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Music in Belgium au pays des Helvètes

J’avais déjà eu l’occasion de pousser une pointe jusqu’en Argovie (Suisse alémanique) pour assister aux éditions 2014 et 2015 de la Rocknacht Tennwil, sur les bords du charmant lac de Hallwil. Ces premières éditions avaient un caractère résolument champêtre puisque le festival organisé dans une pâture jouxtant une ferme se résumait à une scène en plein air, à quelques festivaliers passionnés de rock/métal et à quelques petites tentes abritant bars et snacks. Mais grâce au volontarisme des organisateurs, le festival n’a cessé de croître et d’embellir jusqu’à accueillir cette année les festivaliers dans un immense chapiteau. Clairement, la Rocknacht Tennwil a aussi trouvé son public car le festival a connu une large affluence les deux soirs.

Après avoir fait un court passage par l’hôtel où nous avons fait une rencontre inattendue sur laquelle je reviendrai plus tard, il était temps de mettre le cap sur le festival. Une pâture en guise de parking (en espérant ne pas marcher dans une carte de visite des charmantes vaches suisses sonneuses de cloches). À en juger par le nombre de véhicules stationnés, il y a nettement plus de monde que lors de notre précédente visite à ce sympathique festival logé dans un décor pastoral.

Alors que je franchis le portail et me soumets au cérémonial de la fouille du sac, Against Evil, le premier groupe de la soirée est en train de finir son set. Sa musique heavy metal d’inspiration classique (Judas Priest, Dio, Iron Maiden, Saxon…) me fait plutôt bonne impression, mais le peu que j’en ai entendu ne m’autorise pas à livrer une critique approfondie de la prestation des Indiens, d’autant que je n’ai absolument aucune envie de m’attirer les foudres du panthéon hindou. Je profite donc de l’interruption pour découvrir les lieux, avec quelques boutiques à CD ou à vêtements et accessoires rock, un stand de merch, quelques bars et un coin petite restauration. Plutôt bien organisé, comme une montre suisse si j’ose dire…

Mon premier groupe de la soirée sera donc Warkings, une bande de joyeux drilles costumés et grimés qui représentent des guerriers dont la bravoure au combat leur a valu de siéger aux côtés des dieux. L’identité des membres est un des secrets les mieux gardés après la formule du Coca-Cola. Tout ce que l’on peut en dire, c’est qu’il y a le Croisé à la guitare, le Spartiate à la batterie, le Tribun au chant et le Viking à la basse. Les Warkings nous assènent un powermetal fougueux narrant les exploits guerriers de grands personnages de l’histoire et de la mythologie.

Parmi les titres interprétés, retenons « Gladiator » (plus de 900.000 vues sur YouTube), « Hephaïstos » (235.000 vues), « Give Em War » ou encore « Sparta » (près de 800.000 vues sur YouTube). Pour ce titre, le groupe a d’ailleurs une chanteuse invitée, Mélissa Bonny, qui interprète le rôle de la Reine des Damnés et nous fait découvrir ses incroyables growls… Bref, le label Napalm a l’air d’avoir misé sur le bon cheval en prenant cette formation dans son écurie. Il se dit d’ailleurs que l’album « Reborn« , dont sont extraits les titres de la setlist, fait un carton sur les sites de téléchargement en ligne. En tout cas, les compositions sont de qualité, le rendu scénique est soigné (avec accessoires et tout le toutim), les musiciens font leur job avec un enthousiasme évident et le public adhère largement. Et cerise sur le gâteau: la présence de Mélissa. Que demander de plus? Le photographe mélomane que je suis était ravi!

Après cette page historique, on en revient à un rock plus classique made in Ikea avec le groupe suédois Degreed qui a déjà accompagné les plus grands (Europe, Turbonegro, Millencolin, H.e.a.t) et dont votre serviteur a déjà pu apprécier tout le talent sur scène. Le quatuor composé du chanteur Robin Ericsson, du batteur Mats Ericsson, du claviériste Micke Jansson et du guitariste Daniel Johansson continue à faire son petit bonhomme de chemin dans le monde du rock mélodique. Pour sa prestation en Suisse, le groupe a présenté des titres de ses trois albums en attendant la sortie de son prochain opus « Lost Generation » le 15 novembre prochain. Un ton plus sérieux pour une musique moderne, très mélodique et assez carrée. Comme les fois précédentes, je savoure les titres égrainés durant ce set. Et je ne suis pas le seul à apprécier puisque j’aperçois dans le public plusieurs membres de H.e.a.t, dont le chanteur Erik Grönwall qui est aussi manager de ses copains suédois. Avec un tel concentré de qualité, pas étonnant que le public de la Rocknacht passe un bon moment.

