Fabiola, monarchie indie
Personnage attachant et indissociable de la scène indie-pop bruxelloise, Fabrice Detry a enfin remis son projet Fabiola sur les rails. Sept ans après un premier album et accompagné d’un line-up complètement différent sans pour autant l’être radicalement (on y revient), il était au Witloof Bar du Botanique pour la release de « The Mushroom Type », la très attendue suite de ses aventures en Fabioland.
Initialement promise à Alice George Perez, la première partie a finalement été confiée à… Alice George Perez au sein de son groupe Number Fate. Résultat, une prestation nettement plus enlevée que celle que la Bruxelloise d’adoption avait proposée à la Rotonde en support de Lou K l’automne dernier. Légèrement joyeuse, elle lancera les festivités de sa voix nasillarde, accompagnée d’une guitare saccadée aux rythmes hispaniques. Face à elle, son alter ego Joey Wright répond à ses prouesses vocales de manière plus posée tout en compensant via sa six cordes (et même un banjo sur « Yellow »).
Cela dit, leur complicité ne fonctionnerait sans doute pas aussi bien sans la solide section rythmique composée du batteur Thomas Viccargiu (Musgraves) et du bassiste Hugo Ramos. Ces deux-là emmènent les compositions dans des contrées sinueuses aux contours tropicaux, jazzy ou même franchement classic rock sur « 5 Year Plan », le dernier titre du set. Si le projet existe depuis quelques années, il semble désormais mûr pour passer au stade supérieur.
Cela faisait donc sept ans que l’on attendait le successeur de « Check My Spleen », l’excellent premier album de Fabiola. Sept années pendant lesquelles Fabrice Detry ne s’est toutefois pas croisé les bras, que du contraire. Entre un album de ENDZ (« Harmed », publié le jour du lockdown), un single isolé de Fabiola (« You Crazy Diamond ») et un split avec Tresor (« Fabiosor / Tresiola »), il a organisé une série de concerts sous l’égide des 1030 Glorieuses. Son indéfectible implication dans la vie culturelle bruxelloise se traduit d’ailleurs par la présence de la crème du rock indé en studio, sur scène et dans la salle.
« The Mushroom Type » a en effet majoritairement été enregistré par le line-up initial du groupe : Aurélie Muller (Blondy Brownie, Melon Galia) à la basse, Lucie Rezsöhàzy (Oberbaum, River Into Lake) aux claviers et Antoine Pasqualini (Ropoporose, Namdose) à la batterie. Mais aux côté de l’ami Fab, on retrouve ce soir le guitariste Aurélien Auchain (Mountain Bike, June Moan), le batteur Timothée Philippe (BRNS, Tim Clijsters) et la bassiste Léa Kadian (Oriana Ikomo, Kunde). Une formation live à l’énergie décuplée dont la lecture transformera radicalement les compositions.
Prenez par exemple ce « Circumstance Is Doom » aux riffs tranchants et à la rythmique carrée qui lancera définitivement la soirée. Juste avant, le groovy « Tarantella » et l’instrumental « The Fox Of Scotland » (le seul extrait rescapé du premier album aux côtés du très Franz Ferdinand « Kingdom ») permettront aux musiciens de se mettre en condition et de dompter la configuration du Witloof Bar. Deux formations, deux visions mais une seule direction, celle imaginée par un leader dont la faculté de composer le morceau pop parfait n’a pas pris une ride (les délires synthétiques de « Bonify », les harmonies entêtantes de « The Nail On The Head »…).
Qui dit release-party dit combinaison de plusieurs ingrédients essentiels : ambiance bon enfant, remerciements nourris et approximations. Twist de set-list et faux départs rendront ainsi le moment unique, joliment esquivés par une dose d’humour naturelle. On aura aussi droit à des invités, qu’ils soient présents (Morgane Delfosse sur cette perle sucrée qu’est le récent single « The Wing ») ou absents (Mocke Depret aurait dû sublimer l’instrumental manouche « Hetomesnil » de son bouzouki).
Quoi qu’il en soit, les forces en présence s’appliqueront pour donner une vie scénique aux nouveaux titres dont on retiendra notamment l’introspectif « Watery Base » sur lequel le leader se baladera entre les câbles tel un électron libre et « Don’t You Look There », abordé de manière bordélique garant d’une efficacité dingue. Tout comme l’impeccable « The Freak », basé dans un premier temps sur des parties de batterie électroniques essentielles avant de prendre une direction soutenue. Dans la foulée, un époustouflant « You Crazy Diamond » bouclera le set principal sur des riffs incendiaires en délicieuse contradiction avec son esprit poppy.
Le groupe reviendra pour deux bonus mais pas nécessairement ceux auxquels on s’attendait. Ainsi, « Sahune », le seul extrait de « The Mushroom Type » à ne pas encore avoir été visité, sera le premier d’entre eux dans une désarmante version dépouillée. Le second replongera dans le passé du leader sous la forme d’un titre d’Austin Lace via le sautillant « Katz », plage d’intro de « The Motherman », le dernier album paru en 2008. Dix-sept ans plus tard, la plume de Fabrice Detry reste plus pertinente que jamais…
SET-LIST
TARENTELLA
THE FOX OF SCOTLAND
CIRCUMSTANCE IS DOOM
BONIFY
WATERY BASE
THE WING
KINGDOM
THE NAIL ON THE HEAD
DON’T YOU LOOK THERE
HETOMESNIL
THE FREAK
YOU CRAZY DIAMOND
SAHUNE
KATZ
Organisation : Botanique