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Dour Festival 2022 (part 2) : Send me an Angèle

Après un galop d’entraînement, la programmation du Dour Festival s’apprêtait à passer à la vitesse supérieure pour son quatrième jour. Aux côtés des incontournables Sylvie Kreusch et Metronomy, la première tête d’affiche féminine de l’histoire du festival, Angèle.

Un festival désormais bien installé au pied des éoliennes, un espace qui, a priori, ne comporte que des avantages. Extensible à souhait, il ne présente ni dénivelé ni pièges métalliques, des reproches souvent adressés à l’ancien site de la machine à feu. Reste à expérimenter sa réaction en cas de fortes pluies mais jusqu’ici, les cieux ont été cléments avec les organisateurs. Pourvu que ça dure…

Une fois encore, la Petite Maison dans la Prairie a constitué l’essentiel de notre terrain de jeu, avec, pour se mettre en jambes, Meyy. La jeune Bruxelloise désormais installée à Londres a entamé son set perchée sur un podium circulaire en exécutant des pas de danse langoureux devant son nom en lettres scintillantes. Vêtue d’un costume de scène blanc aux jambes lacérées, elle s’épanouit dans un univers r’n’b aux contours electropop et aux lignes de basses destructrices pour les tympans. Entre concert et performance, sa prestation aurait mérité davantage de visibilité.

La configuration du site permet désormais d’isoler la Last Arena et d’y débuter la programmation un peu plus tard dans l’après-midi. Sasha Vovk et Julie Rens aka Juicy ont donc ouvert la plus grande scène du festival sans le moindre complexe. Une scène que l’on pensait trop vaste pour leurs consoles (clavier d’un côté, batterie électronique de l’autre) mais il n’en a rien été. Leur présence, leur enthousiasme et leurs sourires ont en effet compensé l’absence d’effets visuels, si ce n’est leur combinaison futuriste aux franges roses. Les harmonies vocales à la Destiny’s Child au service de pop songs catchy à souhait ont fait le reste…

La première prestation incontournable de la journée allait mettre en scène Sylvie Kreusch. Il s’agit bien du terme à employer pour décrire le show de l’ex-seconde voix de Warhaus et nouvelle petite princesse de la mode européenne. Avec “Montbray”, son premier album solo, elle a décroché la timbale et, au passage, la première place du Afrekening de Studio Brussel grâce à l’imparable “Walk Walk”. Un sommet de son set, interprété cet après-midi portant un sac à main transparent bourré de confettis. Inutile de préciser qu’ils virevolteront dans les airs au terme du titre en question.

Affublée d’un ensemble extra large qu’elle soulève légèrement de temps à autre pour mieux se mouvoir et ainsi dévoiler de hautes bottes noires plutôt sexy, elle va sans relâche arpenter la scène. Ceci dit, malgré une présence indéniable, elle laisse de la place à ses musiciens dont on appréciera particulièrement les percussions. Le tout avec une irrésistible voix langoureuse rappelant Lana Del Rey et un regard déstabilisant lorsqu’elle ôte ses lunettes de soleil. Allez voir le phénomène tant qu’il est accessible

Après cette claque ponctuée par un “Just A Touch Away” d’anthologie, un détour par la Chaufferie s’imposait. Nouveau chapiteau pas si intimiste que cela, il programme notamment les nouvelles sensations rap et hip-hop dont Le Juiice (moins sexy que Juicy). Avertisseurs de brumes, punchlines aiguisées et danseurs masqués actionnant des fusils à eau nous ont laissés un rien perplexes…

Tout comme le set signé Yves Tumor sous la Petite Maison dans la Prairie mais pour d’autres raisons. Genre de personnage proche de l’univers de King Khan (très) légèrement vêtu de cuir et maniant un fouet en plus de son micro, il s’exprime d’une voix criarde trafiquée. À l’instar de ses musiciens (dont un guitariste au son très hard FM à la Bon Jovi), il met un point d’honneur à entretenir l’ambiguïté. Le tout s’est terminé dans un brouhaha indescriptible au pied de la scène dans des positions suggestives dont un Marilyn Manson queer aurait été friand.

Entre les deux, notre premier passage du jour au Labo s’est avéré beaucoup plus sage au son du Neue Grafik Ensemble. Le Parisien aux dreadlocks n’est pas étranger au fameux renouveau du jazz anglais puisqu’il est résident Londonien depuis plusieurs années et que son passé de producteur de house lui permet quelques fantaisies… qui ne se sont pas remarquées ce soir. Bien qu’hyperactif derrière son clavier, il s’est en effet contenté d’un set groovy marqué par des envolées de cuivres exécutées de main de maître par les deux musiciennes à gauche de la scène.

Tant Odezenne sous la Petite Maison dans la prairie que Kalash sous la Boombox récolteront leur petit succès, via des recettes et des publics radicalement différents. Les premiers nommés déclament en articulant, accompagnés de vrais musiciens. Fait assez rare que pour être souligné dans un monde où les onomatopées, l’auto-tune et les sons pré-enregistrés sont légion. Tout le contraire du rappeur Martiniquais à la sulfureuse réputation dont le set brouillon sera proportionnel à la population rebelle venue y assister.

Tout ceci nous amène à la curiosité de la journée. Angèle en tête d’affiche de la Last Arena, la première artiste féminine de l’histoire du festival à réaliser pareille performance. Une annonce surprenante à l’automne dernier et un moment surréaliste lorsqu’elle est montée sur scène dans ses habits de lumière. Loin de nous l’envie de la dénigrer car son parcours et son succès sont aussi fulgurants que remarquables. Mais Dour était-il l’endroit pour son seul et unique concert belge de l’été ? Son show millimétré et propret tend à répondre par la négative mais en parallèle, c’est elle qui a rameuté le plus de monde devant la scène lors de cette édition. Nous dirons simplement qu’il s’agissait du premier contact avec le Dour Festival pour toutes les petites têtes blondes clairement venues pour elle et que d’ici une dizaine d’années, ils seront des festivaliers à part entière…

Heureusement, Metronomy sous la Petite Maison dans la Prairie allait non seulement (re)mettre tout le monde d’accord mais également donner l’un des concerts du festival. Les Londoniens emmenés par Joseph Mount ont publié début d’année “Small World”, une septième plaque pleine de fraîcheur et de mélodies pop dont ils ont le secret, à l’instar de “Love Factory”, titre d’intro d’un set tout simplement parfait. Et lorsqu’ils balancent “The Bay” dans la foulée, on vous laisse imaginer le degré de folie et la température ambiante du chapiteau.

Un chapiteau qui explosera au fur et à mesure du défilement des hymnes soigneusement composés par l’ami Joseph, chantés avec une vision pop (“The Look”, “Love Letters”) ou instrumentaux lorgnant vers l’electro (“Boy Racers”, “End Of You Too”). Un Joseph qui sait s’entourer et a trouvé depuis quelques années son backing band idéal. Outre le fidèle claviériste maniéré Oscar Cash, on pense notamment à la batteuse Anna Prior (impeccable au micro sur “Everything Goes My Way”) et au bassiste massif Olugbenga Adelekan, tous aussi charismatiques les uns que les autres.

Un passage par une Balzaal blindée et le set de Laurent Garnier nous aura permis d’en prendre plein les oreilles pour ponctuer la journée. Mais également plein les mirettes tant le visuel et les effets lumineux bluffants ont été travaillés, en y incluant les éoliennes. Dourmorrowland ?

À suivre…

Photo © 2022 Olivier Bourgi

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