Lokerse Feesten 2024: Planet of sound
Les organisateurs des Lokerse Feesten s’en sont une nouvelle fois donné à cœur joie en concoctant l’affiche de l’édition 2024. Dix soirées plus ou moins thématiques qui tapent dans le mille puisque les préventes ont explosé tous les records cette année. Pas de sold out mais une assistance des grands soirs pour la venue des légendaires Pixies, du revenant Richard Ashcroft et des toujours intrigants Future Islands sur la grande scène.
Une scène tellement inondée de soleil que les instruments de ces derniers reposaient à l’abri sous des couvertures de survie. Pas question que le claviériste Gerrit Welmers, véritable sosie de Freddie Mercury (cette moustache seventies…) se brûle le bout des doigts alors qu’il est le principal artisan de leur son synthétique. Bien entendu, impossible d’évoquer Future Islands sans citer Samuel T. Herring, leur expressif leader dont les prestations visuelles ressemblent à celles d’un professeur d’art dramatique et les vocalises à celle du doubleur à la fois de la Belle et de la Bête.
Ils ont publié en janvier dernier « People Who Aren’t There Anymore », un septième album qui ne révolutionne pas leur style mais qui, à l’instar de « King Of Sweden » et « The Tower » avec lesquels ils ont entamé leur set, alimente ce côté pop entêtant dont ils se sont fait une certaine spécialité. On pointera l’excellent « Give Me The Ghost Back », la plage la plus prenante de la plaque, gâchée toutefois ce soir par une basse un peu trop mise en avant. L’ami Samuel, lui, ne ménage pas son énergie et, au vu des perles de sueur dégoulinant de son front, on ose à peine imaginer l’état de son t-shirt noir. Cela dit, mis à part le fameux « Seasons (Waiting On You) », il a peut-être manqué l’un ou l’autre hit pour convaincre une plaine encore relativement clairsemée à ce moment de la soirée.
SET-LIST
KING OF SWEDEN
THE TOWER
A DREAM OF YOU AND ME
RAN
PLASTIC BEACH
PEACH
GIVE ME THE GHOST BACK
THE SICKNESS
THE THIEF
ANCIENT WATER
FOR SURE
SAY GOODBYE
SEASONS (WAITING ON YOU)
LONG FLIGHT
La foule allait toutefois rapidement se presser pour le set de Richard Ashcroft qui avait pratiquement disparu de la circulation ces dernières années. Sa dernière visite belge remonte en effet à Rock Werchter 2019 en support de « Natural Rebel » publié l’année précédente. Entre-temps, mis à part « Acoustic Hymns Vol 1 », un album qui porte parfaitement son titre et une impeccable cover du « Bring On The Lucie (Freda Peeple) » de John Lennon au son de laquelle il montera sur scène, rien ou pas grand-chose à se mettre entre les oreilles.
Autant l’annoncer d’emblée, celui qui est venu à Lokeren dans l’espoir de découvrir l’un ou l’autre nouveau titre restera sur sa faim. En revanche, les nostalgique d’« Urban Hymns », le chef-d’œuvre de The Verve qui va tout doucement sur ses trente ans, en auront pour leur argent car il occupera les deux-tiers de la set-list. Avec tout de même un inédit par rapport aux passages précédents sous la forme d’une relecture à la voix rauque de « Weeping Willow », fier compagnon des incontournables « Sonnet », « The Drugs Don’t Work » ou « Lucky Man ».
Toujours aussi rachitique et chevelu, le natif de Wigan dans le Lancashire ne quittera pas ses lunettes de soleil et n’abandonnera sa verste militaire qu’à partir d’un très soul « Music Is Power ». À l’instar de quasi tous les autres titres, il sera joué dans une version extensible saupoudrée d’interventions appuyées d’un guitariste rasta un chouia trop présent, au point de presque gâcher le pourtant prenant « Break The Night With Colour ». Quoi qu’il en soit, le meilleur moment du set sera à chercher du côté d’un « A Song For The Lovers » à donner des frissons, illustré par des clichés de couples célèbres diffusés sur un écran géant en forme de téléviseur vintage.
Un peu plus tard et sans surprise, la communion de « Bitter Sweet Symphony » replongera le public dans ses jeunes années avant de parler à la génération suivante via la version hip hop signée A$AP Rocky pendant laquelle le groupe s’éclipsera. Ou comment maximiser les royalties du hit de The Verve désormais intégralement propriété de Richard Ashcroft et non plus de Mick Jagger et Keith Richards (rappelons que l’orchestration provient d’un sample de « The Last Time » des Rolling Stones).
SET-LIST
SPACE AND TIME
SONNET
WEEPING WILLOW
MUSIC IS POWER
A SONG FOR THE LOVERS
BREAK THE NIGHT WITH COLOUR
THE DRUGS DON’T WORK
LUCKY MAN
BITTER SWEET SYMPHONY
L’année 2024 des Pixies a débuté en mode revival lors d’une tournée (non passée par chez nous) au cours de laquelle « Bossanova » (1990) et « Trompe Le Monde » (1991) ont été joués dans leur intégralité. Mais c’était pour mieux regarder vers l’avenir car ils ont entre-temps annoncé la suite de leurs aventures discographiques. « The Night The Zombies Came », cinquième album de leur seconde carrière, arrive en effet le 25 octobre prochain. Cela dit, leur année a aussi été marquée par le départ inattendu de la bassiste Patricia Lenchantin, remplacée au pied levé la veille de la tournée susmentionnée par Emma Richardson (ex-Band Of Skulls), qui arbore ce soir des cheveux courts peroxydés à la Yazz ou Annie Lennox.
