O. my God, Beasts !
Une voyelle et un point, une batterie et un sax. Telles sont les énigmatiques caractéristiques de O., atypique duo Londonien qui a fait escale au Witloof Bar du Botanique. Une soirée spéciale puisqu’il s’agissait de l’ultime date de la tournée européenne en support d’un premier album publié au début de l’été.
Mais il s’agissait également d’un moment particulier pour Beasts dont le support constituait un des premiers concerts grandeur nature. Ce nom ne vous dit sans doute pas grand-chose, et pour cause, ils sont délibérément absents des réseaux sociaux. Seul un site internet généreusement achalandé assure leur communication alors qu’une première livraison, “The Shearing”, n’est disponible qu’en cassette. Et encore, en édition ultra limitée de 20 exemplaires…
Une démarche surprenante mais tout à fait assumée par le leader qui roule sa bosse dans le milieu depuis un moment. Le Carolo Antoine Romeo a ainsi mené pendant huit ans la barque run SOFA aux côtés de son cousin et la scène constitue visiblement un terrain de jeu privilégié pour ce nouveau projet. “Bienvenue dans ma tête”, lancera-t-il avant de balancer la furieuse plage titulaire de l’album à la tête de spectateurs abasourdis par une entrée en matière aussi musclée.
C’est effectivement dans la musique qu’il va chercher les réponses à ses névroses et cette fois, il les a combattues de front. On l’a rarement vu aussi vénère et son flow rageur transcende des compositions lorgnant davantage du côté de Rage Against The Machine que de Sleaford Mods. Bien aidé par le bassiste François Hantson (Feel, Mingawash) qui joue de son instrument comme une guitare et Tijl Van de Casteele, le batteur de Whorses qui sait ce qu’une rythmique infernale signifie (avec ou sans clochettes), il dompte à merveille la nouvelle disposition du Witloof Bar. Musicalement, cela bastonne ferme et l’environnement oppressant se voit décuplé par la froideur de stroboscopes omniprésents. On pense notamment à “The Fire Inside”, dernier titre du concert qui en laissera plus d’un pantois…
Notre première rencontre avec O. remonte à un soir de novembre 2021, une époque où le Covid rythmait encore notre quotidien et s’apprêtait même à donner un énième coup de boutoir. Rappelez-vous, le concert de Black Midi à l’Orangerie avait dû être splitté en deux soirées car les autorités venaient d’imposer de nouvelles mesures sanitaires. Quoi qu’il en soit, même en configuration assise, la batteuse Tash Keary et le saxophoniste bariton Joseph Henwood avaient tiré leur épingle du jeu et l’année suivante au Micro Festival, ils nous avaient définitivement conquis.
Délicieusement baptisé “WeirdOs” et produit par l’influent Dan Carey, leur premier album a vu le jour sur le label de ce dernier, le non moins renommé Speedy Wunderground. Un album assez compliqué à écouter chez soi mais qui, en revanche, prend tout son sens sur scène comme on s’apprêtait à le découvrir. Pour l’anecdote, si leur tournée européenne s’achève ce soir, elle a également débuté en Belgique, aux Leffingeleuren, même si leur slot du côté de Middelkerke était dû à l’annulation de Talk Show.
Quoi qu’il en soit, au terme de l’intro en crescendo de la plaque, c’est pied au plancher et plein de punch qu’ils lanceront les débats. Fraîche et souriante, la batteuse répond du tac au tac aux assauts du saxophoniste qui lui fait face, le regard débordant de complicité. Taquins, ils se balanceront quelques vannes dans la lignée de celles que peuvent s’envoyer Peter Kernel par exemple. Bonne humeur et simplicité sont au rendez-vous.
Mais dextérité aussi, particulièrement dans le chef de Joseph Henwood qui explore des contrées inexplorées via un instrument qu’il maîtrise à la perfection, même si on se doute que l’électronique lui file un sacré coup de main. N’empêche, l’intro saccadée de “176” et l’anticipation de “TV Dinners” font partie des effets bluffants qui émailleront un début de set captivant.
Parfois déstructurées et expérimentales, les compositions restent toutefois accessibles au travers de riffs entêtants et d’une vision pas bien éloignée du dancefloor. Prenons en exemple ce nouveau titre hypnotique complètement dingue au groove affirmé et à la face électro à rendre jaloux les teutons de Meute qui jouaient justement à l’AB ce soir-là. Sauf que O. ne gèrent ce raffut qu’à deux et jusqu’au bout l’impressionnant souffle de l’un et les baguettes magiques de l’autre alimenteront un Witloof Bar en ébullition…
Organisation : Botanique