DOKTOR CALIGARI – Surgery
Originaire de la région de Huy, cet ensemble s’est constitué en 2004. En 2006, il publie un mini-CD de trois titres, « The Fine Decadence ». Trois ans plus tard sort leur premier album, « Surgery ».
De prime abord, le nom du groupe, le bric-à-brac représenté sur la pochette et le nom abracadabrant de plusieurs morceaux peuvent questionner. Le contenant exprime-t-il le contenu ?
En fait, moins qu’il n’y paraît au départ, même si la volonté de sortir des sentiers battus est évidente. Les orientations musicales sont diverses, bien que les ingrédients de base, les plus travaillés et les plus habituels, proviennent du Jazz. Le groupe redécouvre, mêle, recycle et réécrit les genres qu’il aborde, mais sans rien dénaturer au fond. Les compositions sont présentées comme collégiales. Ce fait pourrait expliquer la variété de l’inspiration. Et en guise d’entrée en matière, l’indéfinissable « Clock Out » en est un bon exemple. Tout y passe, depuis la valse populaire jusqu’à différentes formes de Jazz et de Rock.
La multitude des genres, les saccades et les changements de tons, à l’intérieur même des compositions parfois, perturbent par moment l’auditeur. Dans sa première partie particulièrement, certaines plages paraissent fabriquées pour illustrer une histoire ou supporter un film. Pourtant, quel que soit le mélange proposé, il ne débouche jamais sur le désordre. On sent que chaque composition est le fruit d’un travail étudié dans lequel chacun sait exactement ce qu’il doit faire, quand il doit le faire. Le puzzle est compliqué, mais l’organisation pour le réaliser est sans faille. Chaque instrument s’imbrique avec art dans l’ensemble.
Au sein du septet, le claviériste apparaît à l’aise dans tous les styles, jouant un rôle de catalyseur et de pivot. Il rappelle parfois le suédois Rikard Sjöblom (Beardfish, Bootcut). Ecoutez d’ailleurs son album solo « Cyclonmannen » (voir chronique) pour vous en convaincre ! Autre élément moteur, toujours aux avant-postes, le saxophoniste incarne la partie la plus Jazz. Les guitares personnifient plutôt le Rock et le violoncelle l’univers de la Musique de Chambre. Quant au solide duo rythmique, il s’adapte avec talent.
Présent sur deux titres seulement, le chant ne laisse pas indifférent. Ceux qui, comme moi, ne connaissaient pas la française Eléonore Allix doivent absolument s’y intéresser. Elle possède une voix impressionnante aux couleurs Jazz-Blues, d’une intensité et d’une expressivité stupéfiante, accentuant chaque mot avec délice. Elle rehausse encore d’un cran deux compositions déjà excellentes au départ.
De tous ces titres, le sautillant et guilleret « Borderline Circus » reste mon favori. Il s’agit d’un Jazz-Funk sautillant et guilleret où la combinaison des instruments est idéale et l’interprétation remarquable. Ceux qui ont pu apprécier l’album « Outta Here » (voir chronique) de Lettuce seront ravis. Il s’intercale entre deux autres compositions passionnantes, plus métissées, « Giova’s Tragedy » et « Eccentric Conformist ».
En conclusion, « Surgery » ne fait pas partie de ces albums évidents qui s’apprécie à la première écoute. Ses saveurs ne se découvrent que petit à petit, au fil d’écoutes attentives. En conséquence, se constituer un large public ne sera probablement pas aisé. Il n’empêche! Les amateurs de diversité, d’originalité et de fusions, au sens large, ne seront pas déçus.
Les titres (47’36) :
- « Clock Out » (5’04)
- « Time for Escape » (4’23)
- « Merry Widow » (4’09)
- « Salsa Divinorum » (3’51)
- « Lola Montes » (4’03)
- « Farmer’s Sex Symphony » (6’50)
- « The Last Show » (3’47)
- « Giova’s Tragedy » (4’52)
- « Bordeline Circus » (3’04)
- « Eccentric Conformist » (2’42)
- « Surgery » (4’48)
Le groupe :
- Amaury Boucher : Saxophone
- Laurent Vizzini : Guitare
- Thierry d’Otreppe : Guitare
- Adrien Legrand : Violoncelle
- Julien Vizzini : Piano & Claviers
- Frédéric Messina : Basse
- Sébastien Etienne : Batterie
+ - Eléonore Allix : Chant (2, 7)
Pays: BE
@lone Blue Records @022
Sortie: 2009/09/15
… Je dois être « amatrice de diversité, d’originalité et de fusions » !
Belle chronique pour un album qui ne laisse pas indifférent: éclectisme, rigueur mais tellement de sensibilité.
Borderline Circus est aussi mon préféré.
Time For Escape (l’un des deux titres sur lequels Eléonore intervient) me fait penser à certaines ambiances de The Cinematic Orchestra.
En conclusion : beau(x) mélange(x) et expression(s) personnelle(s) mis au service de la musique et du groupe…