DOWN – Diary Of A Mad Band – Europe In The Year Of VI
Down est un accident de la nature. Quelque chose qui n’aurait jamais dû exister. L’enfant bâtard né d’ébats insalubres entre heavy métal, sluge, rock sudiste et hardcore. Prenez les rock-stars les plus infréquentables de la Nouvelle-Orléans. Enfermez-les dans une cabane perdue au milieu des marécages putrides de Louisiane. Donnez-leur des instruments, de l’électricité et fournissez-leur des substances illégales en abondance. Alors peut-être arriverez-vous à recréer la bête.
L’histoire de Down débute en 1991 à la Nouvelle-Orléans. Phil Anselmo, alors hurleur chez Pantera, pactise avec quatre mauvais sujets locaux : Pepper Keenan et Kirk Windstein respectivement guitaristes de Corrosion Of Conformity et Crowbar, Todd Strange, bassiste de Crowbar, et Jimmy Brower, batteur d’Eyehategod. Une première démo trois titres, vendue ‘sous le comptoir’ permet aux cinq rednecks d’être signés par Elektra et de sortir, en 1995, un premier album intitulé « Nola ». Véritable manifeste de heavy rock sudiste boueux et brutal, « Nola » se vend par wagons entiers et est rapidement certifié platine. Cependant, Down n’est pas un projet ponctuel. C’est la récréation marécageuse de musiciens très occupés ailleurs. Il faut attendre 2002 pour que le collectif enfumé donne une suite à son premier chef d’œuvre. « Down II: A Bustle in Your Hedgerow » est enregistré en 28 jours à peine, dans une ambiance alcoolisée, enfumée et même ‘poudrée’. Todd Strange manque à l’appel. Il est remplacé par Rex Brown, le bassiste de Pantera. Les excès ont un impact négatif sur les cinq musiciens et la qualité de l’album s’en ressent. Les critiques sont moyennes, ce qui n’empêche pas « Down II: A Bustle in Your Hedgerow » d’atteindre la 44e position du Billboard. Down participe encore au Ozzfest, (NDR : le festival métal itinérant créé par Ozzy Osbourne) avant de replonger dans un coma dont il ne sortira qu’en 2006 pour effectuer une tournée mondiale. Anselmo et ses sbires publient, l’année suivante, une troisième déflagration intitulée « Down III: Over the Under« . Cette dernière offrande est sombre et torturée. Les textes évoquent la douleur et les addictions. Ils rendent aussi hommage à Dimebag Darrell, le guitariste de Pantera assassiné trois ans plus tôt et expriment la colère des victimes de l’ouragan Katrina qui a dévasté la Nouvelle-Orléans en 2005. « Down III: Over the Under » est un nouveau succès commercial. Il atteint cette fois la 26e place du Billboard.
« Diary Of A Mad Band – Europe In The Year Of VI » est le témoignage audio et vidéo ultime du raz-de-marée live qui, en 2006 avait dévasté le Vieux Continent. L’objet est superbe : présenté sous la forme d’un triple digipack contenant deux CDs audio (16 titres au total pour plus de 1h40 de déflagration sonore) et un DVD mélangeant deux bonnes heures de titres live à de savoureuses scènes enregistrées backstage.
La tournée étant antérieure à la sortie du troisième album, ne figurent ici que des titres des deux premiers opus. « Nola » se taille bien évidemment la part du lion avec dix titres sur treize contre seulement six sur quinze pour « Down II: A Bustle in Your Hedgerow » (NDR : le DVD contient un titre supplémentaire (« There’s Something On My Side ») extrait du second opus.
« Diary Of A Mad Band – Europe In The Year Of VI » présente Down tel qu’il est : cinq brutes épaisses au cœur grand comme un bateau à aubes du Mississippi. Pas toujours finauds backstage (NDR : la vision de Kirk Windstein assis sur les toilettes, le serpent du bayou pendouillant mollement entre les jambes pourrait choquer la ménagère de quarante ans et plus) mais complètent déjanté une fois sur scène. Pas d’artifices, d’effets spéciaux ou d’intros grandiloquentes ; seulement cinq bûcherons et leur hache (hash ?) prêts à tailler en bûchettes une forêt de fans en délire. Nul besoin de dire que Down préfère l’énergie brutale à la finesse instrumentale. Aselmo est très souvent limite au niveau de la justesse, mais c’est son style et il faut l’accepter comme cela. Keenan et Windstein débitent des soli bluesy sur des riffs lourdingues, supportés par une section rythmique implacable. Un hommage à Dimebag est lancé dès le second titre. Anselmo, comme à son habitude, n’a pas la langue dans la poche, que ce soit pour charrier les black métalleux d’Immortal lors de la prestation norvégienne (NDR : chaque titre est enregistré dans une salle différente) ou saluer Cronos, (Venom) dans son fief de Newcastle.
Down est, sans conteste, un groupe à part. L’âme d’un Bayou martyrisé par l’ouragan et reconstruit dans un ‘vulgaire étalage de puissance’.
« Diary Of A Mad Band – Europe In The Year Of VI » est une pièce de collection. Indispensable pour les fans. Recommandé aux autres.
Pays: US
Roadrunner Records RR 7736-5
Sortie: 2010/10/04