ROLLING STONES (The) – Shine A Light (soundtrack)
En 45 ans de carrière, on a tout dit, tout écrit, tout montré sur les Stones, sauf le film « Cocksucker Blues », à la demande de Mick Jagger. Il risquait d’altérer leur image. Martin Scorsese, qui les idolâtre depuis le début, a pourtant voulu leur rendre hommage à sa manière : en filmant avec ses émotions et son talent de cinéaste d’exception un concert d’artistes d’exception. Il a choisi le Beacon Theatre de New York comme cadre pour son film. Ce double CD est la bande son originale de deux concerts mélangés, en fait. Celui du 29 octobre et celui du 1 novembre 2006.
Au cinéma, il y a d’abord eu le génial Jean-Luc Godard. Apôtre de la « Nouvelle Vague », un terme apparu pour la première fois sous la plume de Françoise Giroud en 1957, il s’est opposé aux gens qui faisaient le cinéma. Ce mouvement comprenait notamment, outre Jean-Luc Godard, François Truffaut, Claude Chabrol, Jacques Rivette, Eric Rohmer, … Du coup, Godard a été banni des circuits traditionnels mais il est resté inflexible : il avait une idée précise de ce que doit être le cinéma. Dans « One + One », alors que les Rolling Stones (avec Brian Jones) avaient la réputation d’être le meilleur groupe rock ‘n’ roll du monde sur scène, il prend le parti de montrer leur travail obscur et opiniâtre en studio. On voit les musiciens anglais sous un jour totalement nouveau en train de répéter puis d’enregistrer « Sympathy For The Devil ». De ce travail méticuleux et fastidieux jaillit l’éclair. C’était en 1968. On a rarement démonté le processus de création artistique comme il l’a fait.
Puis il y a eu « Gimme Shelter » des frères Maysles, en 1970, filmé au fameux concert d’Altamont, très mal organisé, où un jeune noir fut poignardé par les Hell’s Angels. Là, on voit les Stones complètement dépassés par les événements après avoir interprété ce même « Sympathy For The Devil ». Mick Jagger, livide, tente en vain de ramener le calme mais le public américain n’est pas aussi docile que le public anglais. La violence se répand comme une traînée de poudre dans ce public immense. Un cauchemar qui mettra un arrêt définitif au rêve hippie et marquera la fin d’une époque : les « golden sixties » ont vécu. Voilà pour l’histoire.
On a filmé les Stones sous toutes les coutures mais Scorsese filme les Stones comme un vrai fan et il accorde les images au rythme du concert. Il les filme sans jugement de valeur, en apparence en tout cas. Mais venons-en à la musique. Le premier titre est « Jumpin’ Jack Flash », un des sommets de la carrière du groupe, puis c’est « Shattered », « She Was Hot », « All Down The Line », puis « Loving Cup », chanté avec un Jack White impressionné au point d’en devenir presque timide. L’album « Exile On Main Street », un de leurs meilleurs, est bien représenté.
Vient ensuite « As Tears Go By », « Some Girls », « Just My Imagination », « Faraway Eyes », « Champagne & Reefer », avec « Buddy Guy » à la guitare, puis « Tumbling Dice ». Après une courte présentation des musiciens, Keith Richards vient à son tour chanter « You Got The Silver » et « Connection », un morceau extrait de l’album « Between The Buttons », où sa voix est méconnaissable. On connaît suffisamment tous ces morceaux joués des centaines de fois pour ne pas trop s’y attarder.
Le deuxième album, qui comprend 10 titres dans cette version, démarre par une très courte intro de Martin Scorsese. Viennent ensuite les fers de lance de leur longue carrière : le fameux « Sympathy For The Devil », qui aurait pu leur coûter la vie, « Live With Me », avec une Christina Aguilera qui se défend très bien, « Start Me Up », « Brown Sugar », « (I Can’t Get No) Satisfaction », « Paint It Black », « Little T&A », moins connu, chanté par Keith Richards, « I’m Free » et finalement « Shine A Light », qui est à la fois le symbole et le titre du film.
Les versions jouées diffèrent souvent des versions des albums mais comme ils les jouent devant un vrai public, il y a une dynamique et une énergie incroyable qui se dégagent de ces parties de concerts filmées en direct. Ce double album intéressera les collectionneurs et les inconditionnels du groupe et, s’il y en a, ceux qui n’ont jamais entendu parler des Stones. Mais il manque les images ; pour un groupe composé d’une bête de scène et de musiciens qui se surpassent lors des concerts, ça fait un peu tache. Eh oui, on peut être fan des Stones et rester lucide. C’est peut-être la leçon essentielle de ce CD. On conseillera donc plutôt d’aller voir le film ou d’attendre le DVD.
Pays: GB
Polydor / Mercury / Universal 176-4747
Sortie: 2008/04/04