Sacré Arno, quelle santé (boutique) !
À septante ans (il les a dignement fêtés sur scène à Ostende en mai dernier), Arno respire la grande forme. Il a bouclé un trio de prestations sold out à l’AB en support de son excellent dernier album, “Santeboutique”.
Atypique et attachant, le gaillard a été pareil à lui-même. Naturel, à l’instar du titre d’une de ses nouvelles compositions, mais aussi espiègle et parfois mordant via son humour caractéristique. Rassembleur aussi, puisque dans le public, on parle invariablement français ou néerlandais (il s’adresse d’ailleurs abondamment à lui dans les trois langues nationales) et la moyenne d’âge oscille entre 17 et 87 ans.
La dernière fois qu’Arno a joué à l’AB, c’était il y a deux ans quasi jour pour jour au sein de Tjens Matic, projet dans lequel il revisitait les débuts de sa carrière au sein de TC Matic mais également de Tjens Couter, le groupe formé au début des années 70 aux côtés de Paul Couter. Ce dernier assurera la première partie du concert ce soir, assis dans l’obscurité la plus totale et triturant sa guitare en conférant une touche bluesy prononcée de sa voix rauque à des compositions d’outre-tombe.
Toutefois, l’actualité récente d’Arno, c’est un nouvel album. Paru à l’automne dernier, “Santeboutique” se profile comme l’un des meilleurs enregistrés récemment par le Maître. Un album produit par le célèbre John Parish, mentor de PJ Harvey qui a récemment pris sous son aile Aldous Harding et qui avait déjà collaboré avec l’ami Hintjens sur “Future Vintage” en 2012.
On entend d’ailleurs la patte du natif de Bristol sur “They Are Coming”, la nerveuse intro du concert ainsi que sur la page titulaire qui arrivera assez tôt dans le set. Deux titres à connotation indie portés par la guitare de l’excellent Bruno Fevery, déjà présent au sein du line-up de Tjens Couter. Tout comme le bassiste Mirko Banovic et le batteur Laurens Smagghe, d’ailleurs. Ils sont accompagnés sur scène par le claviériste Thomas Vanderplaetse qui injectera notamment des nappes new wave synthétiques sur “Funky You’re Not” et le récent “Tjip Tjip c’est fini”.
De jeunes loups affamés dont l’alchimie encourage l’Ostendais à se surpasser. Pendant les morceaux, bien entendu (“Whoop That Thing” et son harmonica, “Je veux nager” bien enlevé, le back catalogue de TC Matic avec “Que Pasa” et “The Parrot Brigade” en tête) mais également entre ceux-ci. Un concert d’Arno vire en effet par moments en stand up comedy à la direction loufoque et singulière. Ses histoires de trip au LSD devant une tomate crevettes, de pilule bio ou de perroquet à la coiffure de Mireille Mathieu sont à mourir de rire. Mais il peut aussi se montrer sarcastique (Jan Jambon, Boris Johnson et Donald Trump en ont notamment pris pour leur grade).
Dans le même ordre d’idées, Arno, c’est le mec qui peut vous faire passer du rire aux larmes en quelques secondes. Rien que sur le nouvel album, l’immense écart entre l’hilarant “Les saucisses de Maurice” et le touchant “Court-circuit dans mon esprit” illustre parfaitement cette particularité. Sans parler du magnifique “Oostende bonsoir”, poignant ode à sa chère ville natale, dans la même veine que le toujours aussi émotionnellement chargé “Les yeux de ma mère”, accentué par un accompagnement dépouillé au piano.
Juste avant, et dans un style radicalement différent, la réaction de la foule sur “Oh La La La” (“C’est magnifiiiii-queeee !!!”) lui provoquera une érection cérébrale (sic). Une perche vers un paquet de métaphores situées en-dessous de la ceinture, pour le plus grand plaisir du public. Et juste après, “Putain Putain” constituera plus que jamais le parfait hymne anti-Brexit dont le feu vert allait être donné quelques jours plus tard. Sans surprise, sa célèbre version réappropriée du titre d’Adamo, “Les filles du bord de mer”, terminera le set principal sur une note légère et délirante (le derde couplet en Ostendais valait le détour).
Avant d’entamer les rappels, Mark Decock, un des programmateurs de l’AB, est monté sur scène pour offrir à Arno une… paire de chaussettes blanches (“Elles sont encore vierges” blaguera-t-il). Mais c’était pour faire diversion car le vrai cadeau était une immense banderole dessinée à son effigie souligné d’un “Merci Godverdomme” aussi touchant que pertinent. C’est donc le cœur léger et plein d’entrain qu’il sera se lancera dans un “Vive ma liberté” aux influences ska avant de boucler la soirée via une ultime version musclée d’un titre de TC Matic, “Ha Ha”. “Give me power”, conclut ce dernier. Power to Arno, definitely !
SET-LIST
THEY ARE COMING
CHIC ET PAS CHER
QUE PASA
SANTEBOUTIQUE
OOSTENDE BONSOIR
WHOOP THAT THING
IL EST TOMBE DU CIEL
TJIP TJIP C’EST FINI
THE PARROT BRIGADE
NATUREL
LADY ALCOHOL
COURT-CIRCUIT DANS MON ESPRIT
JE VEUX NAGER
LES SAUCISSES DE MAURICE
MIDDLE CLASS AND BLUE EYES
FUNKY YOU’RE NOT
OH LA LA LA
LES YEUX DE MA MERE
PUTAIN PUTAIN
LES FILLES DU BORD DE MER
VIVE MA LIBERTE
HA HA
Et pour vous prouver que l’on ne vous raconte pas de bêtises, voici le lien vers l’intégralité du concert filmé par l’AB…