US – Everything changes
Le rock progressif mérite-t-il encore ce vocable de progressif? Non, bien sûr, et ce depuis les mid ’70, quand le punk vint bousculer ce mouvement progressif qui s’était mué en monstre grandiloquent pour certains d’entre ses représentants les plus éminents et qui ne permettait plus au rock d’évoluer naturellement. Genesis période Gabriel, Yes, Emerson, Lake and Palmer, King Crimson et d’autres encore avaient fait l’effet d’une bombe dans le paysage rock lorsqu’ils sont apparus sur la scène rock, à la charnière des décades 60 et 70, en présentant un genre complexe et novateur, issu de plusieurs influences, classique et jazz en autres, mais le punk, puis la new wave et enfin le métal (et le métal prog entre autres) devaient ensuite prendre la relève dans la capacité à faire évoluer le rock. Aujourd’hui, le mot « prog » semble galvaudé et mis à toutes les sauces, et un disque est vite affublé de cet adjectif devenu obsolète, pour autant qu’il échappe, ne fut-ce que quelques secondes, au schéma traditionnel intro-couplet-refain-couplet-refrain-solo (ou assimilé)-refrain. Il est d’ailleurs symptomatique de trouver très souvent des disques de progressif dans le rayon métal des magasins de disques, genre aujourd’hui le plus à même d’englober le style prog, ainsi que d’autres – il n’est pas rare de trouver Blackmore’s Night (Acoustic Renaissance) dans le même rayon métal, par exemple.
Le rock progressif est-il encore du rock? Oui, évidemment, mais il en constitue une mouvance qui est devenue celle des rockeurs mélomanes, privilégiant ou y retrouvant surtout et avant tout un plaisir musical plus pointu, tels les amateurs de musique classique ou de jazz, les uns se mêlant d’ailleurs de plus en plus aux autres. Bref, le rock progressif séduit aujourd’hui un public averti, qui ne se situe plus à la pointe du rock novateur, mais plutôt à l’une de ses positions latérales. L’urgence que l’on trouvait dans le rock du Who ou du Clash des débuts n’appartient plus au rock progressif, pour autant qu’il y ait jamais eu d’urgence dans le rock progressif. Cela dit, celui-ci continue d’enrichir le rock, d’en élargir le spectre musical, en développant une musique complexe et fouillée, mais de façon discrète, parfois presque intimiste. Il serait donc plus juste de parler de rock « mélomaniaque », et non plus progressif dans le cas qui nous occupe. Je n’aborderai pas les dimensions live d’un concert prog, les groupes prog affichant une réelle présence scénique n’étant pas légion.
Paru un an après « Climbing Mount improbable », le précédent opus de US, leur nouvel album intitulé « Everything changes » illustre bien le propos ci-dessus. Voici un album de « prog » bien fait, écrit et joué avec une sincérité évidente, une maîtrise réelle des instruments, des textes corrects et plus ou moins « philosophant », une recherche musicale qui dépasse la structure classique d’une chanson. Loin d’innover, il offre néanmoins une qualité musicale certaine et procurera du plaisir au progeux standard qui croisera le chemin de « Everything changes ».
Que dire de nouveau de ce nouvel album de US ? D’abord qu’il est l’œuvre d’un seul homme ou presque, Jos Wermars, multi-instrumentiste et maître d’œuvre complet de ce disque, et, qui plus est, prolifique – peu d’artistes sortent aujourd’hui un album un an après le précédent. Plus concrètement ensuite, le personnel s’est réduit de moitié, Ernest Wermars (basse et claviers) et Joris Ten Eussens (batterie) n’ont pas participé à l’enregistrement de ce dernier album, laissant Jos Wermars seul aux commandes, c’est-à-dire à la composition, à la production, au chant et à tous les instruments, secondé par sa sœur Marijke au chant.
7 morceaux dont 3 courts instrumentaux dispensables servant plus de respiration entre les 4 véritables compositions, deux d’entre elles durant plus de 16 minutes, les deux autres tournant autour des 9 minutes. Il suffit de se référer à l’album précédent de Wermars, tout est du même calibre dans celui-ci. « The rules of the game » se joue sur nappes de claviers, soli de moog et de guitare façon Pink Floyd, lignes de basse non linéaires, chant posé mais solide, changements de rythme autour de breaks charnières, bref tout l’attirail du prog classique. Jos Wermars s’en sort très bien à tous les niveaux. « The Golden Zone » n’échappe pas à la règle, et termine sur un thème soutenu par un rythme sympa. « Everything changes » est plus calme, mais s’affermit dans la dernière partie. « When the deep looks back » se veut plus nerveux et affiche une mélodie mémorable, mais continue d’emprunter au process prog habituel.
Bref, un bon album de prog d’un artiste multi-instrumentiste (lesquels semblent occuper une place de plus en plus importante chez Muséa), sans surprise – ni bonne ni mauvaise, cohérent, bien exécuté, à écouter dans son fauteuil avec un bon vin à portée de main. Pas de concert en vue, comme c’est le plus souvent le lot avec les multi-instrumentistes. « Everything changes » se décline donc comme du rock « mélomaniaque », à défaut de surprendre.
Musiciens :
- Jos Wermars – chant et tous instruments
- Marijke Wermars – chant
Liste des morceaux :
- The rules of the game 16:41
- After this 0:56
- The golden zone 9:36
- After that 1:06
- Everything changes 8:49
- After all 1:39
- When the deep looks back 16:38
Pays: NL
Autoproduction
Sortie: 2009/07/21