IRRADIANCE – Dissidence
D’après les sources en ligne, l’irradiance est un terme utilisé en radiométrie pour quantifier la puissance d’un rayonnement électromagnétique par unité de surface. Rien à voir à première vue avec la musique… Irradiance est aussi le nom choisi par un sympathique groupe du Nord de la France fondé en janvier 2014.
Irradiance est un projet métal original d’inspiration rétrofuturiste, dont l’épine dorsale est formée par Audrey Dandeville (voix), Alexandra Vallet (violon), Stéphane Arnaud (claviers et clarinette), Geoffroy Lebon (guitare), Lois Arnaldi (batterie) et Nicolas Mortier (ingénieur du son live). L’originalité est ici le maître mot, tant dans le choix du nom du groupe, que dans sa volonté de considérer son ingé son comme membre à part entière de la formation.
L’originalité est également de mise au niveau des compositions qui sont le fruit d’une véritable alchimie entre le métal et toutes sortes de styles musicaux allant du prog au jazz en passant par la musique classique, la musique tribale et le blues.
L’aboutissement de ce travail de métissage et de création s’est concrétisé par la sortie de l’album «Dissidence» sorti le 19 décembre 2015. Il s’agit d’un album qui, soutenu par un artwork superbe, raconte l’histoire d’un monde épuisé par d’innombrables conflits pour la mainmise sur les rares ressources qui subsistent et dirigé par la Réforme, un gouvernement autoproclamé aux relents de radicalisme religieux et de totalitarisme. Le gouvernement tient les villes habitées. Les territoires neutres entre ces villes fortifiées protégées par d’imposants murs de verre, abritent encore un noyau de résistance active, le mouvement Irradiance, dirigé par d’anciens mutins et par d’autres personnalités ambiguës qui se battent pour la liberté, le droit de vivre et la liberté d’expression. Ils incarnent donc la dissidence. Le décor est ainsi planté.
Le sujet ambitieux se décline en dix morceaux entièrement écrits par Stéphane et Audrey. «Children’s Game»: l’introduction mêle des instruments classiques, dont le très joli violon d’Alexandra, et une partie de chant choral sur lequel vient bientôt se greffer un son très métal. Le chant commence en voix claire traditionnelle, auquel répond le chœur sur un registre plus lyrique. Audrey part ensuite sur le registre lyrique dans lequel elle excelle. Les rythmes ont un côté très métal et très prog (notamment dans la deuxième partie). Très joli solo de clavier vers la fin du morceau. Le mélange voix normale et voix lyrique donne une dimension particulière au morceau qui rappelle par certains aspects des groupes comme Epica et Xandria.
«The Soldier and The Child»: Une voix lyrique assez aiguë pour l’enfant. Un rythme très bien balancé à la guitare et à la batterie. Une voix plus proche du chant clair normal pour la narration, une guitare et un clavier qui font merveille. Une mélodie accrocheuse malgré le côté très prog. Le pari du lyrique dans le refrain. Et toujours le chœur qui vient donner la réplique aux personnages et qui ajoute une couche épique à l’ensemble. La voix d’Audrey me fait ici très fort penser à celle de Dianne Van Giersbergen.
«Theorists Of The Void» commence par une très jolie intro au piano sur laquelle vient se greffer un doux mélange voix et violon. Le morceau démarre ensuite comme un morceau métal plus traditionnel avec quelques jolies parties au violon à l’arrière-plan. Une voix masculine issue du lyrique vient donner la réplique à Audrey. Encore un très joli morceau qui aurait pu passer pour du Xandria à la sauce prog. Guitare et clavier tricotent ferme. Audrey a une très jolie voix capable de monter fort haut dans les aigus, ce qui nous gratifie de quelques moments divins, notamment sur ce titre. Dans le dernier quart, la partie instrumentale prend un tour nettement plus blues/jazz. L’on notera aussi que le morceau finit de manière assez inattendue.
«Another Day To Rebuild» nous amène au cœur de l’intrigue. Le synthé est omniprésent en appui (un peu comme dans Ethernity). Vers 2:45, le morceau prend un tournant très jazzy créant une ambiance radicalement différente qui se fond ensuite dans le retour au métal. C’est surprenant et très bien écrit et interprété.
«Until The Last One» : l’intro très électro annonce un morceau faisant encore la part belle aux guitares et synthés. Le rythme est très soutenu comme pour donner encore plus de relief et de gravité au texte («A song of madness and martyrs, dehumanized pawns following orders, without remorse for what they’ve done, exterminated until the last one»). Très beau solo de clavier et, malgré la densité de l’écriture, sans doute le titre le plus catchy de l’album.
«All My Days» a beau être un morceau plus mélancolique, le rythme qui le sous-tend reste assez soutenu. Ici encore, la voix d’Audrey fait mouche dans tous les registres. Soudain, le piano prend un rythme plus jazz, très vite rejoint par le saxophone. Mais les guitares reprennent ensuite la situation bien en main pour rappeler une dernière fois le thème du morceau avant de finir sur un solo plutôt sympa.
«Forget-me-nots» commence sur un tempo et une mélodie qui rappellent immanquablement les «années folles». Comme il en a le secret, le groupe revient ensuite à un métal plus traditionnel faisant la part belle aux instruments électriques et au violon. Les lignes mélodiques de l’intro reviennent dans la dernière partie du morceau, illustrant avec talent la capacité d’Irradiance à marier le métal à des genres bien différents.
«Her Cold Decision» ouvre sur une très jolie intro aux cordes. L’architecture de ce titre est tout à fait conforme aux stéréotypes du genre, à ceci près qu’elle est agrémentée de certaines lignes de chant qui rappellent le Cabaret de Liza Minnelli et d’une jolie partition de violon. Le solo de synthé nous rappelle que le prog n‘est jamais loin. L’écriture musicale est dense, mais jamais elle ne cherche à nous perdre dans des méandres inextricables. Le fil conducteur reste perceptible à tout moment.
«Wandering In Autumn» donne le ton : une ambiance presque pastorale, avec une touche de nostalgie. Mais une nostalgie qui redonne de l’énergie, comme en atteste la suite du morceau. Un des morceaux les plus calmes de l’album. Très jolie composition. La narration du récit, portée par les lignes chantées d’Audrey, est ponctuée dans le dernier tiers par l’intervention du chœur qui, par sa dimension épique, relance l’intrigue et annonce le morceau de clôture de l’album.
«Vain Bravery» commence par une introduction faisant la part belle au chœur qui martèle une mélodie qui me fait penser assez curieusement à Powerwolf… Ce morceau représente fort bien la musique d’Irradiance: le côté métal prog épique, les parties chorales, le chant de forme lyrique, le solo de synthé, le solo de guitare. Quel régal !
En résumé: un premier album d’excellente facture pour les amateurs de musique à écouter comme on lit un bon roman. Le côté lyrique lassera vite les amateurs de musique de grande consommation. En revanche, les mélomanes se régaleront de la densité d’écriture, du mélange des genres, de la maîtrise instrumentale et des prouesses vocales d’Audrey qui nous gratifie de quelques passages d’une beauté à vous donner le frisson. Moins hermétique que les albums d’Ex-Libris, «Dissidence» est une excellente entrée en matière pour Irridiance qui place d’entrée de jeu la barre très haut !
Pays: FR
Autoproduction
Sortie: 2015/10/23