Pond and the exploration of Tasmania
Avec huit albums en dix ans, la discographie des Australiens de Pond commence tout doucement à avoir une certaine allure. Après un passage au Pukkelpop cet été, ils sont venus défendre “Tasmania”, leur petit dernier, à l’Orangerie du Botanique.
Ceci dit, la première partie valait également le coup d’oreille puisque Sinead O’Brien, la poétesse d’origine irlandaise dont on parle abondamment, ouvrait la soirée. Vêtue d’un élégant tailleur pantalon blanc et entourée d’un guitariste et d’un batteur, elle nous renvoie tout d’abord vers PJ Harvey (tant la coiffure que la formule en trio y sont pour quelque chose). Mais elle s’en éloigne instantanément via un flow saccadé qui rappelle celui de Kate Tempest, en moins urbain toutefois.
S’il y a du groove dans la batterie et une certaine forme de nonchalance dans la guitare, les compositions prennent en effet une tournure nerveuse et entêtante, comme sur “Taking On Time”, single sorti sur le label indépendant Speedy Wunderground cette année et l’excellent “A List Of Normal Sins”. Le seul hic, mais il est récurrent dans ce cadre, concerne les subtilités d’une prose qui échappent aux spectateurs dont la langue maternelle diffère de celle de l’artiste…
Parmi les étoiles qui jonchent le Walk of Fame du Botanique en direction de l’Orangerie se trouve celle de Tame Impala. Le 3 novembre 2010, les Australiens se produisaient effectivement au Witloof Bar et, parmi les musiciens sur scène jouait notamment Nick Allbrook. Ce dernier avait déjà publié trois albums plus ou moins confidentiels en tant que leader de Pond, un groupe dans lequel Kevin Parker (la tête pensante de Tame Impala) était le batteur.
Ce n’est qu’avec le suivant, “Beards, Wives, Denim” en 2012 que les choses commenceront à bouger et il finira par s’y concentrer à temps plein, sans pour autant couper les ponts avec ses illustres camarades. Le claviériste Jay Watson joue toujours dans les deux groupes et Kevin Parker a assuré la production de tous les albums depuis, dont le dernier en date, “Tasmania”, publié au printemps. Ce n’est pas pour rien que lorsqu’une affiche de festival annonce Tame Impala, Pond n’est souvent pas très loin (c’était le cas au Pukkelpop cet été mais avant cela en 2015 également).
Ce soir, toutefois, l’Orangerie est entièrement acquise à la cause de Nick Allbrook et ses sbires qui le lui rendront bien. Entamée avec les généreuses nappes de synthé qui ornent “Hand Mouth Dancer”, leur prestation ne tardera pas à atteindre sa vitesse de croisière. Le leader à fond dans son trip se retrouvera ainsi dans le public au moment d’entamer “Sweep Me Off My Feet, le… deuxième titre de la set-list.
Un sacré personnage, ce Nick qui arbore une coupe mulet du plus bel effet et dont les déhanchements suggestifs ne sont pas sans rappeler ceux d’un certain Mick Jagger. Même lorsqu’il joue de la guitare, ses riffs sonnent de manière affriolante. Et on ne vous parle pas de sa flûte traversière… À ses côtés, outre le précité Jay Watson, claviériste touche-à-tout et bassiste à ses heures, un guitariste en salopette rouge à l’imposante tignasse bouclée répond du tac au tac à la six cordes du leader. À deux, ils font des ravages, particulièrement sur les titres plus anciens parmi lesquels l’hypnotique “Don’t Look At The Sun Or You’ll Go Blind” et le crasseux “Aloneaflameaflower”.
Il est vrai que leur style s’est coloré au fil du temps, délaissant leurs racines psyché au profit de compositions davantage produites et basées sur des claviers (les entêtants “Paint Me Silver” et “Daisy”). Ils se paient même un délire à la Mac DeMarco via “Tasmania” et “The Boys Are Killing Me”, si ce n’est qu’aux guitares chaloupées succède un refrain semblant extrait d’un blockbuster des années 80.
Ils ne tournent toutefois pas le dos à leurs influences obscures, à l’instar de ce “Burnt Out Star”, pièce limite prog rock interminable sur le nouvel album mais essentielle et envoûtante sur scène. Ou ce “Zen Automaton” qui hésite entre bidouillages et envolées jazz-rock. Des envolées qui prendront même des allures cosmiques sur “The Weather”, le titre qui clôturera le set principal et lors des rappels exécutés dans une ambiance de feu. Pourtant, le saccadé “Giant Tortoise” et le sinueux “Man It Feels Like Space Again” n’apparaissaient pas nécessairement comme des choix évidents. Mais ce soir, Nick Allbrook pouvait emmener le public là où bon lui semblait…