[SIC] – [SIC]
Imaginez que Soft Machine revienne aux affaires, que ses musiciens soient passés dans une machine à rajeunir et qu’on leur inocule dans le cerveau un condensé de la musique expérimentale et avant-gardiste de ces trente dernières années. Il y a fort à parier que ce résultat donnerait les musiciens de [SIC], un collectif gantois qui se plonge sans vergogne dans l’exploration d’un jazz progressif à consonances métalliques et à l’hyper-énergie dévastatrice.
Les spécialistes appellent ça du jazzcore, soit mélange de jazz et de hardcore, un truc qui sort résolument des sentiers battus et qui remet quelques pièces de plus dans le grand bastringue de la musique, dans ce qu’elle a de plus fou et de plus interrogateur. Le style ouvertement déstabilisant de [SIC] n’est pas sans rappeler d’autres savants fous comme les Italiens de Zu ou les Alsaciens de Myself et leur premier album va incontestablement plaire aux amateurs de bizarre, de décalé, de bruitisme technique et de pulsion stratosphérique transformée en énergie primale.
Lieven Eeckhout (basse), Mattijs Vanderleen (batterie) et les saxophonistes Eva Vermeiren, Bertel Schollaert, Maarten Jan Huysmans et Thomas van Gelder ont investi le Muziekcentrum de Courtrai en février 2012 pour élaborer sous la production de Hein Devos une huitaine de titres portant tous des noms en provenance d’une autre dimension : « DiB », « MIV », « MnL », « 1N », « KiYb », « M**R », « N9 » et « DrN ». Est-ce là la formule moléculaire de l’éthylophosphate de camembert ou le code secret des coffres de Goldman Sachs en Suisse ? On n’en sait rien mais ce qui est sûr, c’est que les bonshommes de [SIC] ont la cervelle plutôt en ébullition, balançant des rythmiques électro saturées et carrées sous un lit de nappes de saxophones qui tiennent à la fois du jazz rigoriste et de la furie incontrôlée.
On ne peut s’empêcher de percevoir néanmoins, sous cet amoncellement de sonorités anarchiques, des lignes rythmiques savamment maîtrisées. Le groupe sait toujours où il va, parsemant son chemin apparemment hiératique de petits cailloux qui lui permettent de toujours revenir d’où il est parti. Les parallèles que l’on peut faire avec de grands précurseurs des Seventies comme Soft Machine, Bob Downes ou Keith Tippett apportent un gage de qualité à l’ensemble, capable à la fois de faire surgir de son instrumentation un classicisme jazz fusion et une expérimentation futuriste. Il n’y a évidemment aucun chant là-dedans, on est dans un laboratoire, pas dans une émission pour enfants.
Bref, vous l’aurez compris, [SIC] est hautement recommandable à tous les aventuriers du son, les pervers de l’anti-accord, les tueurs de groupes folk et les ennemis des mélodies bien rangées. Mais dans son genre, c’est grandiose.
Pays: BE
Autoproduction SIC001 / Mandaï Distribution
Sortie: 2012/11/20