Bambara, on your (birth)marks
Cette année encore, le 1er mai n’a pas uniquement rimé avec fête du travail et rassemblements populaires dans la capitale. Particulièrement à l’AB, où pendant que Pommelien Thijs poursuivait son impressionnante série de dix grandes salles sold out, les New Yorkais de Bambara donnaient leur tout premier concert bruxellois au Club.
Judicieusement choisis pour assurer la première partie, les spitants Anversois de Plexi Stad ne se sont pas fait prier pour emmener le public dans leurs délires frénétiques. Véritable pile électrique dotée d’une voix glaciale à souhait, Sean Pelleman sait comment captiver un auditoire qui a pourtant toutes les peines du monde à le suivre du regard. Sa voix saccadée sertie de gloussements prononcés accentue les rythmiques déstructurées dont ses camarades de jeu se sont fait une spécialité. Quelque part entre Wire, Gang Of Four et Suicide, leurs compositions menaçantes bourrées d’énergie fleurent bon la fin des seventies mais collent à une actualité aussi morose qu’à l’époque. Ils publient d’ici quelques jours leur deuxième single, « Siren Dance », sur le label allemand Mengel. À suivre, donc…
Les passages de Bambara en Belgique semblent inversement proportionnels à leur productivité discographique. On les avait découverts en novembre 2018 dans le cadre du festival Autumn Falls lorsqu’ils avaient assuré le support de Nothing au regretté Muziekodroom d’Hasselt. Ils en étaient déjà à leur troisième album, « Shadow On Everything ». Manque de bol, le suivant (« Stray ») est arrivé juste avant la pandémie et ils mettront encore deux ans avant de repasser dans le coin. C’était dans un Trix Bar survolté en mars 2022 lorsqu’ils promotionnaient l’excellent EP « Love On My Mind ». Aujourd’hui, c’est avec « Birthmarks », un cinquième long format plutôt réussi, qu’ils débarquent enfin à Bruxelles.
Un album parfaitement équilibré qui permet à leur recette post-punk sinistre juste ce qu’il faut d’acquérir ce brin d’accessibilité tout relatif mais suffisamment marqué que pour attirer de nouvelles oreilles. La preuve via « Hiss » et « Letter From Sing Sing », titres d’intro à la fois dudit album mais surtout d’une soirée captivante à souhait dans un AB Club sold out. Patiemment posées, les bases du premier ne tarderont ainsi pas à atteindre une puissance que le second amplifiera généreusement, bien aidé par l’attitude vénère de Reid Bateh, charismatique leader dans son trip à deux doigts de défier le public.
Cheveux gominés, perfecto sur le dos et théâtralité assumée, il porte littéralement le groupe sur ses épaules, même si, avouons-le, il perdra de son aura en t-shirt blanc après avoir laissé tomber la veste. Avant lui, Blaze Bateh, son batteur de frère, s’était déjà retrouvé torse nu au moment d’entamer un très sombre et lancinant « José Tries To Leave ». Le bassiste William Brookshire complète le trio d’origine auquel le claviériste Sam Zalta et surtout Lilah Larson, fluette guitariste à la droite du leader et récente recrue, y va de ses vocalises pertinentes, comme sur ce « Mythic Love » d’une intensité sans pareil. Extrait du précité EP « Love On My Mind », il s’agit à n’en point douter d’un moment-clé dans la carrière du groupe, le déclic qui a mené les New Yorkais d’adoption vers « Birthmarks ».
Un album qu’ils exploreront généreusement et duquel se démarqueront notamment un « Dive Shrine » plein d’anticipation et un « Face Of Love » à la puissance retenue sur lequel la voix de Miss Larson ajoutera de la noirceur. Ou encore cet explosif « Pray To Me » qui verra le chanteur faire un tour au milieu des spectateurs. Finalement, seul « Holy Bones » passera plus ou moins inaperçu, peut-être parce qu’il est arrivé lors du premier (et bref) moment de respiration de la soirée.
Car il y en aura peu, des bouffées d’oxygène. Même lorsque l’intensité semble retomber, comme sur l’orageux « Birds » porté par une basse flippante ou le ténébreux « Stay Cruel », la tension revient toujours au détour d’un arrangement ou d’un regard sévère. D’autant que le rouleau compresseur ne tarde pas à se remettre en marche. On pense à « Heat Lightning », véritable boulet de canon envoyé au milieu du moshpit et à « Serafina », dinguerie sur laquelle les pogos seront définitivement lancés.
Curieusement, c’est sur une note plus contenue mais non moins fiévreuse que le set principal se clôturera, au son du prenant « Miracle ». Quant au rappel, il se limitera à un seul titre, le speedé et puissant « Monument » dans une version rappelant le Nick Cave des débuts, retournant l’AB Club d’un revers de la main. Attendre leur prochaine visite pendant trois ans n’est clairement pas une option…
Organisation : AB