Portland, part II
Entre deux prestations sold out de Black Box Revelation, l’AB avait réservé une place dans sa grande salle pour Portland. Jente Pironet, désormais seul maître à bord du vaisseau, a réussi son pari en remplissant lui aussi l’endroit mythique en support de « Departures », le deuxième album du groupe.
Il avait invité Caspar Auwerkerken à ouvrir la soirée, une position qu’il avait déjà occupée en août 2021 lors du double concert de Portland à l’OLT Rivierenhof. À l’époque, le jeune singer-songwriter limbourgeois commençait seulement à faire parler de lui et ses compositions largement acoustiques ont désormais pris de l’amplitude. Elles se sont également enrichies de subtiles sonorités électroniques, encourageant une comparaison mesurée avec la période « OK Computer » de Radiohead, d’autant que sa voix renvoie volontiers à celle de Thom Yorke.
Une voix qu’il force peut-être un peu trop par moments, empêchant le naturel de sublimer des titres émotionnellement chargés. Profonds et rêveurs mais également intenses et soutenus, ils sont à ranger dans la lignée de Mooneye et Arid, surtout lorsque ses comparses (il s’entoure d’un bassiste et d’un batteur) montent dans les tours. Un premier EP serait en préparation pour cet été suivi d’un album à sortir l’année prochaine.
Lorsqu’ils ont baptisé le deuxième album de Portland « Departures », Jente Pironet et Sarah Pepels ignoraient la prémonition du titre. En effet, quelques jours avant la sortie du très attendu successeur de « Your Colours Will Stain », un communiqué annonçait le départ inopiné (officiellement en tout cas) de la moitié féminine et seconde voix délicate du groupe. On pouvait y lire les positions des deux parties et entre les lignes comprendre que la cohabitation n’était pas simple tous les jours.
Une supposition à toutefois nuancer car le duo apparait toujours dans l’actuelle saison de Liefde voor Muziek aux côtés notamment de Daan et de Stef Bos. Une émission diffusée sur VTM pendant laquelle des artistes d’horizons (très) différents reprennent mutuellement leurs titres. Ceci dit, ce soir sur la scène de l’AB, c’est un nouveau visage qui accompagne le leader aux cheveux bouclés. Nina Kortekaas aura déjà l’occasion de se mettre en valeur sur « Little Bit Closer », titre d’intro pendant lequel de généreux spots éclaireront chacun des musiciens avant de disparaître dans les entrailles techniques de la salle.
Positionnée à l’extrême-droite de la scène et légèrement en retrait derrière ses claviers, la chanteuse de Noa Lee entretient déjà une certaine complicité avec le leader. Même si comparaison n’est pas raison, on ne peut s’empêcher de penser à Sarah la blonde lorsque retentit l’intro d’« Ally Ally », un des rares anciens titres, avec le nerveux « Killer’s Mind », joués lors de la première heure du concert. Force est de constater que sa voix tient la route et éclipse déjà presque celle de l’ancienne vocaliste.
L’attention sera donc dans un premier temps focalisée sur « Departures », un album plus ample et enlevé que le précédent. L’excellent « Last Trip » et son intense final bardé de stroboscopes en sera un parfait exemple, à l’instar du solide « Good Girls » un peu plus tard. « Sensational », le consistant single annonciateur et parfaite jonction entre les deux plaques, sera quant à lui un rien convenu. Une catégorie dans laquelle on pourrait également ajouter « Alyson » malgré ses deux guitares en action. Quant à « Never Leave », il permettra de découvrir la voix de Nina en solo. Une voix qui par ailleurs clique à merveille sur « Where Did Everything Go » en duo.
Jente Pironet occupe l’immense espace à sa disposition sur le devant de la scène, les musiciens (dont un excellent guitariste expansif) l’entourant à distance plus que respectable. Il en fait toutefois beaucoup trop, sa théâtralité devenant par moments énervante. Entre les cœurs avec les doigts, les vagues avec les bras et les mots d’amour répétés à l’attention du public, il adore faire le paon. Quand il ne termine pas allongé à même le sol… Tout en interdisant visiblement à ses camarades d’esquisser le moindre sourire.
Cela ne les empêchera toutefois pas de participer grandement à la construction d’une soirée pendant laquelle l’interaction et les réactions enthousiastes des spectateurs joueront un grand rôle. Seul regret, ils ignoreront « Serpentine », le titre le plus atypique et envoûtant du nouvel album. Mais la version de « Deadlines », méticuleusement construite en crescendo orageux et bourrée d’émotion, vaudra à elle seule le détour. D’émotion, il en sera aussi question dans le chef du leader qui s’épanchera sur les récents événements et ne pourra retenir quelques larmes un peu plus tard, lors des rappels.
Entre-temps, le single isolé « Aftermath » passera par toutes les couleurs et permettra au guitariste de littéralement prendre son pied lors d’un final époustouflant. À tel point que « Lucky Clover », dans la foulée, paraîtra bien terne, toutes proportions gardées, avant de voir le groupe rejoindre les coulisses. Jente reviendra seul avec sa guitare pour une version à tomber du « Ze Meent Het » de Metejoor (rebaptisé « She Really (Really) Means It ») et interprétée pour la première fois quelques jours plus tôt lors d’un épisode de Liefde voor Muziek. Le tout se terminera sur un « Pouring Rain » en full band et auréolé d’une participation active de spectateurs aux anges. La deuxième incarnation de Portland semble (bien) lancée…
SET-LIST
LITTLE BIT CLOSER
ALLY ALLY
LAST TRIP
SENSATIONAL
ALYSON
NEVER LEAVE
KILLER’S MIND
HOW IT IS
SO SWEET
WHERE DID EVERYTHING GO
GOOD GIRLS
DEADLINES
AFTERMATH
LUCKY CLOVER
SHE REALLY (REALLY) MEANS IT
POURING RAIN