HOW TO DESTROY ANGELS – Welcome oblivion
Prenez un auditeur de rock normalement constitué, aimant un peu tout, hardeux quand il faut, punk en cas d’urgence, porté sur des constructions classiques mais pas non plus fermé à l’expérimentation avant-gardiste. Mettez-lui entre les oreilles cet album d’un groupe appelé How To Destroy Angels, ne lui dites surtout pas de quoi il s’agit précisément et observez sa réaction. Après l’avoir regardé faire toutes sortes de grimaces et autres grognements face au projet totalement abscons représenté par ce groupe, révélez-lui qui se cache derrière tout cela. En découvrant les noms de Trent Reznor et Atticus Ross, le type se retrouvera immanquablement gêné d’avoir détesté lors de la première écoute.
Pourquoi ? Parce qu’un monstre sacré de l’indus comme Trent Reznor, tête pensante du mythique Nine Inch Nails, s’enfonçant dans les arcanes les plus obscurs et les plus revêches de l’électro indus avec ce projet How to Destroy Angels, cela déstabilise quand même un peu. Passé le choc de la première écoute, on se dit que si un génie comme Trent Reznor a commis cette espèce d’OVNI, c’est qu’il doit y avoir derrière quelque chose de bien plus vaste et de plus pertinent.
D’abord, Trent Reznor a réalisé ce « Welcome oblivion » en compagnie de son désormais nouveau complice Atticus Ross, musicien anglais électronicien ayant forgé sa réputation dans les domaines post-indus, dark ambient et écriture de musiques de film. C’est avec Trent Reznor qu’Atticus Ross écrit la BO du film « The girl with the dragon tattoo« (2011), remake d’un premier film suédois basé sur le premier tome de la trilogie Millenium de Stieg Larsson. Avec cette œuvre, on était déjà très loin dans l’expérimentation électro-indus mais « Welcome oblivion » est d’une approche encore plus ardue.
Autres complices dans cette affaire, la propre épouse de Trent Reznor, ainsi que son directeur artistique attitré. Mariqueen Maandig a été chanteuse du groupe West Indian Girl de 2004 à 2009, année où elle épouse Trent Reznor. C’est avec ce dernier qu’elle fonde How To Destroy Angels en 2010. Bob Sheridan est le designer et directeur artistique de Trent Reznor, avec qui il travaille depuis les années 2000. Il a également réalisé deux clips de How To Destroy Angels, « Keep it together » et « The loop closes ».
Les associations entre vieux amis ou collaborateurs ont parfois comme défaut d’ôter à leurs protagonistes tout jugement sur la pertinence des œuvres qu’ils commettent ensemble. Il n’y a pas de regard neuf d’un membre un peu plus étranger qui vient signaler les défauts potentiels de la musique créée et remettre sur terre les pieds de ceux qui se calfeutrent un peu trop facilement derrière des conceptions qui ne seront pas forcément très faciles à transmettre au plus grand nombre. C’est un peu ce qui arrive ici avec ce « Welcome oblivion » qui s’avère être très indulgent envers lui-même.
Les débuts de l’album, pour surprenants qu’ils soient, finissent par convaincre relativement à force d’écoutes successives. Mais passé le premier tiers des morceaux, on sombre dans une routine répétitive, très nonchalante et aseptisée par la voix diaphane et éthérée de Mariqueen Maandig. Au fur et à mesure, il devient presque impossible de distinguer les morceaux entre eux, tant on a l’impression que tout se vaut, que tout est lissé et qu’aucun relief ne vient plus servir de repère au milieu de cet ensemble uniforme et feutré. Non contents de s’éterniser dans des morceaux longs (les sept minutes sont frôlées à de nombreuses reprises), Trent Reznor et son équipe multiplient les titres et nous imposent plus d’une heure d’électro rêveur et poussif, une véritable éternité.
J’ai beau prendre cet album par tous les côtés, je ne vois pas où Trent Reznor veut en venir avec « Welcome oblivion ». Serait-il déjà beaucoup trop loin pour nos petits goûts d’auditeurs lambda ? Il y a peut-être un truc qu’on n’aurait pas compris ? Ce qui est certain, c’est qu’un dégraissage de près de la moitié de l’album n’aurait pas été de trop. En se passant des titres constituant le milieu de l’album, Trent Reznor et Atticus Ross auraient pu obtenir une œuvre plus ramassée, plus cohérente, débarrassée de ses longueurs. Tout n’est pas à jeter dans ce disque, bien évidemment, mais il y a parfois des moments où on regarde sa montre et ça, c’est inquiétant.
Pays: US
Sony Music
Sortie: 2013/03/05