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STIGMAN – Dream songs

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Les chemins sont nombreux qui mènent au rock. Dans les années 60, l’usine était la voie royale, avec le rock ‘n’ roll des prolétaires ou des marginaux qui ne voulaient pas y aller. Puis avec le temps, d’autres profils de rockers sont apparus, les bardes, les poètes, la classe moyenne et même quelques rupins. Et aujourd’hui, les intellectuels n’ont aucune honte à se revendiquer rockers. Un exemple avec François Borgers, un Namurois qui a en poche une agrégation de philosophie et des poèmes électriques plein la tête. Egalement passionné de cinéma, Borgers revendique des influences visuelles héritées d’Andreï Tarkovski ou d’Ingmar Bergman. Pas vraiment des rockers, ceux-là, on n’est pas dans le même registre que Claude Zidi ou Max Pécas. Mais bon, on va prendre le bonhomme tel qu’il est.

On a parlé de philo, de cinéma intello mais pas encore de littérature pointue. Et pourtant, la littérature a également une grande influence sur François Borgers qui a créé ce personnage de Stigman en référence à une héroïne d’un livre d’Henry Roth, encore un écrivain qu’on ne trouve pas dans les halls de gare. Henry Roth (1906-1995) met effectivement en scène Ira Stigman dans son œuvre-fleuve « Mercy of a rude stream », un roman en quatre volumes qui décrit le monde des immigrants juifs arrivés à New York au début du 20e siècle, et qui est en grande partie autobiographique.

Et lorsqu’on associe toutes ces influences, tous ces cheminements, on aboutit à la découverte d’un musicien d’une grande sensibilité, qui signe ici son troisième album après « Broken skins » (2013) et « Fathers » (2015). Stigman conserve sa ligne musicale d’origine, à savoir un folk dépouillé, servi par une unique guitare électro-acoustique, un peu de rythmiques et hanté par une voix lointaine et grave. Les morceaux y sont toujours courts (deux à trois minutes) et nombreux (une quinzaine), avec de temps à autre un extrait sonore d’un film d’Ingmar Bergman. Le premier morceau « All my tears are gone » démarre l’album sur un rythme soutenu, libérant immédiatement la voix rêveuse et profonde de Stigman. Le charme opérera tout au long de l’album, dans la grande cohérence constituée par « My castles », « Are you as alone as I am? », « Don’t give your heart to the sun » et bien d’autres. Stigman verse souvent dans le sentimental triste mais donne aussi quelques petits coups de fouet de temps en temps (« Enough », « Wake up! »). Les ballades prennent parfois un aspect d’une extrême finesse (« The one ») et l’ensemble ne lasse à aucun moment.

François Borgers a un univers musical fort, profond et il sait nous entraîner dans sa mélancolie en se montrant dans toute sa simplicité et sincérité. Cet album aurait mérité de sortir en automne mais il fonctionne aussi sous le ciel bleu de l’été.

Pays: BE
Autoproduction
Sortie: 2018/06/06

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