JUGGERNAUT – Trama!
Il y avait bien longtemps que l’on n’avait pas eu de nouvelles des Romains de Juggernaut, groupe postcore ayant commis en 2009 son premier album « Where mountains walk« et s’étant depuis lors mis aux abonnés absents. Mais c’était pour mieux revenir et il fallait donc faire confiance à Roberto Cippitelli (basse) et Luigi Farina (guitare), les deux membres originaux du groupe, puisque ceux-ci ont bravé un changement radical de personnel et des soucis d’enregistrement de leur deuxième album pour finalement réapparaître au grand jour.
Des changements de personnel, il en a été effectivement question puisqu’on on ne trouve plus trace sur ce deuxième album « Trama! » du chanteur Salvatore Blasi (et pour cause : l’album est désormais entièrement instrumental), du batteur Guido Penta et du guitariste Matteo Palandri. Arrivent en leur lieu et place, Andréa Carletti et Matteo d’Amicis.
Pourtant, il eut peut-être été intéressant d’avoir un vocaliste sur cet album qui raconte une histoire, que l’on peut découvrir sur la page Facebook du groupe. Une histoire sombre, inquiétante, parlant d’un dîner de gens très haut placés auquel est invité un journaliste. Au fur et à mesure de la progression de l’histoire, le journaliste se retrouve cerné, étouffé par la pesanteur de l’atmosphère, qui voit des industriels, des banquiers, des politiques se soumettre à un personnage central qui domine et manipule les débats. On se croirait dans « Eyes wide shut » de Stanley Kubrick, ou dans des réunions occultes que les amateurs de théorie du complot aiment à s’imaginer pour tenter de prouver qu’Hitler était un agent soviétique, que les attentats du 11 septembre 2001 sont un coup monté ou que John Lennon et Elvis Presley ne sont pas morts mais sont enfermés quelque part dans un complexe sous-marin de la CIA qui essaie de découvrir les pouvoirs secrets du rock ‘n’ roll.
Il faut dire que la pochette de cet album en rajoute dans létrange, avec ses collages de visages grotesques d’ecclésiastiques et de politiciens, dominés par un crâne sur lequel on trouve un symbole franc-maçon. Là, on touche au sulfureux et l’impression d’angoisse est augmentée par musique, grandiose succession de sept titres déployés sur 43 minutes. Les choses commencent avec une courte introduction illustrant l’arrivée du journaliste dans une grande villa où s’animent les invités sur fond de bossa nova. Rires et tintements de verres de champagne annoncent la suite, un scénario musical où cohabitent atmosphères étouffantes et brises délicates.
En effet, autant Juggernaut trahissait ses influences Neurosis, Opeth ou Mastodon sur son premier album, autant ici il arrive avec son âme propre, ayant trouvé sa sonorité et son style. Les musiciens construisent un édifice musical complexe et puissant, où des coulées de guitares massives laissent subitement la place à des passages graciles, et vice-versa. Comme pour son premier opus, Juggernaut prend le temps d’élaborer de longs morceaux, recélant de nombreux chapitres imbriqués les uns dans les autres (« Egregoro », « V.I.T.R.I.O.L. », « Tenet »). La musique ce cet album prend tout son sens lorsqu’on la relie à l’histoire évoquée plus haut. C’est un album concept qui permet de lâcher l’imagination dans les arcanes des sphères secrètes du pouvoir, avec tout son lot d’hypothèses dramatiques ou virtuelles.
Juggernaut confirme donc ici tout le potentiel talentueux que l’on pouvait sentir sur « Where mountains walk ». Il nous emmène ici sur le terrain glissant et envoûtant du postcore progressif, sur fond de complot international. Si vous écoutez cet album, inspectez d’abord votre placard avant d’aller vous coucher, au cas où un tueur à gages du Vatican viendrait à s’y trouver.
Pays: IT
Subsound Records
Sortie: 2014/10/31