Les Quickies de The Magnetic Fields
Le Bota a de nouveau fait très fort en invitant les cultissimes The Magnetic Fields pour une prestation plutôt rare. On se demande même si le groupe emmené par Stephin Merritt avait déjà posé ses amplis par ici… Toujours est-il qu’il fallait en profiter et qu’une Orangerie généreusement garnie l’a accueilli en véritable héros.
Conchúr White, lui, joue bien en Belgique pour la première fois et s’est récemment taillé une sérieuse réputation en ouvrant notamment pour Richard Hawley, John Grant et Villagers avant d’accompagner les stars de la soirée pour une partie de leur tournée européenne. Le natif du Comté d’Armagh en Irlande du Nord au nom imprononçable (appelez-le tout simplement Conor…) s’apprête à publier chez Bella Union son premier album, “Swirling Violets”. Il va dès lors en présenter plusieurs extraits en primeur, dont un co-écrit avec son compatriote Iain Archer (Snow Patrol, The Reindeer Section).
Seul avec sa guitare acoustique, il défend des compositions délicates qui prennent par moments un caractère modérément nerveux. On pense sans équivoque à Tom McCrae avec qui il partage une tessiture garante de vives émotions mais Turin Brakes et Big Thief ne sont pas loin non plus. Eminemment sympathique et prolixe, il vit spontanément ses textes, les accompagnant de grimaces prononcées. S’il ne révolutionnera probablement pas le genre, il peut se targuer de mettre en valeur ses meilleurs côtés.
Bien qu’excessivement prolifique sur disque, Stephin Merritt n’emprunte pas aisément le chemin des salles de concert, particulièrement en Europe. Cela s’explique notamment par un handicapant souci d’ouïe qui contraint ses musiciens à utiliser majoritairement des instruments acoustiques et à jouer presqu’en sourdine (le concert a d’ailleurs rarement dépassé les 80dB sur l’écran de contrôle). Il a publié en pleine pandémie le douzième album de The Magnetic Fields, le bien nommé “Quickies”, vingt-huit titres immédiatement mémorisables condensés en un peu plus de trois-quarts d’heure. Bien loin des kilométriques albums concepts que sont “69 Love Songs” (1999) et “50 Song Memoir” (2017).
Un terme qui s’appliquera également à la set-list de ce soir même si les trente secondes de “Castles Of America” en guise d’introduction (tout comme la quinzaine de “Death Pact (Let’s Make A)” un peu plus tard) fera davantage figure de clin d’œil. Mais dès le mélancolique “I Don’t Believe In The Sun”, les premières vagues de bien-être fuseront parmi des spectateurs ravis d’enfin voir la mythique formation en action. Même si dans les faits, ils vouent d’abord et avant tout un culte au leader.
Positionné du côté droit de la scène, ce dernier représente la force tranquille. Il adopte une allure placide qui sied à merveille à ses propos pince-sans-rire, amplifiés par une caractéristique voix d’outre-tombe. Casquette vissée sur le crâne, il accompagne ses musiciens à la guitare acoustique. Parmi ceux-ci, on retrouve Shirley Simms au ukulélé mais surtout essentielle voix féminine. Elle porte ainsi magistralement le très psyché “Kraftwerk In A Blackout” et magnifie notamment un “Come Back From San Francisco” bardé d’harmonies vocales.
Mention également à l’indispensable Sam Davol dont le violoncelle électrique sublime le très orchestral “Born On A Train” et au discret guitariste Anthony Kaczynski, lui aussi mis à l’honneur au micro d’un époustouflant “The Luckiest Guy On The Lower East Side”. Quant au fidèle et jovial Chris Ewen, il assure derrière ses claviers. Petit détail cocasse, tout ce petit monde joue assis et participe assidument à la magie harmonieuse de l’ensemble Magnetic Fields.
En plus d’être entêtant, “Quickies” se veut également bourré d’humour comme sur ce léger “The Day The Politicians Died” interprété en forme de canon. Ou ce “(I Want To Join A) Biker Gang” que le leader fait rimer avec gang bang. Il n’alimentera toutefois qu’occasionnellement une set-list qui n’oubliera aucune période de la carrière discographique du groupe entamée au début des années 90. Elle fera sans surprise la part belle au classique “69 Love Songs”, visiblement l’album préféré des spectateurs au vu de leurs réactions enthousiastes. Après les magistrales versions de “Papa Was A Rodeo” et du prenant “No One Will Ever Love You”, très Fleetwood Mac au demeurant, on ne peut pas leur donner tort.
La force de Stephin Merritt, c’est de vagabonder à travers un patchwork de styles musicaux sans jamais se décrédibiliser. Entre pop orchestrale dont Neil Hannon de The Divine Comedy (qu’il admire, soit dit en passant) s’est fait une spécialité (“Love Goes Home To Paris In The Spring”, “Smoke And Mirrors” et ses sons modulaires), productions à la Phil Spector (“Candy”), délires crooners (“The Book Of Love”, “All The Umbrellas In London”), country (“Kiss Me Like You Mean It”) ou pop décalée (“Andrew In Drag”, “Quick!”), le constat reste identique et surtout pertinent. Même les contours festifs de “’01 Have You Seen It In The Snow?” ne se retrouveront pas hors-propos.
Sans oublier les petites touches d’humour dont on parle déjà plus haut, à l’instar des succulents “’02 Be True To Your Bar” et “Take Ecstacy With Me” qui introduiront “’14 I Wish I Had Pictures”, dernier titre du set principal en forme de comptine désuète. Les rappels démarreront quant à eux sur la même vague décalée sur le bricolé “A Chicken With Its Head Cut Off” avant de faire un bond en arrière jusqu’en 1991 et le tout premier single du groupe, “100,000 Fireflies”, dans un environnement résolument sixties. Le tout se ponctuera en mode crooner baroque via un “It’s Only Time” à tomber, soutenu par un violoncelle envoûtant et d’hypnotiques nappes de claviers. Ou comment frissonner une ultime fois, juste en fermant les yeux. S’ils pouvaient plus souvent programmer leur GPS vers l’Europe, on leur serait franchement reconnaissants…
SET-LIST
CASTLES OF AMERICA
I DON’T BELIEVE IN THE SUN
LOVE GOES HOME TO PARIS IN THE SPRING
KRAFTWERK IN A BLACKOUT
BORN ON A TRAIN
COME BACK FROM SAN FRANCISCO
DESERT ISLAND
KISS ME LIKE YOU MEAN IT
ANDREW IN DRAG
THE FLOWERS SHE SENT AND THE FLOWERS SHE SAID SHE SENT
THE DAY THE POLITICIANS DIED
(I WANT TO JOIN A) BIKER GANG
CANDY
DRIVE ON, DRIVER
THE BOOK OF LOVE
QUICK!
’01 HAVE YOU SEEN IT IN THE SNOW?
SMOKE AND MIRRORS
PAPA WAS A RODEO
ALL MY LITTLE WORDS
THE LUCKIEST GUY ON THE LOWER EAST SIDE
DEATH PACT (LET’S MAKE A)
NO ONE WILL EVER LOVE YOU
ALL THE UMBRELLAS IN LONDON
’02 BE TRUE TO YOUR BAR
TAKE ECSTACY WITH ME
’14 I WISH I HAD PICTURES
A CHICKEN WITH ITS HEAD CUT OFF
100,000 FIREFLIES
IT’S ONLY TIME