Le temps de me livrer au rituel du « ein bradwürst mit pommes und ein bier bitte » et voilà qu’arrive le moment de retrouver le headliner de la soirée, le cultissime groupe Hardline, un des dinosaures du rock FM, fondé en 1991 par les frères Johnny et Joey Gioeli du groupe Brunette et le guitariste Neal Schon du méga-groupe Journey. C’est dans un line-up légèrement différent que le groupe s’est produit devant les festivaliers de Tennwil, avec Johnny Gioeli au chant, Alessandro Del Vecchio aux claviers et aux choeurs, Mario Percudani à la guitare et aux choeurs, Anna Portalupi à la basse et Marco Di Salvia à la batterie. Et nous voilà partis pour près de 90 minutes à revisiter la discographie du groupe et notamment son album « Life » sorti en avril 2019.

D’entrée de jeu, je suis profondément agacé par Johnny Gioeli, qui se la joue en mode vieux beau pathétique à force d’en faire des tonnes et dont la voix n’a plus grand-chose d’impressionnant. En revanche, la bassiste a une présence scénique fabuleuse et un charisme naturel qui fait totalement défaut au chanteur. Même le claviériste Alessandro Del Vecchio me donne l’impression d’être confiné dans un second rôle alors qu’il a une voix très supérieure à la moyenne. Pour tout dire, je n’aurais pas trouvé désagréable de l’avoir lui comme chanteur principal. Les autres musiciens assurent le spectacle et se montrent tout à fait à la hauteur. Les fans des trois premiers rangs ont apprécié. Je trouve juste dommage que les frasques de Gioeli aient tiré l’ensemble du set vers le bas.

Le bilan de la soirée est donc globalement positif, même si le programme s’est achevé sur une note mitigée. Mais il est temps d’aller me plonger dans un sommeil réparateur pour affronter l’affiche alléchante du lendemain.

N’ayant pu résister à la météo radieuse et la beauté du lac proche, je n’ai pu résister à l’envie d’aller faire une balade pour me remplir les poumons de cet air sain et vivifiant qui fait la réputation de la Suisse. C’est donc avec un léger retard que nous arrivons sur la scène du crime pour le remake de la tuerie de la veille. Le régional de l’étape, Hardroad, le groupe suisse de Southern blues hardrock a déjà cédé la place à Bloody Horseface, cover band local bénéficiant d’une double tranche horaire pour chauffer la foule avec des titres allant de Mötorhead à Black Sabbath en passant par Iron Maiden et Judas Priest, avec un détour même par des artistes plus proches de la sphère bebop (excusez mon vocabulaire). Si les musiciens et les chanteurs invités (le groupe se cherche un nouveau vocaliste) avaient un niveau acceptable, je trouve personnellement dommage de mélanger les cover bands et les groupes qui jouent leur propre musique. Mais cet avis n’engage évidemment que votre serviteur.

Autre groupe très attendu de la soirée : DeVicious. Cette formation fondée en Allemagne en 2016 compte déjà deux opus à son actif. Son univers musical se situe aux confins de l’AOR et du rock mélodique. Pour des raisons inconnues, le chanteur Zoran Sandorov, alias Mister Sanders, a quitté ses petits camarades de jeu Alex Frey (basse), Radivoj Petrovic (guitare), Denis Kunz (claviers) et Lars Nippa (batterie). Le groupe a dû chercher un remplaçant dans une urgence relative et son choix s’est porté sur le chanteur d’origine italienne Antonio Calanna, bel éphèbe blond aux yeux cernés de maquillage noir et passant le plus clair de son temps torse nu sur scène. Musicalement, le groupe propose un florilège de ses deux albums « Reflections » (2019) et « Never Say Never » (2018).

