JEREMY – Mystery and Illusion
Jeremy Morris semble avoir consacré toute sa vie à la musique. Son parcours est tout à la fois classique, original et surprenant. Fils d’un musicien de Jazz, ce multi-instrumentiste américain a six ans lorsqu’il débute l’étude de son premier instrument, le piano. De nombreux autres suivent et, parmi ceux qu’il maîtrise, il avoue une préférence pour la guitare. En 1973, il fonde son premier groupe, plutôt axé sur le Heavy Rock et alimenté par de nombreuses reprises. En 1984, il monte sa petite compagnie discographique (JAM Records) dont le catalogue semble actuellement bien fourni, tout comme les partenariats avec d’autres compagnies (ce CD est d’ailleurs proposé via une compagnie russe). Compositeur prolifique, il compte une bonne trentaine d’albums à son nom et plus encore en collaborations. Il tourne à l’occasion et dispense des cours d’instruments. Bref, un homme occupé !
Cette grande variété d’activité se reflète dans son dernier enregistrement, « Mystery and Illusion », le premier qu’il m’est permis d’écouter. En fait, cet ouvrage n’est pas toujours évident à suivre. Il nécessite une certaine ouverture d’esprit tant les genres qui s’y côtoient sont nombreux, parfois opposés, s’imbriquant d’une manière surprenante. Le Psychédélisme, américain surtout, s’y retrouve avec le plus de constance, caractérisé par les ambiances flottantes et les intonations traînantes ; il se teinte à l’occasion de Pop quand arrive le chant. A côté de cela, il y a de bonnes doses de Rock Progressif, du Space Rock anglais et allemand, et même du Heavy Rock. Pour tenter de situer cet ensemble de tendances dans un panel artistique plus connu, on peut citer quelques noms réputés : pour commencer, les Beatles dans leur période Psychédélique, Quicksilver Messenger Service (avec « Just for Love » ou « What about Me », par exemple), Love, Spirit, les Byrds, … puis, Todd Rundgren, Asia, Steve Hackett, Steve Hillage et Mike Oldfield, … ensuite Tangerine Dream, enfin Joe Satriani.
Dans cette étonnante diversité, notre homme navigue sans gêne et affiche de réels talents. Tous les instruments qu’il manipule le sont avec dextérité et finesse. Les guitares sont en vedette, mais sans une recherche systématique de l’effet spectaculaire. Il n’empêche que ce CD est truffé de quelques petites attaques en solo qui ne laisseront pas les amateurs de marbre. La palette de claviers utilisés prouve à elle seule la richesse des sonorités et rien que la vision du mot « mellotron » en fera vibrer certains. Les percussions sont bien présentes, parfois magiques, toujours judicieusement employées. Son seul accompagnateur est d’ailleurs pourvu d’un beau bagage technique. La voix est agréable, plutôt suave, et souvent traînante dans les atmosphères flottantes et psychédéliques qui caractérisent plusieurs pièces.
Les titres :
« The Mystery Train » n’est pas la meilleure composition. En outre, il souffre d’un positionnement en tête de CD qui n’est pas idéal. Lent et répétitif, il n’est sauvé que par de flamboyants solos de guitare.
« Sky Song », « Moon Turning Red » et « Dark Hole » constituent un bel ensemble bien speedé, plein de punch, bourré de quelques solos décoiffants à la guitare, dans la veine des premières réalisations de Joe Satriani, et appuyé par un solide accompagnement rythmique. Sans conteste, ces trois-là représentent le sommet de ce CD.
La fin de « Dark Hole » casse cette nervosité. On n’en reverra plus. Avec « High Rider », l’auditeur pénètre définitivement dans un univers plus flottant. Les rythmiques apparaissent plus mécaniques et métalliques. Les guitares se sont apaisées, même dans les solos. Les claviers enrichissent cet environnement psychédélique et spatial. « Float Upstream » poursuit la ligne et exprime parfaitement son contenu dans son titre. « Teardrop Explosion » en remet encore une couche ; la rythmique mécanique, simplifiée à l’extrême, est obsédante et les solos de guitare semblent se disperser dans l’espace.
« Save Me » paraît tout droit sorti de la tête du duo Geoff Downes et John Payne pour Asia, époque « Aqua » ou « Aria ».
« What Do We Know » et « Mystery and Illusion » sont d’agréables ballades, bien tournées, dans le prolongement de « Save Me », avec un héritage mélodique supplémentaire en provenance des Beatles.
En conclusion, un album dont les saveurs ne se développent qu’après plusieurs écoutes. Son public-type ne sera pas facile à trouver dans le large éventail proposé par l’artiste. Il vaut pourtant le détour.
Les participants :
- Jeremy Morris : Guitares, Basse, Batterie, Mellotron, Piano, Synthétiseurs, Vocaux & Compositions
- Dave Dietrich : Batterie & Percussions
Les titres (70’22) :
- « The Mystery Train » (9’37)
- « Sky Song » (7’47)
- « Moon Turning Red » (4’00)
- « Dark Hole » (6’53)
- « High Rider » (10’07)
- « Float Upstream » (7’00)
- « Teardrop Explosion » (6’26)
- « Save Me » (7’57)
- « What Do We Know ? » (3’33)
- « Mystery and Illusion » (7’37)
Pays: US
MALS Ltd MALS 264
Sortie: 2008