OTHERWISE – Peace at all costs
J’avais cru vaguement comprendre que dans le metal actuel, il y avait le metalcore décrié par tout le monde mais incroyablement populaire, le deathcore pour les excités du bulbe, le postcore et autre math rock pour les ingénieurs ou toutes sortes de groupes récents payant toujours leur tribut aux vieux styles thrash, death ou black. Bon, c’est peut-être un peu succinct comme tableau, mais j’avais tendance à oublier que quelques hurluberlus lorgnaient encore du côté du hard rock FM ou du hair metal. Eh oui! Le hair metal existe toujours et l’on peut encore exhumer ses mélodies tapageuses et m’as-tu-vu dans différents endroits de la planète, chez des groupes dont l’abonnement à Kerrang!, Metal Hammer ou le mythique canard français Metal Attack a subitement pris fin en 1988.
Il y a encore effectivement des groupes qui n’ont pas lu dans les journaux que le grunge avait, il y a plus de vingt ans, mis brutalement un terme au rock des blonds peroxydés entretenus à l’auto-bronzant. Otherwise pourrait faire partie de cette catégorie, avec son hard rock mélodique à vocation alternative (mais alternative à quoi?) qu’il formule depuis quelques années dans sa bonne ville de Las Vegas. Au lieu de perdre leur temps et leur argent sur les tables de roulette, Adrian Patrick (chant), Ryan Patrick (guitare et chœurs), Flavio Ivan (basse et chœurs), Corky Gainsford (batterie et chœurs) et Vassilios Metropoulos (guitare et chœurs) ont préféré écouter les disques de Winger, Ron Keel, Cinderella, Poison ou Faster Pussycat pour élaborer une version modernisée du hard FM, plus en phase avec le 21e siècle.
Après avoir sorti deux albums de façon indépendante (« Otherwise », 2006 et « Some kind of alchemy », 2009), Otherwise intègre le label Century Media et diffuse en 2012 l’album « True love never dies » dont les sonorités mélodiques et romantiques vont parfaitement au goût américain, avec une 123e place au Billboard et une deuxième place dans le classement Heatseekers. Le disque est tiré vers le haut par le single « Soldiers », qui sort fort à propos le jour du dixième anniversaire des attaques du World Trade Center de New York, réveillant la fibre patriotique américaine.
Avec le nouvel album « Peace at all costs », il n’y a pas d’anniversaire particulier à fêter. Au plus s’agit-il de tenter de consolider le succès du disque précédent. Aux Etats-Unis, c’est parti pour puisque l’album se classe à la 49e place du Billboard, après sa sortie outre-Atlantique en septembre dernier. En Europe, ce sera peut-être une autre paire de manches car on peut se demander si le heavy rock FM mélodique et fiérot du groupe peut séduire les franges jeunes de la population. Chez les plus anciens, ceux qui luttaient contre l’acné durant les années 80, il y a peut-être du potentiel.
On peut en effet se laisser conquérir par les grosses guitares de « Love & war », les refrains rivetés et soyeux de « Darker side of the Moon » ou les chœurs himalayens de « Demon fighter ». Individuellement, les morceaux de « Peace at all costs » ont leur charme à la fois viril et sensible, prêts à faire fondre la secrétaire de direction en pré-retraite qui a encore une photo de David Lee Roth sur son bureau ou à faire reprendre confiance au patron garagiste surendetté qui s’écoute encore du White Lion le samedi soir après avoir tondu la pelouse. Mais sur la longueur, la répétition de secrets de fabrication bien connus des amateurs de hard mélodique, avec parfois des dérapages de mauvais goût dans les plates-bandes de Coldplay (« Never say »), finit par amenuiser l’impact d’Otherwise, qui ne fait que réveiller la flamme d’un style quelque peu suranné aujourd’hui, sans tenter d’y apporter une nouvelle vague d’originalité.
Certes, en faisant un effort pour retrouver l’innocence juvénile des Eighties et en oubliant les couches de rock compliqué et intello qui ont fini par étouffer l’étincelle adolescente primordiale, on peut s’amuser et s’ébaubir à l’écoute de ce « Peace at all costs », notamment sur les costauds « For the fallen ones », « Fate is your enemy » ou le poignant final « Man on fire ». Mais le remplissage et le déjà entendu mille fois pèsent d’un poids souvent trop lourd pour rendre l’écoute complètement désinhibée.
Pays: US
Century Media
Sortie: 2015/01/19