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RAKES (The) – Capture/Release

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Composé de Alan Donohoe, chant, choeurs, Matthew Swinnerton, guitare, choeurs, James Hornsmith, basse, choeurs, et Lasse Petersen, batterie, choeurs, le groupe londonien The Rakes pratique un punk revival minimaliste de qualité. Les deux premiers cités s’occupent des compositions mais l’efficacité de la rythmique est parfaite : on a affaire à un vrai groupe.

Dans le casting, on remarque aussi Paul Epworth (trompette, percussions, backing vocals), le co-producteur de Bloc Party, qui est aussi ou a été le producteur de Tom Jones, The Futureheads, Maxïmo Park, The Streets, New Order, … On remarque aussi la présence de Eliot James (piano), qui assurait la programmation sur l’album de Bloc Party.

Surtout connu par le single « 22 Grand Job », le groupe The Rakes brigue d’entrée de jeu une place parmi les grands. Sur base de cet album, cela pourrait prendre un peu de temps, tant la concurrence est forte. Ils passent régulièrement en première partie de Bloc Party, dont ils adoptent un peu le style et c’est un obstacle supplémentaire. A qui en imputer la responsabilité ? Au co-producteur Paul Epworth, sans doute, qui utilise la même recette que pour le groupe de Kele Okereke.

On ne manquera pas de soulever le problème de leur identité, d’autant plus que rayon influences, celles de Franz Ferdinand, Buzzcocks et The Strokes sont patentes. Plus subtile est la ressemblance avec The Cure période « Three Imaginery Boys » (1979) et avec XTC sur l’un ou l’autre morceau.

Côté album, « Strasbourg » est un punk revival très affûté porté par une rythmique parfaite et un chant crasseux bien dans la note punk. Accrocheur, ce titre est une intro idéale pour l’album. « Retreat » est un morceau guidé par les guitares sur un rythme saccadé qui tient à la fois du funk punk jubilatoire teinté de nostalgie de Bloc Party, du ska et du pop rock rafraîchissant de Franz Ferdinand. Il traite pourtant d’un sujet grave : la vie sociale désespérante dans les grandes villes. C’est bien là sa marque de fabrique : une légèreté de façade qui masque une implication totale dans les problèmes de l’époque.

« 22 Grand Job » est le titre qui a fait connaître le groupe au grand public. Irrésistible par son dynamisme et son énergie largement au-dessus de la moyenne, il n’est pourtant pas le meilleur titre de l’album. Avec une intro à la Robert Smith, « Open Book » est un titre tout aussi imparable à la fois par son rythme sautillant et l’enthousiasme communicatif des harmonies vocales. Sur le thème de l’aliénation de l’individu, c’est une critique des media et de leurs préoccupations exclusivement mercantiles.

« The Guilt » possède un ton différent et la ressemblance avec son illustre « parrain » Bloc Party est évidente. On y parle d’alcoolisme et d’addiction à la drogue, fléaux urbains récurrents. La fin répétitive est amusante. Le rythme de « Binary Love » n’a pas besoin d’autre qualificatif mais il est absolument irrésistible. C’est d’une fraîcheur rare et la mélodie est accrocheuse à souhait, de quoi titiller le top des charts.

Très Buzzcocks dans sa forme, « We Are All Animals » ne laisse planer aucun doute sur la nature humaine. Peut-on le lui reprocher ? En tout cas, le rythme saccadé et l’attaque de la guitare sont des atouts majeurs qui en font un des très grands morceaux de cet album, qui possède par moments du génie. Sur le plan musical, on peut y voir aussi un semblant de parenté avec « We’ve Got A File On You » de Blur sur l’album « Think Tank » (2003), dont la chronique est disponible sur ce site, et avec XTC période « Drums And Wires » (1979) et plus particulièrement « Making Plans for Nigel ». Dans ce cas, la division en décade est moins pertinente que jamais et ne sert qu’à une simplification abusive et plutôt commode. Les influences, bien assimilées, sont multiples et réparties sur pratiquement 40 ans. « Violent » ressemble à un ska qui aurait subi un lifting pour virer au punk pur et dur, histoire de démontrer la pertinence du titre. En même temps, il sert d’intro à la partie géniale de l’album.

A l’aide de sa remarquable et percutante approche rythmique, « T Bone » décrit la violence urbaine dans toute sa splendeur et exprime avec un rare talent son bruit et sa fureur. Par association d’idées, ça fait penser au film « Roma » de Federico Fellini (1972) et au livre « Les nouveaux pouvoirs (Powershift) » d’Alvin Toffler (1990). Génial, percutant et terrifiant à la fois. Sans aucun doute, ce morceau fera partie du tiercé des meilleurs titres de l’année.

Brillamment amorcé par une ligne de basse irréprochable, « Terror! » en remet une couche et parachève les effets du titre précédent en lui ajoutant une touche plus inquiétante encore, le tout avec humour. C’est bien là que réside l’originalité de The Rakes : envisager les événements les plus graves sur le ton de la fantaisie. La fin de l’album est décidément bien meilleure que le début : on y voit apparaître le vrai groupe The Rakes, celui qui va émerger bientôt et contribuer au renouveau du rock britannique.

Le caractère répétitif de « Work, Work, Work (Pub, Club, Sleep) » lui donne un aspect lancinant qui l’empêche d’être emprisonné dans un rock conventionnel et en fait une conclusion toute trouvée pour ce magnifique album plein de trouvailles mais qui est encore un peu trop calqué sur le modèle Bloc Party.

Cet excellent opus très prometteur se divise en deux parties informelles. La première, un mélange de fun et de nostalgie latente, s’inspire de Bloc Party et Franz Ferdinand surtout. Vers la fin, le groupe se démarque de la chape de plomb où sa ressemblance avec Bloc Party risque de l’enfermer. Il démontre ainsi qu’il a sa personnalité propre et n’a pas besoin de mentor pour s’affirmer.

L’album est aussi la transposition très british de plusieurs thèmes abordés sur le chef-d’œuvre punk de Green Day, « American Idiot » : l’aliénation de l’individu, le rôle des media, les chancres urbains et leur cortège de misères. Le groupe a un grand potentiel et va affirmer progressivement sa personnalité. C’est à ce moment seulement que l’on pourra parler d’un grand groupe. A suivre de très près.

Malgré l’absence de son chanteur Alan Donohoe, malade, le groupe a parfaitement tenu son rang au Carling Festival, tant à Leeds qu’à Reading, aidé il est vrai par des copains de Bloc Party, Towers Of London et Maxïmo Park. Bien qu’impitoyable, le monde du rock anglais est petit et parfois solidaire.

Pays: GB
V2 VVR1032762
Sortie: 2005/08/15

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