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Delta puissance Thot

Après un galop d’entraînement au Bamp de Schaerbeek et au Salon de Silly, Thot a officiellement présenté Delta au Bota. Le quatrième album du collectif emmené par Grégoire Fray n’en finit pas de se bonifier au fil des écoutes et de s’affirmer dans une discographie déjà très riche. Place à sa version live en direct de l’Orangerie…

Afin de fêter dignement l’événement, deux groupes étaient chargés d’introduire la soirée. Sur scène dès 19h45, les Bruxellois de Fowv (à prononcer Fauve) ont balancé du lourd d’entrée de jeu mais la balance leur sera préjudiciable. On ignore s’il faut blâmer l’ingé-son ou un batteur un peu trop enthousiaste mais la voix du chanteur s’est retrouvée noyée sous les coups de caisse claire, voire les riffs de sa propre guitare. Finalement, seules les parties du bassiste prenaient une direction pertinente mais prises isolément, n’avaient que peu d’intérêt. Résultat, leurs compositions à la croisée des chemins entre Triggerfinger, Muse et Queens Of The Stone Age avec un côté émotionnel prononcé n’ont pas percuté comme elles auraient dû le faire.

Pas de souci de voix en revanche pour Villenoire, le furieux projet post-hardcore formé l’an dernier sur les cendres d’Electric)Noise(Machine. Ioan Kaes (également ex-Death Before Disco) se déchaîne tant et plus en hurlant dans son micro comme si sa vie en dépendait. Un micro avec lequel il joue dangereusement tout en bondissant d’un côté à l’autre de la scène. À l’instar de Brett Anderson, il l’emploie de temps à autre comme lasso mais sans la dextérité du leader de Suede. Demandez ce qu’en pense un de ses camarades de jeu à deux doigts de finir borgne avec une bosse sur le crâne. Le groupe y connaît néanmoins un bout dans l’art de matraquer des riffs incendiaires tout en maintenant une tension palpable, à l’instar de leurs modèles dont font partie Cave In et Thrice ainsi que, dans une moindre mesure, At The Drive-In. Quoi qu’il en soit, cette demi-heure à l’intensité décuplée a bien dézingué l’endroit.

Un mois après sa sortie, Delta se profile véritablement comme le travail le plus abouti de Thot à ce jour. Une collection riche et inspirée rehaussée de nombreuses collaborations parmi lesquelles Le Mystère des Voix Bulgares et Lenka Dusilová. Si celles-ci n’ont pas fait le déplacement jusqu’à l’Orangerie, Juliette Mauduit, elle, se trouve bien aux côtés de ses anciens camarades. Une surprise puisqu’elle a quitté le groupe pour s’installer en Normandie juste après l’enregistrement de l’album. Positionnée aux côtés de Grégoire Fray, elle complémente à la perfection la voix assurée de ce dernier tout en renforçant (et en éclipsant peut-être aussi parfois) les parties d’Anaïs Elba aka Sïan Able, affairée derrière ses claviers à l’extrême gauche de la scène.

Sans se poser la moindre question, le groupe démarrera pied au plancher sur un “Euphrate” soutenu et un “Céphéide” bourré d’urgence, à peine perturbé par un léger souci technique rencontré par le batteur Lukas Melville. Celui-ci, à l’instar du percussionniste Michael Thiel et du bassiste Stéphane Fedele, jouera d’ailleurs un rôle essentiel sur l’excellente lecture scénique de “Morning Waltz” dans la foulée. Bardée de nappes synthétiques entêtantes, on y entend distinctement les envoûtantes vocalises du Mystère des Voix Bulgares. Rappelons qu’elles ont exclusivement enregistré leurs voix en studio à destination de “Delta”.

Un album que les puristes trouveront peut-être moins carré et tendu que les précédents, à l’instar de la vision post-industrielle glaciale de “Duna”, seule incursion de la soirée dans le back catalogue du groupe. On ne peut pas tout à fait leur donner tort mais comment ne pas succomber à une vision plus posée mise en valeur sur des titres comme le prenant “Sleep Oddity” (légèrement gâché par une balance redevenue par moments hasardeuse) et le troublant “Estuaire”, digne des escapades du leader avec son projet acoustique The Hills Mover. On s’attardera également sur un “Blind Streets” retenu (mais pas trop) aux contours électroniques subtils et au flippant final hypnotique.

Cela dit, le sommet de la plaque reste sans conteste “Hüzün”, pièce extensible et patiemment construite dont le développement en perpétuelle évolution s’accompagne immanquablement de frissons. Un titre aux vocaux impressionnants sur lequel l’alchimie du collectif semble à son apogée, alternant moments de grâce, incantations divines et puissance mesurée. Un voyage au propre comme au figuré (ils ont tourné le clip en Bulgarie) vers ce qui pourrait bien s’apparenter à une future piste à explorer. Cela dit, ils savent toujours bien ce que balancer des uppercuts veut dire, comme l’attesteront le rageur “Bateleur” et cette version tribale de “Supercluster”, ultime pépite d’un “Delta” qu’ils auront donc décortiqué dans son intégralité. De quoi conforter nos impressions initiales…

SET-LIST
INTRO
EUPHRATE
CÉPHÉIDE
MORNING WALTZ
DUNA
SLEEP ODDITY
ESTUAIRE
BLIND STREETS
THE LAST SOLSTICE
HÜZÜN
BATELEUR
SUPERCLUSTER

Organisation : Botanique

À lire également, notre interview de Grégoire Fray : Delta en Thot transparence

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