NAPALM DEATH – Utilitarian
La sortie d’un nouvel album de Napalm Death est toujours un événement dans le monde douillet des amateurs de musique extrême. Et dans l’extrême, on peut dire que Napalm Death en connaît un rayon. C’est même ce groupe anglais qui est à l’origine de tout ce qui se fait en matière de déchirure de tympans, rupture d’oreille interne et bris d’osselets pratiqués par les légions de groupes de métal dur à cuire depuis ces trente dernières années. Avec Venom pour l’aspect black metal, la contribution de Napalm Death est incalculable dans l’avènement de la nouvelle génération du métal, puisqu’il a édicté les tables de la loi du grindcore, un mot que les spécialistes de la classification métallique ont été obligés d’inventer pour identifier la musique incroyablement violente que ce groupe pratiquait au début des années 80.
Napalm Death a aussi la particularité de ne posséder en ses rangs aucun membre original. Les choses commencent en 1981 autour d’une bande d’ados de Birmingham sur qui des combos de hardcore comme Exploited et GBH exercent une influence néfaste. Nicholas Bullen, alias Nik Napalm, est le fondateur du groupe au chant et à la basse, avec Simon Oppenheimer (guitare) et Miles Ratledge (batterie). Le paradoxe est qu’aucun de ces individus n’est encore présent quand sort en 1987 le premier album de Napalm Death, le légendaire « Scum », première pierre de l’édifice grindcore. À cette époque, c’est Lee Dorrian (futur Cathedral) qui tient le micro, Shane Embury est à la basse, Bill Steer (futur Carcass) est à la guitare et Mick Harris tient la batterie.
C’est Shane Embury qui va rester le chaînon commun des line-ups successifs de Napalm Death, dont la structure se stabilise vers 1991 autour de Mark Greenaway (chant), Mitch Harris (guitare et chœurs) et Danny Herrera (batterie). En 25 ans d’activité discographique, Napalm Death a semé les albums à un rythme stakhanoviste, avec une quinzaine de galettes en fusion à son actif. Depuis 2006 et l’album « Smear campaign », le rythme de sortie est d’un album tous les trois ans, comme le confirment « Time waits for no slave » (2009) et le tout nouveau « Utilitarian », qui sort des fonderies ces jours-ci.
Ce nouvel album révèle sans ambages la forme éclatante de Napalm Death, qui a concocté seize titres à la violence inouïe, au rythme de vélociraptor dopé à l’EPO et aux riffs d’une puissance maléfique insurpassable. Comme quoi, c’est avec de la vieille tôle que l’on fabrique les meilleurs canons antichars. Avec le temps, la rage et la rapidité du grindcore ont laissé place à une approche plus « mélodique » de la part de Napalm Death, si l’on ose employer ce mot. « Utilitarian » livre en pâture une avalanche de titres brutaux comme ce n’est pas permis, à la fureur irrépressible, s’abattant sur les cervelles comme une expédition punitive tartare. Le plus impressionnant, ce sont les riffs épais comme une forêt norvégienne et acérés comme une hache d’ange exterminateur. Tout est compact, blindé, défile à la cadence d’un régiment de chars lourds poursuivi par des hordes de cosaques déchaînés. Seize titres en quarante-six minutes, voilà qui marque une certaine intensité. On ne retrouve plus les fameux morceaux de deux à trois secondes qui faisaient tout le charme de Napalm Death, mais le groupe signe ici un peloton de morceaux de deux à quatre minutes qui vous rentrent par une oreille et ressortent par l’autre avec des morceaux de cervelle coincés entre les dents. Les textes donnent aux chansons un contenu aussi menaçant que leur contenant : critique politique, problèmes environnementaux, dénonciation de la dégénérescence sociale et du trafic d’armes… Les thèmes traditionnels de Napalm Death trouvent ici un champ d’expression rendu encore plus percutant du fait de la hargne des instruments.
Oh bon sang, après une journée d’ennui au bureau, à la fac ou à l’usine, qu’est-ce que ça fait du bien ! Tous au Trix d’Anvers le 30 mars prochain pour voir les monstres en vrai !
Pays: GB
Century Media
Sortie: 2012/02/27