entre douceur et tristesse (ʺBlack valleyʺ), du folk blues désertique (ʺTake away the hurtʺ, ʺBroken eyesʺ), ballade à la tristesse terminale (ʺPoor man’s lullabyʺ), inspiration par Nick Cave en mode chamanique (ʺCrossed my heartʺ) ou douceurs oniriques cotonneuses (ʺThis I knowʺ).
Ledfoot signe encore ici un disque à l’indéniable puissance évocatrice, offrant au blues de nouvelles perspectives et habité d’une mélancolie qui sied si bien à notre époque blessée. Du grand art.
Le groupe :
Tim Scott McConnell (chant, guitare, stomp box)
L’album :
ʺBlack Valleyʺ (03:03)
ʺTake Away the Hurtʺ (03:08)
ʺWithout Loveʺ (03:30)
ʺBroken Eyesʺ (03:17)
ʺPoor Man’s Lullabyʺ (02:08)
ʺAngel Townʺ (03:32)
ʺCrossed My Heartʺ (04:00)
ʺThis I knowʺ (05:03)
ʺFalling downʺ (03:33)
ʺSlip Awayʺ (04:01)
https://ledfoot.bandcamp.com/album/black-valley
https://www.facebook.com/Ledfootpage/
Pays: NO
TBC Records
Sortie: 2021/03/19