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RAISMES FEST 2024 – jour 2: biloute ou biroute ? C’est pas la taille qui compte !

Je comprends. Vous êtes déçus. Il y a quelques jours, vous avez adoré lire le compte rendu détaillé et professionnel de la première journée du Raismes Fest rédigé et mis en image par Anne-Françoise et Hugues et vous espériez que les détails sulfureux de la seconde journée allaient vous être révélés par la même dream-team. Malheureusement, en ouvrant cet article, vous vous rendez-compte que vous n’allez avoir droit qu’à ma prose approximative et à quelques vaines tentatives de réhabilitation d’un humour proto-woke éthiquement indéfendable. Moi, à votre place, je ne perdrais pas de précieuses minutes à lire pas ce truc. Enfin bon. C’est vous qui voyez.

Dimanche 8 septembre 2024. Raismes, Nord de la France. Il ne fait pas mauvais. J’aurais aimé vous dire qu’il fait beau, mais en cette période sombre de l’histoire où les inquisiteurs de la toile chassent la ‘fake-news’ comme leurs ancêtres l’avaient fait avec les sorcières, il vaut mieux faire attention à ce que l’on raconte. Ah qu’il est bon, quand-même, de revenir faire sa cure annuelle de sourires sincères et de bonne musique dans les Hauts-de-France. À l’entrée du Parc du Château de la Princesse d’Arenberg, l’accueil prodigué par les bénévoles de l’organisation est toujours aussi agréable. Même le chien du vigile me parait sympathique. Voilà qui nous change franchement des bouledogues affectés à la sécurité des festivals belges et de leurs féroces compagnons à quatre pattes. Et puis, quel plaisir délicat que de pouvoir saluer ses connaissances (et de parfaits inconnus)  en les qualifiant sournoisement de petits zizis, sans risquer de les vexer : « Hé, Chalut Biloute » ! « Chalut Biloute, Cha va tizaut » ? « Ah cool, Biroute est là aussi » ! (Oui, parfois, il est nécessaire de changer le « l » en « r » pour adapter l’intensité de la salutation à l’égo de son interlocuteur). À deux pas de la scène, je retrouve l’ami Alain Boucly, caméra au poing, prêt à l’action. Comme chaque année, le sympathique photographe accepte généreusement de me céder quelques-uns de ses superbes clichés en échange d’une bière fraiche. Avouez que c’est pas cher payé.

Mais trêve de mondanités. Passons plutôt à l’objet de notre visite : les décibels et les artisans qui les façonnent.

L’organisation du Raismes Fest a pris la bonne habitude de filer un petit coup de pouce à la scène locale en faisant monter un gang du Nord sur les planches dès le chant du coq (NDR : heureusement,  dins ch’nord, le volatile emplumé est plutôt flemmard et il ne réveille la basse-cour qu’à l’heure de l’apéro. Samedi, c’étaient les Lillois de Deluxe Renegades qui avaient été choisis pour préchauffer le four. Ce dimanche, en principe, c’était le groupe d’Arras Goodgrief qui aurait dû faire sonner les cloches pour appeler les fidèles à la grand-messe du rock’n’roll, mais ils ont été contraints d’annuler leur participation à la fête. De ce fait, nous avons droit à ce qu’il est convenu d’appeler “Ze next best Ch’ti-ng” : Mad Jackets. Le power trio électrique originaire de Valencienne est  visiblement ravi d’avoir parcouru les cinq petits kilomètres qui séparent Raismes de sa ville natale. Mené par un charismatique vocaliste/guitariste prénommé Maxime, il nous livre copieux petit-déjeuner constitué d’une tranche grasse et juteuse de Rock’n’roll burné, assaisonné d’une petite pointe de modernisme (NDR : avec, notamment, quelques lignes vocales au phrasé Hip-Hop).  Sympathique ouverture pour cette journée qui s’annonce déjà pleine de surprises.

