SPOOKY TOOTH – Lost In My Dream – An Anthology 1968-1974
Voilà comment j’imagine une séance de brainstorming chez Esoteric Recordings :
Le Boss, dont personne ne connaît le visage et que l’on ne voit jamais que de dos, fume un énorme cigare en caressant le dos de son chat persan de sa main gantée. Sa voix autoritaire résonne dans la salle de réunion : ‘Il y a un nouveau marché à conquérir. Il semblerait que certains jeunes apprécient le son vintage des sixties et des seventies. Envoyez nos plus fins limiers pour découvrir de nouveaux groupes jouant cette musique, enregistrons-les et faisons un maximum de pognon !’
Un petit génie boutonneux aux lunettes épaisses s’exclame soudain : ‘Mais Boss, pas la peine de se casser la tête à enregistrer ce genre de disques, puisqu’ils existent déjà ! Ressortons tous ces albums oubliés que les jeunes n’ont jamais entendus.’
Là-dessus, le boss se lève et fait éclater son rire maléfique repris en cœur par tous les assistants au brainstorming : Bouhahahahaha.
D’accord, je l’avoue, j’ai trop regardé James Bond, Austin Powers et l’Inspecteur Gadget. Le boss d’Esoteric Recordings n’est probablement pas un être maléfique, puisque qu’il semble respecter les artistes et leur public. En effet, si le label anglais réédite des albums parus fin des années soixante début des années septante, il ne se contente pas de sortir des CDs au son moyen et au livret inexistant comme ceux que l’on peut trouver dans les stations-service ou au rayon « bonnes affaires » des supermarchés. Au contraire, les sorties d’Esoteric Recordings bénéficient d’un remastering impeccable et d’un livret travaillé reprenant la biographie et la discographie du groupe réédité. Pour témoin, cette anthologie des Anglais de Spooky Tooth reprenant leurs meilleurs enregistrements pour le label Island entre 1968 et 1974.
Parfois, il faut savoir reconnaître son ignorance et le nom Spooky Tooth, au premier abord, n’évoque rien pour moi. Cependant, je n’en éprouve aucune honte puisque le groupe a débuté sa carrière quand j’avais deux ans et l’a terminée avant mes huit ans, ce qui, vous en conviendrez, n’est pas le plus bel âge pour écouter du rock. Si je n’ai jamais entendu parler du combo, la lecture du livret et la consultation de quelques sites internet lui étant consacrés, me révèlent que je suis quand même en terrain connu. Greg Ridley, par exemple, leur bassiste originel, n’est pas un inconnu puisqu’en 1970 il quitte le Spooky Tooth pour rejoindre Steve Mariott et Peter Frampton au sein d’Humble Pie. Mick Jones, le guitariste du groupe entre 1972 et 1974, est célèbre pour avoir été l’un des fondateurs de Foreigner. De plus, la musique des Anglais ne m’est pas tout à fait inconnue puisque le titre « Better By You, Better Than Me » a été repris par Judas Priest en 1978 sur son album « Stained Class ». Il fut d’ailleurs à l’origine du passage de Judas Priest devant les tribunaux en 1990. (NDR : on avait accusé Judas Priest d’avoir inséré, dans cette chanson, des messages subliminaux qui auraient poussé deux adolescents américains au suicide. Le groupe a été acquitté).
A la fin des sixties et au début des seventies, les studios d’enregistrement étaient de véritables laboratoires où les groupes expérimentaient les sons pour définir ce qui allait devenir le rock d’aujourd’hui. La musique de Spooky Tooth ne fait pas exception à cette règle. Ce double CD intitulé « Lost In My Dream – An Anthology 1968-1974 » propose 34 chansons tirées des 7 albums enregistrés par le groupe ainsi que de quelques faces B de singles.
La musique de Spooky Tooth était en mélange de Rock Psychédélique, de Hard Rock, de Rock Progressif et de Blues. Les compositions du groupe étaient plutôt expérimentales comme c’était souvent le cas pour la musique de l’époque. La musique jouée sur des instruments rock classiques, guitares, basse, batterie et orgue Hammond, étaient rehaussée de percussions et d’interventions au piano. Si certaines ballades typiques des sixties ont mal vieilli et sont assez pénibles à écouter à notre époque, la plupart des titres regroupés sur cette anthologie frôlent la perfection et l’on se rend compte, à l’écoute de ces morceaux, que certains groupes actuels pour lesquels on a crié au génie, (comme The Mars Volta par exemple), doivent beaucoup à ces formations des seventies). Au milieu de ses propres compositions, Spooky Tooth n’hésitait pas à reprendre (à sa sauce) des titres de ses propres idoles, comme le « Tobacco Road » de John D. Loudermilk (repris par David Lee Roth dans les années 80) ou le « I am the Walrus » des Beatles.
En conclusion, cette anthologie raconte une partie de l’histoire du rock et son écoute est une bonne introduction aux expérimentations rock psychédéliques des sixties/seventies. C’est aussi un très bon outil pour comprendre d’où vient la musique de combos s’inspirant du son vintage de l’époque tels que Firewood, Witchcraft, The Answer, ou même The Mars Volta.
Pays: GB
Esoteric Recordings ECLEC 22132
Sortie: 2009/05/25