MARR, Johnny – the messenger
C’était au début des années 80, un grand sketté littéraire et un guitariste surdoué (sans doute le meilleur de sa génération) mais allergique à l’esbroufe décident de faire équipe. La carrière fulgurante de The Smiths laissera une marque indélébile sur l’indie des années 80 et bien au-delà. Sans Morrissey et Marr, sans doute point d’Oasis, de Blur, d’Arctic Monkeys, de Suede ou de Franz Ferdinand…
Si la carrière solo de Morrissey est plutôt régulière (certains diront prévisible), surtout depuis que son band s’est stabilisé autour de Boz Boorer et Alan White, Johnny Marr a connu un parcours assez, comment dire, incohérent… Accumulant les rôles à contre-emploi (7 Worlds Collide, Electronic…), les utilités dans des groupes qu’il souhaitait aider à grandir (Modest Mouse, Cribs), les sessions pour Bryan Ferry, Billy Bragg, Beck et même Jane Birkin et plus rarement, des projets où son immense talent de guitariste pouvait donner sa pleine mesure (The The et l’album Johnny Marr & the Healers de 2003), on dirait que Johnny Guitar a voulu soigneusement éviter de faire quoi que ce soit qui ressemble à du Smiths…
Et c’est ici, après avoir emprunté ces sentiers de traverse que Johnny Marr s’est enfin décidé à se laisser aller à faire ce qu’il a merveilleusement fait dans les eighties : une pop-rock lyrique aux mélodies affûtées et aux guitares somptueuses (dès l’intro de « The right right thing », on comprend que la Fender Jaguar sera la reine de cet album). Alors j’entends des esprits chagrins dire que « The Messenger » est un album des Smiths auquel il manque Morrissey, et ils n’auront pas tout à fait tort, mais en fait si. Si les trois premières secondes de « New town velocity » ne pourront pas ne pas évoquer la divine intro de « Bigmouth strikes again », si « Word starts attack » a un je-ne-sais-quoi de « Barbarism begins at home » et si sur « Say Demesne » et « European Me », on se dit que la voix mélodramatique de Moz aurait fait merveille, « The Messenger » est un album bien de son temps et qui tient tout seul comme un grand sur ses jambes. Johnny au chant fait mieux que se débrouiller. Si sa voix n’est pas exceptionnelle, elle n’a pas à rougir face à celle d’Alex Turner ou d’Alex Kapranos, et les mélodies sont accrocheuses.
On pourra objecter aussi que de l’eau a coulé sous les ponts et que les élèves (voir plus haut) ont dépassé le maître et ici aussi, la remarque est pertinente mais trop simpliste. D’abord la luxuriance du jeu de guitare (il faut avoir essayé de rejouer « The boy with the thorn in his side » pour comprendre que ce jeu si limpide est remarquablement complexe) n’a guère d’équivalent, et bordel est-ce qu’on reproche à Depeche Mode d’utiliser des synthés ?
En résumé, 12 chansons et pas un déchet. Si « The Messenger » ne révolutionne pas la musique, le plaisir de retrouver Johnny Marr au mieux de sa forme, ça ne se refuse pas.
Pays: GB
Warner
Sortie: 2013/02/25