Il est 13h. Je laisse trainer une oreille près du bar en attendant la suite des événements. Nous sommes manifestement plusieurs piliers de comptoir à nous étonner de voir The Georgia Thunderbolts se préparer à jouer aussi tôt dans la journée. Le groupe jouit pourtant d’une notoriété relativement conséquente de l’autre côté de l’Atlantique et le public de Raismes, constitué de connaisseurs, semble prêt à lui faire sa fête. Confirmation dès 13h15, puisque la population locale semble avoir doublé en quelques minutes. Originaire de la ville de Rome dans l’état de Géorgie, The Georgia Thunderbolts distille un Rock Sudiste de qualité supérieure depuis 2015. “Rise Above It All“, son nouvel album est sorti il y a une quinzaine de jours à peine et avant même d’aller le défendre sur toutes les scènes d’Amérique, le quintette nous fait l’honneur de nous en présenter quelques extraits décapants. Très présente sur les albums studio du groupe, la  face Country/Americana de sa musique est aujourd’hui légèrement occultée au profit d’un Hard Blues musclé et hyper-efficace, axé sur les guitares et distillé avec le feeling et la dextérité qui caractérise les grandes formations Rock Sudiste (NDR : pensez Lyrnyrd Skynyrd, Molly Hatchett ou The Allaman Brothers Band). La voix de TJ Lyle, très proche de celle de Paul Rodgers, est un véritable enchantement pour l’oreille. Sa chemise orange et noire, une curiosité pour les yeux. Le public de Raismes, qui, mieux que les programmateurs de l’affiche peut-être, a compris que The Georgia Thunderbolts jouait dans la cour des grands, salue la prestation du groupe à sa juste valeur et se rue sur le stand de merchandising afin d’acquérir un souvenir de ce qui était, sans aucun doute possible, l’un des moments les plus forts de la journée.

Notre compatriote Thomas Frank Hopper joue partout et pas toujours dans les endroits les plus Hard Rock de la planète. Ainsi, cette année, a-t-on pu le voir se produire avec son groupe dans des endroits aussi variés que les sportives “Fêtes dans le guidon” de Spa ou le très mainstream “Ronquières Festival”, mais aussi sur tout ce que la Belgique compte de scènes et de festivals consacrés au Blues et au rock en général. J’avoue avoir eu quelques doutes quant à la légitimité de sa présence à l’affiche d’un festival aussi ‘musclé’ que le Raismes. J’admets m’être fourré le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Il me faudra quand même quelques minutes pour entrer dans ce trip Classic Rock – certes teinté de blues, mais aussi de Funk et de Pop – et apprécier ce mélange inédit de vintage et de modernité à sa juste valeur. Si la foule est un peu moins compacte que pour le groupe précédent, Raismes semble quand même beaucoup apprécier la bouille sympathique du musicien belge et l’originalité de son jeu de guitare. Hopper joue souvent (mais pas toujours) assis, la guitare Weissenborn sur les genoux (NDR : ou en gratouillant un autre instrument étrange qui tient autant la guitare à roulette que du skateboard à six cordes) ce qui donne à son jeu de scène une touche franchement originale. Loin de tirer la couverture à son unique personne, il laisse également ses musiciens s’exprimer en solitaire et nous permet d’apprécier un très joli solo d’orgue vintage ainsi qu’un superbe solo bluesy de l’excellent guitariste Diego Higueras. Au final, le concert de Thomas Frank Hopper sera mon préféré de la journée (NDR : Ben quoi ? Si on ne peut pas être un peu chauvin lorsqu’on on visite le pays qui a inventé le chauvinisme, il n’y a pas de justice).

Note : Puisque j’expose ma belgitude, j’en profite pousser un coup de gueule amical sur le sympathique frituriste du festival qui, s’étonnant du fait que je refuse que l’on verse du vinaigre sur mes frites, tente de m’expliquer que c’est comme cela qu’on les mange en Belgique. Alors c’est vrai. En Belgique, on mange aussi des patates cuites une seule fois, avec un filet de vinaigre. Mais cela s’appelle une salade de pomme de terre, pas des frites.

Ceci dit, revenons à nos décibels avec la prestation des Anglais de Massive Wagons. Pour moi, la seule déception de la journée. Enfin, “déception” n’est pas le mot. Je n’attendais rien de leur prestation et c’est exactement ce que j’en ai retiré. À l’inverse des Georgia Thunderbolts, les hard/punks rockers mollassons britanniques étaient, à mon humble avis, un peu trop haut sur l’affiche du jour. Avec leur look aussi peu ragoutant que des frites arrosées de vinaigre et une musique binaire un peu trop mélodique pour pouvoir passer pour du Punk ou même du Hard Rock, ils n’ont réussi qu’à me faire sombrer dans une morne léthargie. On ne peut pas être Lemmy et Bon Jovi en même temps. Massive Wagons en est la preuve. Par honnêteté, je suis quand même obligé d’admettre qu’une bonne partie du public n’était pas de mon avis et que le groupe a remporté son petit succès paralympique auprès des malentendants, des myopes et des excessivement optimistes.