Les compositions sont plaisantes à entendre et le groupe affiche une belle cohésion sur scène, malgré le fait que ce soit seulement le 2e concert du bel Antonio. Le public suit avec enthousiasme. Malheureusement, le bel Italien a des gros problèmes de justesse, sans qu’il me soit possible de déterminer s’ils sont dus à un mauvais retour, à un manque de répétitions ou à une insuffisance vocale de l’intéressé. Nous lui laisserons le bénéfice du doute, mais c’est dommage au vu du potentiel des compositions du groupe.

L’avant-dernier groupe de la soirée s’appelle Crown of Glory. Originaire de Willisau dans le canton de Lucerne, ce groupe propose des mélodies puissantes et des textes d’une grande beauté. Sur scène, le sextet composé du chanteur Heinz Muther, des guitaristes Markus Muther et Hungi Berglas, du claviériste Oli Schumacher, du batteur Lukas Soland et du bassiste Jonas Lüscher, défend avec conviction les titres extraits de ses albums « A Deep Breath Of Life » (2008) et « King For A Day » (2018). Des riffs de guitare très power, une section rythmique costaude et une voix parfaite pour ce style d’exercice. Sans oublier les claviers apportant tantôt une touche de douceur, tantôt un tapis d’ambiance, tantôt un côté plus épique. Quel régal ! J’avoue être extrêmement convaincu par la prestation du groupe, impeccable à tous points de vue.

Au confluent du hard rock et du heavy métal, le power métal mélodique des Helvètes rappelle l’univers musical de Helloween, même si certains titres des débuts ont des connotations plus prog. Le public jubile et s’en donne visiblement à cœur joie. Quelle claque et quelle excellente surprise. En tout cas, une chose est sûre: les deux CD de Crown of Glory ne tarderont pas à rejoindre ma collection!

Et puis voilà enfin le moment tant attendu, l’apothéose du festival, je veux bien sûr parler de la prestation du groupe suédois H.e.a.t que MIB avait déjà vu pour vous au Raismes Fest une semaine auparavant (voir l’article de notre collègue Michel Serry). Et là commence l’angoisse de l’écrivain, la peur de la page blanche. Et puis soudain, il me revient à l’esprit que le samedi, alors que nous attendions dans le hall de l’hôtel, nous avons eu la grande surprise de voir débarquer la joyeuse bande de H.e.a.t, ce qui nous a donné l’occasion de discuter quelques instants avec ces sympathiques artistes.

Pour en revenir au concert, il n’y a pas grand-chose à dire d’autre par rapport au concert de la semaine précédente, sinon qu’Erik Grönwall et ses comparses Dave Dalone à la guitare, Jona Tee aux claviers, Jimmy Jay à la basse et Crash à la batterie ont assuré à un rythme encore plus effréné qu’à Raismes. Le public était chauffé à blanc, en partie à cause des effets pyrotechniques peut-être (drôle de barbecue!), mais surtout à cause du charisme et de l’énergie incroyable déployée par ce diable d’Erik, véritable bête de scène qui n’arrête pas de bouger, tantôt sur la scène, tantôt dans la fosse près du public, tantôt carrément au milieu du public, tantôt en mode crowdsurfing jusqu’au bar.

La setlist ressemble très fort à un best of des albums plus rock mélodique/AOR du groupe, ce qui annonce sans doute un léger retour en arrière par rapport à l’album « Into The Great Unknown » plus moderne dans les styles musicaux abordés. La sortie du premier extrait « One by One » le 27 septembre dernier ne laisse guère planer le doute à ce sujet. Les prochains concerts du groupe s’annoncent donc encore plus remuants (du moins si c’est même possible).

Signalons aussi que le public est resté pour ainsi dire au grand complet jusqu’à la dernière note, ce qui prouve combien la prestation des Suédois a été au goût des métallurgistes du coin.

Au terme de cette dernière prestation, il nous reste à adresser toutes nos félicitations et nos remerciements aux organisateurs de ce superbe événement que nous espérons retrouver l’année prochaine avec une nouvelle affiche de qualité !

Accréditation: Urs Lüscher

Photos © 2019 Hugues Timmermans

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