Geese, country-post-punk en 3D
Cette année plus que jamais, les programmateurs du Bota ont fait très fort en concoctant une rentrée plus que torride. Rien que cette semaine, Geese, Temples et Soror présentent en effet leur nouvel album à la Rotonde. Parmi ceux-ci, les New Yorkais étaient sans doute ceux que l’on était le plus curieux de revoir sur scène…
Mais avant, place aux Écossais de Humour qui, au lendemain de leur prestation aux Leffingeleuren, découvraient la capitale belge. Et contrairement à la veille, ils iront droit au but vu le timing serré imposé par leur statut. Les natifs de Glasgow, qui ont peaufiné leur univers pendant le confinement, ont publié fin d’année dernière un premier EP (« Pure Misery »), dans un style carré et soutenu qui les rapproche de Squid en moins complexe toutefois.
Ceci dit, sur scène, ils se lâchent littéralement et le leader Andreas Christodoulidis assure un surprenant chant saccadé aux sonorités variées, comme s’il doublait des dessins animé à ses heures perdues. Une fois cette donnée assimilée, l’attention se focalise sur une guitare entêtante et une basse glaciale qui font merveille (l’impeccable « Jeans » métamorphosé par rapport à sa version studio, le brutal « Yeah, Mud! »). Petite particularité, la moitié du set sera constituée de nouveaux titres, témoins d’une évolution fulgurante impliquant davantage de participation vocale des musiciens, un sens aigu des mélodies et des textes instantanément mémorisables (les futurs hymnes « Wrangel », « The Halfwit »). Humour, c’est du sérieux…
Rappelez-vous, lors du passage de Geese Chez [PIAS] en juin 2022, on avait été pour le moins surpris de la direction américanisée prise par les extraits de « Projector », un excellent premier album franchement post-punk produit par Dan Carey, une des pointures du genre (Fontaines D.C., Black Midi, Goat Girl…) et publié chez Partisan, le label de référence. Pour « 3D Country », leur deuxième plaque arrivée au début de l’été, ils assument complètement le paradoxe même si derrière les manettes, on retrouve cette fois James Ford (Arctic Monkeys, Blur, Foals…).
Un album que l’on imagine correspondre davantage à leur philosophie et sur lequel ils explorent les voies empruntées sur scène à l’époque. Même si on y retrouve par moments ce brin de folie et cet environnement sinistre propres à leurs aspirations initiales, comme sur l’ouragan qu’est « 2122 ». Juste avant, une partie du groupe débutera le set de manière très ordonnée, donnant à « Domoto » un pertinent aspect crescendo. Un piano délicat, une voix hors du temps et une guitare pour le moins discrète s’entremêlaient ainsi dans l’obscurité quasi-totale, avant que le batteur (curieusement positionné à l’extrême gauche de la scène) et le bassiste ne viennent donner au titre son allure uptempo définitive.
Si le leader Cameron Winter, lui aussi à la voix modulable, passe la plupart de son temps à droite de la scène derrière des claviers, on ne peut que sourire devant l’instrument atypique que son camarade de jeu arbore, un keytar. D’autant qu’il l’utilise tel un guitariste d’un groupe de hard rock dans les années 80, chevelure au vent comprise. Et c’est peut-être bien la force de Geese. Passer au-delà des modes pour confectionner un style singulier presqu’intemporel. Comme sur cet « I See Myself » très Rolling Stones au demeurant ou ce « Gravity Blues » que Julian Casablancas (auquel le leader ressemble un chouia) n’aurait pas renié si les Strokes avaient migré vers Nashville. Alors que « Mysterious Love », dans la foulée, les verrait plutôt descendre vers le Mississippi.
Quoi qu’on en dise, en plus d’être productifs, ils ont de la suite dans les idées car un EP baptisé… « 4D Country » arrive à la mi-octobre. Un EP sur lequel on retrouve « Jesse », composition aux contours gospel qui sera le seul inédit de la soirée. Retenons encore un explosif « Cowboy Nudes » et un groovant « 3D Country » à la voix plaintive dont le final complètement dingue vaudra presqu’à lui seul le détour. C’était sans compter sur « St. Elmo » qui clôturera le set principal dans la cacophonie la plus totale… après seulement une quarantaine de minutes de prestation d’un set exclusivement axé sur le nouvel album.
Pour les rappels, ils ne regarderont dans le rétroviseur que pour un « Low Era » à l’intro jazzy et aux rugueux contours disco. Car ils boucleront le tout sur un « Undoer » déstructuré qui confirmera leur volonté de regarder droit devant eux. Et si on ne sait pas encore quelle direction prendra la suite de leur carrière, il ne fait aucun doute qu’elle nous décontenancera…
SET-LIST
DOMOTO
2122
I SEE MYSELF
JESSE
GRAVITY BLUES
MYSTERIOUS LOVE
COWBOY NUDES
3D COUNTRY
ST. ELMO
LOW ERA
UNDOER