Visiblement bien intégrée (elle a participé aux enregistrement de la nouvelle plaque), elle aura l’occasion de rapidement se mettre en valeur, secondant Black Francis aux murmures sur un « Gouge Away » intelligemment amené en toute retenue. Avant une explosion qui contaminera « Wave Of Mutilation » et un « Head On » encore plus puissant que celui de The Jesus And Mary Chain à l’AB en avril dernier. Une entame de set pied au plancher qui, curieusement, ne déchainera pas les passions autour de nous. Le groupe est pourtant bien en place et se permettra même de jouer assez tôt « You’re So Impatient », le premier single du futur album dans une version soutenue toutes guitares en avant. Deux autres inédits seront également testés en live, le surprenant « Chicken » aux contours bluesy et l’entêtant « The Vegas Suite ».
Comme à sa bonne habitude, le leader ne pipera mot, préférant caser un ou deux titres supplémentaires à une set-list kilométrique que de s’engager dans de futiles interventions. À ses côtés, le guitariste Joey Santiago et le batteur David Lovering, tous deux barbus et casquette vissée sur le crâne, contribuent au rythme effréné de la soirée. Et la nouvelle recrue, là-dedans ? Elle s’en tire plutôt pas mal, merci pour elle. Peut-être car elle est la première dans la tumultueuse histoire du rôle de bassiste au sein des Pixies à ne pas vouloir impérativement s’identifier à Kim Deal dont le charisme et l’aura la placent de toute façon hors de portée. Ses pertinentes interventions sur « Monkey Gone To Heaven » et « Hey » la positionnent en renfort de choix, tout comme son lead sur « In Heaven (Lady In The Radiator Song) », la cover de Peter Ivers & David Lynch sur la BO de Eraserhead.
Sans surprise, c’est leur période dorée qui sera la plus représentée avec un clin d’œil en guise d’hommage au regretté Steve Albini qui avait produit « Surfer Rosa » en 1988. Mais en privilégiant les plus obscurs « Break My Body » et « Cactus ». On retiendra encore un sauvage « The Sad Punk », une furieuse association « Caribou » / « Planet Of Sound » et un « Vamos » situé quelque part entre urgence et tension pendant lequel Joey Santiago troquera un onglet contre… sa casquette. Ou encore un excellent « Motorway To Roswell » et un « Mr. Grieves » speedé. Tout atterrira cependant en douceur via une seconde interprétation de « Wave Of Mutilation », cette fois dans sa version zen. Avant le célèbre « Where Is My Mind? » que l’on ne présente évidemment plus et qui bouclera une prestation aussi intense qu’exemplaire.
SET-LIST
GOUGE AWAY
WAVE OF MUTILATION
HEAD ON
ISLA DE ENCANTA
YOU’RE SO IMPATIENT
U-MASS
MONKEY GONE TO HEAVEN
ALL OVER THE WORLD
THE SAD PUNK
HEY
CARIBOU
PLANET OF SOUND
CHICKEN
THE VEGAS SUITE
IN HEAVEN (LADY IN THE RADIATOR SONG)
HERE COMES YOUR MAN
VAMOS
BREAK MY BODY
GREENS AND BLUES
CACTUS
MOTORWAY TO ROSWELL
VELOURIA
THE HAPPENING
IS SHE WEIRD
MR. GRIEVES
DEBASER
WAVE OF MUTILATION (UK SURF)
WHERE IS MY MIND?
Notre périple n’était pas encore terminé pour autant car un passage au Club StuBru, seconde scène active depuis quelques années maintenant, nous tendait les bras. Un endroit à l’affiche alléchante également (Bill Ryder-Jones et Ila y avaient entamé la soirée) mais souvent incompatible avec les horaires de la grande scène. Sauf pour The Murder Capital qui ont en plus eu le bon goût de débuter un rien plus tard que prévu. Les Irlandais qui avaient remplacé Beak> à la dernière minute au récent Cactus Festival ont visiblement été boostés par le set des Pixies car la rage a plané sur le leur. Un set bourré de tension à l’attention d’un public qui en a pris plein la figure dès un « The Stars Will Leave Their Stage » glacial à souhait.
Si l’on a eu du mal à rentrer dans l’univers de « Gigi’s Recovery » leur deuxième album publié voici dix-huit mois, force est de constater que l’intense tournée qui a suivi a transcendé des compositions qui n’ont désormais (presque plus) rien à envier à celles du fantastique « When I Have Fears » (2019). Ainsi, « Ethel » et « Return My Head » concurrencent aisément « For Everything » et « Feeling Fades » par exemple. Pour peu, l’attitude insupportable du leader James McGovern à l’ego surdimensionné passe au second plan. On préfère en effet se concentrer sur l’unité des musiciens caractérisée par la fougue de l’incroyable batteur Diarmuid Brennan dont le jeu tribal et saccadé emmène des titres comme « Can’t Pretend To Know » et « Green & Blue » dans une autre dimension.
Cela dit, la voix fait tout de même partie intégrante de l’équation, qu’elle soit brutale (« More Is Less ») ou écorchée (« Gigi’s Recovery »). Le tout sublimé par des guitares tranchantes et une basse inquiétante. « Don’t Cling To Life », le titre avec lequel ils boucleront le set, résumera à lui seul ce cocktail détonnant qui démontre à quel point le post-punk reste essentiel à l’équilibre du rock indé en 2024.
SET-LIST
THE STARS WILL LEAVE THEIR STAGE
CAN’T PRETEND TO KNOW
MORE IS LESS
FOR EVERYTHING
ETHEL
RETURN MY HEAD
CRYING
A THOUSAND LIVES
GIGI’S RECOVERY
GREEN & BLUE
HEART IN THE HOLE
WORDS LOST MEANING
FEELING FADES
DON’T CLING TO LIFE