16h40. Il est temps de remettre le coucou suisse à l’heure. Sideburn a …soixante minutes pour nous expliquer que le Hard Rock, c’est de la Dynamique… Le groupe débarque de Lausanne, mais il aurait très bien pu venir de Sidney ou de Melbourne. Bien connu du public de Raismes, puisqu’il a déjà fait trembler les vitres du château de la Princesse il y a une dizaine d’années, le quintette me redonne la foi dans le Hard Rock pur et dur made in Helvetia. Pour moi qui ne suis pas amateur des jolies mélodies sirupeuses et de vocalistes blondinets au sourire aguicheur, comme mon collègue (et néanmoins ami) Hugues, Sideburn représente l’essence même du Hard Rock suisse traditionnel et je ne suis pas loin de le considérer comme le plus digne héritier de Krokus (NDR : même s’il semble lui-même se trouver plus de liens de parenté avec AC/DC ou Rose Tattoo, dont il reprend d’ailleurs aujourd’hui l’hymnique “Rock’n’Roll Outlaw“). Voix râpeuse, riffs ‘catchy’ à l’australienne et rythmique entrainante ; rien de tel pour rendre au public de Raismes le wagon de joie de vivre qui lui avait été massivement dérobé lors de la prestation précédente.

Cachemire est, pour moi en tout cas, une totale découverte et une excellente surprise. Ce nouveau phénomène franco-français n’a pas encore, jusqu’ici, traversé les frontières du royaume de Philippe et Mathilde et c’est bien dommage. Le groupe Nantais, qui existe depuis une dizaine d’années, a déjà trois albums à son actif. Pas vraiment Hard Rock, ni tout à fait punk ou totalement garage, le quintette distille sur scène une énergie qui met tout le monde d’accord. Le chant (en français exclusivement) est étonnamment bon et la bonne humeur dont chaque membre du groupe fait preuve sur les planches du Raismes lui assure un capital sympathie instantané. D’ailleurs, ici personne ne semble se demander si le groupe est vraiment Hard ou tout à fait Punk. C’est un bon groupe Rock. Point. Le vocaliste, qui répond au doux patronyme de Fred Bastar semble être maître dans l’art de manipuler les foules. Parvenant tantôt à construire un ‘muret de la mort’ (NDR : un ‘Wall Of Death’ à l’échelle raismoise), tantôt à convaincre un public, composé d’une majorité de cinquantenaires, de sauter au son de la musique et même de se lancer dans mouvement de foule effréné (NDR :  qui, il faut bien l’avouer tient plus de la farandole que du circle pit). Il n’hésite pas (après avoir demandé l’autorisation aux parents, tout de même) à prendre dans ses bras un très petit garçon afin de lui enseigner les arts de la scène. D’abord effrayé, le gamin (qui avait probablement cru qu’on allait lui présenter Casimir) finit par se dérider et, avec la collaboration du sympathique public Raismois, à devenir lui-même une mini Rock Star. Excellent concert.

S’il fallait résumer en un seul mot cette seconde journée de Raismes Fest, ce serait probablement ‘diversité’. Aucun des huit groupes qui se succèdent sur les planches du festival nordiste ne ressemble à ceux qui l’ont précédé. Rock Alternatif, Blues, Rock Sudiste, Classic Rock, Punk. Tous les genres sont représentés. Bien qu’il se réclame du Hard Rock, le groupe croate Jelusick, qui envahit la scène vers 19h45, est probablement le gang le plus ‘Metal’ du jour. Look, jeu de scène, et dextérité instrumentale, tout ici appelle la ‘air guitar’ le ‘headbanging’. Je ne vous apprendrai rien en vous disant que Dino Jelusić, le leader du groupe, est le sosie vocal de David Coverdale (NDR : qu’il double d’ailleurs durant les concerts de Whitesnake, lors des cascades vocales risquées). Un excellent chanteur donc, qui, sur scène, se charge également des parties de claviers. Côté musique, Jelusick, emprunte beaucoup à Whitesnake, bien sûr, mais aussi à Zakk Wylde ou au Badlands de Jake E. Lee pour le côté plus heavy des guitares. Si Dino Jelusić est le leader incontesté du groupe, ses musiciens ne sont pas en reste. Ivan Keller, le guitariste, est impressionnant de puissance et de dextérité. Luka Brodaric, le bassiste, est aussi remuant que démonstratif et il vole souvent la vedette à son employeur. 20h30, la pluie que les applications météo de nos téléphones annonçaient depuis ce matin, s’invite finalement à la fête. Pas assez, toutefois, pour obliger la foule à renoncer à la prestation du prodige croate et de ses sbires. Fantastique groupe et super concert.

