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Les Nuits 2022: les grands espaces de Caroline

Les Nuits du Bota édition 2022 ont démarré sur les chapeaux de roue ce mercredi avec une première solide prestation. Celle des Londoniens de Caroline au Grand Salon qui sont parvenus à transporter le public dans leur univers singulier.

Mais avant cela, quel plaisir non dissimulé de retrouver nos Nuits au printemps, de pouvoir de nouveau déambuler dans le parc sans passer par la case CST et se restaurer au pied des marches. Un plaisir décuplé par une météo plus que printanière en cette soirée d’ouverture.

Direction le Grand Salon, donc, pour assister à ce qui doit s’apparenter à notre tout premier concert d’une artiste guatémaltèque, même si Mabe Fratti réside désormais au Mexique. C’est d’ailleurs dans un endroit reculé aux alentours de Mexico qu’elle a enregistré en pleine pandémie « Será Que Ahora Podremos Entedernos? », son deuxième album, quelque part entre plénitude et zénitude.

Ce soir, les choses tarderont toutefois à se mettre en place. De longs instants dans l’obscurité la plus totale et un silence assourdissant précéderont en effet l’arrivée du groupe sur scène. Au centre de celle-ci, assise derrière son violoncelle, la chanteuse s’exprime d’une voix céleste dans sa langue natale, ce qui ajoute un soupçon d’exotisme à un environnement aussi planant que menaçant. Si les effets électroniques renvoient par moments à Archive, des parties de guitare bien senties viennent booster l’ensemble sans altérer l’instrument roi dont les rares séquences plus classiques ne tardent pas à reprendre une voie expérimentale. Exigeant, certes, mais parfaitement maîtrisé…

Exigeant, c’est également un terme que l’on pourrait associer au premier album de Caroline, publié chez Rough Trade en début d’année. Mais on préférerait plutôt parler de promenades hors des sentiers battus, celles qui font la part belle aux chemins de traverse ou qui nous contraignent à contourner les obstacles consécutifs aux déchaînements de dame Nature. Car, à l’instar de Black Country, New Road auxquels on est tenté de les comparer, les huit Londoniens se veulent avant tout aventureux, refusant toute segmentation et prenant un malin plaisir à brouiller les pistes.

Sur scène, c’est à peu près pareil. Les musiciens sont positionnés en U-shape, une configuration leur permettant d’interagir entre eux, de se comprendre d’un simple regard. Car Caroline, c’est également de l’improvisation, aussi maîtrisée soit-elle. Au centre du U se trouve la batterie derrière laquelle officie pour le moment Jasper Llewellyn, tête pensante et vocaliste principal du groupe. Il n’y restera que le temps de « Dark Blue », premier titre qui verra les instruments patiemment entrer dans la danse les uns après les autres, dans la foulée d’une confrontation de violons tziganes.

À ce moment, seuls deux membres du groupe semblent en concentration méditative, mais ce n’est que pour mieux apporter leur pierre à l’édifice par après. D’un côté Hugh Aynsley, le percussionniste officiel, prendra la place de son boss parti dompter son violoncelle pour un « IWR » bourré d’harmonies vocales. Alex McKenzie, lui, passera d’un côté à l’autre de la scène, se partageant entre instruments à vent et à cordes.

Ajoutez-y, au gré des compositions, une trompette, un saxophone ou un harmonium et vous comprendrez que l’on se retrouve plongé dans un univers orchestralement riche et chaleureux. Surtout présentes à l’entame du morceau, les voix passent toutefois rapidement au second plan. Tout bonus pour des musiciens aguerris clairement dans leur monde enchanté qui s’en donnent dès lors à cœur joie. On pense notamment au final déstructuré de « Natural Death » ou aux délires free jazz de « Skydiving Onto The Library Roof ».

Avec son intro lorgnant vers Beirut, « Engine (Eavesdropping) » sera sans doute le plus imprévisible du lot, se transformant vite en cacophonie bordélique mais tout à fait maîtrisée. L’inédit « BJR » (pour Big Red Jacket), de son côté, montrera un aspect davantage mélancolique grâce à une trompette sulfureuse, le leader se retrouvant cette fois à la guitare acoustique. Il retrouvera ses fûts pour le final de « Good Morning (Red) » dans une veine post-rock aux surprenants contours balisés par les hurlements du guitariste. Si la set-list ne comportait que sept titres, la maîtrise des forces en présence les développait en une multitude d’aventures imaginaires. Les Nuits commencent décidément sous les meilleurs auspices…

SET-LIST
DARK BLUE
IWR
NATURAL DEATH
SKYDIVING ONTO THE LIBRARY ROOF
ENGINE (EAVESDROPPING)
BIG RED JACKET
GOOD MORNING (RED)

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