LAMBCHOP – Awcmon + Noyoucmon
Les deux CD de Lambchop n’ont rien à voir l’un avec l’autre mais ils sortent simultanément et dans le même emballage. La personnalité du groupe repose sur Kurt Wagner, dont la voix est un croisement entre Leonard Cohen et Tom Waits, en plus dévasté par l’usage du tabac. Le groupe vient de Nashville, dans le Tennessee.
L’emphatique « Being Tyler », instrumental qui évoque Spandau Ballet, introduit l’album à grand renfort de cordes. William Tyler est tout simplement le guitariste. « Four Pounds In Two Days » est une pièce baroque d’une très grande beauté déclinée sur le mode intimiste. Faisant un peu plus de deux minutes, elle paraît bien trop courte. Heureusement, « Steve McQueen » est une ballade en forme de prolongement qui permet d’assurer une transition et de redescendre lentement sur terre.
« The Lone Official » est un rock mid tempo au caractère mélodique affirmé qui annonce la grande diversité de ce premier album. Son caractère obsessionnel en fait un autre grand moment de plaisir. Le très beau « Something’s Going On » renoue avec l’intimisme du début. C’est à vous et à vous seul(e) que Kurt Wagner s’adresse et susurre ses confidences. Par moments, sa voix frise l’extinction complète.
Enveloppé par les arrangements des instruments à cordes, « Nothing But A Blur From A Bullet Train » se déroule tout en douceur parmi les diverses plages d’émotions. On en oublie presque l’excellence du jeu des musiciens, tant l’ambiance feutrée du début a repris ses droits. Mais le mode low key se propage subrepticement pour atteindre toutes les couches de la sensibilité et la fin de ce morceau n’est pas loin d’atteindre le sublime.
On croit que « Each Time I Bring It Up It Seems To Bring You Down » va changer de registre mais il n’en est rien, malgré les ruptures de rythme. L’histoire n’est pas finie et Kurt Wagner entend mener le jeu jusqu’au bout ! Bien qu’en totale rupture avec le reste, « Timothy B. Schmidt » est un autre point fort de cet album. C’est un instrumental dirigé par le rythme implacable et répétitif de la batterie, à laquelle le piano répond au quart de tour. C’est ensuite la guitare qui prend la relève pour atteindre le paroxysme de cette merveilleuse petite pièce d’anthologie.
Sur le mode de la conversation, « Women Help To Create The Kind Of Men They Despise » est un jugement de valeur sur la femme et ses pratiques dans le couple. Elle distille la confusion pour mieux asseoir son pouvoir. Oh le vilain macho ! Oh le brillant observateur ! « I Hate Candy » est plus quelconque : on ne peut produire des chefs-d’oeuvre à tous les coups. La voix de Kurt Wagner est ici presque inaudible. Il a le droit d’avoir ses faiblesses aussi, non ?
« I Havent’t Heard A Word I Said » le voit réapparaître au top. Oh, question voix, ce n’est pas Ozzy Osbourne, hein. Mais il reprend son monologue pour asséner ses paroles pleines de sagesse. « Action Figure » est un titre qui flotte quelque part dans l’éther et semble chercher une issue. Le piano et l’orgue y jouent les vedettes, appuyés par quelques effets électroniques discrets.
En résumé, c’est un très bon CD qui mérite la cote de 9 sur 10 mais on peut dire de cet album ce que l’on a dit de celui de Tindersticks : dépressifs s’abstenir !
Sur le deuxième CD, « Sunrise » sert d’introduction. Fini le mode low key, la vie a repris le dessus et cela s’entend. Le caractère primesautier émerge nettement et la slide distille ses effets toniques. « Low Ambition » est tout aussi cool. Il y a des ouvertures tous azimuts. Même la voix de Kurt Wagner se fait plus accueillante mais la fin se veut grandiloquente. « There’s Still Time » génère une diminution de tension entre l’auditeur et le chanteur. Puis brutalement, le morceau vire de bord pour devenir un rock symphonique majestueux.
Soudain, « Nothing Adventurous Please » nous plonge dans un rock échevelé que ne désavouerait pas Joe Jackson. Les distorsions foisonnent, avec un piano en rupture de ton. Dans l’imparable et l’irrésistible, Lambchop répond aussi présent. « The Problem », très belle mélodie, est un morceau intimiste basé sur la guitare et le piano qui contrastent avec la voix de Kurt Wagner. « Shang A Dang Dang », plus rock, ne casse rien. Son seul mérite est d’amener une certaine variété.
« About My Lighter » évoque de nouveau, et plus encore, l’univers de Joe Jackson. La voix de Hunter tient bien le coup dans ce contexte difficile. Le piano de Tony Grow est excellent sur ce titre, comme il l’a été tout au long de ces deux CD. « Under A Dream Of A Lie » est un autre challenge tant par sa composition particulière que par son côté jazzy. Les arrangements enrobent la production d’un manteau très seyant.
« Jan.24 » est un instrumental d’anthologie où les musiciens, pour s’amuser, jouent vite et bien. Ici, c’est le batteur Sam Baker qui est littéralement déchaîné. « The Gusher » est un morceau jazzy qui semble convenir à Hunter et au bassiste Matt Swanson. « Listen » est un autre chef-d’œuvre de rock symphonique qui nous promène dans un état second à travers les méandres de l’éther, où l’on rencontre, au gré des impressions, des vallées de grâce et de douceur nappées de brume. On revient de loin pour prêter une oreille distraite à « The Producer », avant de remarquer qu’il s’agit aussi d’un très bon mid tempo répétitif, idéal pour terminer le set.
Malgré quelques rares faiblesses, la voix et surtout le phrasé de Kurt Wagner sont des atouts majeurs qui font de ce CD un incontournable auquel on peut attribuer la cote de 7 sur 10. Pour la moyenne des deux albums, on arrive à 8, excellent score pour un excellent « double » album.
Les titres du CD 1 :
- « Being Tyler »
- « Four Pounds In Two Days »
- « Steve McQueen »
- « The Lone Official »
- « Something’s Going On »
- « Nothing But A Blur From A Bullet Train »
- « Each Time I Bring It Up It Seems To Bring You Down »
- « Timothy B. Schmidt »
- « Women Help To Create The Kind Of Men They Despise »
- « I Hate Candy »
- « I Havent’t Heard A Word I Said »
- « Action Figure »
Les titres du CD 2 :
- « Sunrise »
- « Low Ambition »
- « There’s Still Time »
- « Nothing Adventurous Please »
- « The Problem »
- « Shang A Dang Dang »
- « About My Lighter »
- « Under A Dream Of A Lie »
- « Jan. 24 »
- « The Gusher »
- « Listen »
- « The Producer »
Pays: US
City Slang / Labels / EMI 7243 595891 0 7 et 7243 595892 0 6
Sortie: 2003/04/10