21h00. Un méchant cumulonimbus s’est ancré au château de la princesse et une pluie battante s’abat sur le site depuis une bonne demi-heure. Il faudra bien plus qu’une intempérie pour faire renoncer le public du Raismes Fest à sa dose de D.A.D. Après tout, Din’s Ch’nord, on ne dit pas qu’il pleut quand ça crachote un peu. On dit seulement que l’air est un peu humide. Alors que le parterre commence quand même à ressembler au moins érotique des concours de t-shirts mouillés, sur la scène, les frères Binzer et le batteur Laust Sonne se chargent eux même de la balance de leurs instruments. Seul le bassiste Stig Pedersen se la joue Rock Star en confiant la préparation de ses amusantes basses bicordes à un envahissant (mais efficace) roadie. Après un sound-check qui, en raison de l’humidité ambiante probablement, semble durer une éternité, les musiciens quittent la scène pour revenir quelques secondes plus tard au son de « Jihad », l’un des titres phares de « No Fuel For The Pilgrims », leur album le plus populaire paru en 1989. Comme toujours, Stig Pedersen est le plus remuant et le plus extravagant du quatuor. Maquillé comme une voiture volée, le bassiste arbore une tenue argentée très ajustée à son corps filiforme. Voyageant probablement léger, il n’a emmené avec lui que deux de ses célèbres basses à deux cordes, l’une plutôt banale, en résine transparente l’autre, dont le corps est en forme de croix de malte avec un manche terminé par une miniature du célèbre Fokker du Baron Rouge.  Chapeau haut-de-forme vissé au sommet de sa chevelure blonde, comme il en a pris l’habitude, le guitariste Jacob Binzer se pose en gardien du temple de la mélodie, assurant riffs musclés et solos  vertigineux avec calme olympien. Son frère, Jesper Binzer est l’antithèse de Stig Pedersen. Frontman, mais pas rockstar pour un sou, il se présente sans fard ni tenue extravagante, se contentant d’une veste et d’un pantalon en jeans pour toute tenue de scène et se démarquant du commun des guitaristes en tenant son instrument à la verticale. Avec sa chemise BCBG, sa coiffure banane rock’n’roll et son jeu jazzy, Laust Sonne est un peu le ‘cheveu dans la soupe’ au sein du quatuor. Ce manque d’homogénéité apparent est l’atout principal de D.A.D. ; le petit truc en plus qui fait des Danois un combo hors normes ; un OVNI au sein de la communauté hard rock. Le set est plutôt classique. Entre les titres, les membres du groupe s’évertuent à baragouiner dans un Français qui, s’il est hautement approximatif, contribue à les rendre encore plus sympathiques auprès de la foule détrempée du Raismes. Le groupe revient à quatre reprises sur son « No Fuel For The Pilgrims » dont il interprète les incontournables « Point Of View », « Grim Of Hell » et « Sleeping My Day Away”, ainsi que l’hymnique « Girl Nation » en rappel. Entre ces hits, il nous propose aussi deux extraits de son « Call Of The Wild » de 1986 (NDR : à l’époque où le groupe s’appelait encore Disneyland After Dark) et quelques extraits de ses classiques « Riskin’ It All » de 1991 et « D.A.D Draws a Circle » de 1987. La setlist sera complétée par des extraits d’albums sortis un peu plus tard que, personnellement, je ne connais pas vraiment. Cerise sur le gâteau, le groupe nous offre également «1st, 2nd & 3rd » et « The Ghost », deux titres extraits de son nouvel album « Speed Of Darkness », annoncé chez AFM Records pour le 4 octobre prochain. Et voilà. Le Raismes 2024, c’est terminé.

Nous vous le disons chaque année, venir à Raismes, c’est avoir envie d’y revenir. Nous vous y retrouverons l’année prochaine, qui, si tout se passe bien, sera exceptionnelle, puisque le festival fêtera se 25ième édition (et sa 27ième année d’existence).

Je vais terminer cet article sans aucune originalité (puisqu’absolument tout le monde le fait), mais avec une sincérité peu coutumière de ma part, en remerciant l’organisation et les bénévoles qui, chaque année, contribuent à faire de Raismes le paradis sur terre pour les rockers que nous sommes.

Photos © 2024 Alain Boucly

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