Hinds, une hype moribonde
Avouons-le, les groupes de rock espagnols qui parviennent à dépasser les frontières de leur pays ne sont pas légion. Les quatre nanas de Hinds font donc figure d’exception, surtout qu’elles sont précédées d’une hype qui leur a permis de remplir l’AB Club en un clin d’œil. Elles s’y produisaient ce dimanche 28 février afin d’y présenter leur premier album, “Leave Me Alone”. Avant elles, ce sont les New Yorkais de Public Access TV (à ne pas confondre avec Public Service Broadcasting) qui se sont chargés de chauffer la salle. Le quatuor a excellente presse depuis ses débuts et son leader John Eatherly, véritable graine de rockeur, n’y est sans doute pas étranger. Il a en effet quitté l’école à 16 ans pour rejoindre Be Your Own Pet à la batterie puis de jouer avec Smith Westerns et The Virgins notamment.
Au moment de lancer son propre projet, il connaissait précisément ses ambitions. Initier une nouvelle vague rock ‘n’ roll made in Big Apple, une ville qui en a bien besoin depuis que l’étoile des Strokes ou des Yeah Yeah Yeahs a perdu de sa vigueur. Ceci dit, à l’écoute de leurs compositions fougueuses, c’est plutôt vers Londres et les Clash qu’il faut aller chercher leurs influences. Des titres courts, bourrés de fougue et d’énergie mais suffisamment poppy que pour se coincer instantanément dans le creux de l’oreille, avec une basse d’enfer signée Max Peebles et une voix qui ressemble à s’y méprendre à celle de Joe Strummer. Un album devrait arriver dans le courant de l’année.
On ne le savait pas encore, mais on venait d’assister au meilleur moment de la soirée… Car autant le dire d’emblée, les Madrilènes de Hinds ont déçu. En octobre 2014, elles avaient assuré la première partie des Libertines à Forest National sous le nom de Deers. Quelques mois plus tard, elles sont contraintes de se rebaptiser sous la pression de The Dears, le groupe Canadien. Elles seront désormais connues sous le pseudo Hinds. Produit par leur compatriote Diego Garcia des excellents Parrots, “Leave Me Alone”, leur première plaque, est arrivée en tout début d’année et a été sélectionné comme Album of the Month par le magasin de disques Rough Trade dans la foulée.
C’est toutefois avec deux compos datant de leur époque Deers qu’elles ont débuté leur set (“Warning With The Curling” et “Trippy Gum”) après être montées sur scène au son du “You Sexy Thing” de Hot Chocolate. Bien qu’apprêtées et maquillées, le terme sexy n’est peut-être pas celui qui leur convient le mieux. La faute immanquablement à la voix criarde et rugueuse de Carlotta Cosials, parfois à la limite du supportable, quand elle ne chante pas carrément faux (“Warts”). Celle de sa camarade Ana Perrote rattrape quelque peu la donne mais sans réellement convaincre elle non plus. Et on ne parle pas de l’environnement bordélique qui va miner un titre comme “Fat Calmed Kiddos”.
Des influences sixties à la Phil Spector sont perceptibles, mais sans vraiment être exploitées (les Raveonettes, dans la playlist du DJ pendant les soundchecks, le font avec nettement plus de subtilité). Pourtant, des titres comme “When It Comes To You” ou “Bamboo” devraient se démarquer aisément et, sur scène, sortir du moule rock garage chipie crasseux auquel l’album nous fait penser.
Heureusement, tout ne sera pas à mettre dans le même panier. “Chili Town” (que l’on dirait inspiré du “Brimful Of Asha” de Cornershop) et sa basse proéminente ainsi que les riffs entêtants d’“Easy” vont sauver la prestation du naufrage alors que l’environnement fougueux de “San Diego” compensera largement des voix décidément inappropriées et une attitude qui n’a de rebelle que le nom.
Mais voilà, malgré cela, “Garden” et “Castigadas En El Granero” vont conclure le set principal avec une conviction toute relative. Sans surprise, notre ressenti suivra la même direction. D’autant qu’il s’agira même du point final du concert car les divas refuseront de revenir pour les rappels. Une sombre histoire de verre à bière jeté par un spectateur sur scène, apparemment. Allons, les chicas, où avez-vous laissé votre rock ‘n’ roll attitude ?