Lokerse Feesten 2024: Forever blue (hotel)
Entre la soirée axée nu-metal et celle consacrée au hip-hop, les Lokerse Feesten sont passées en mode crooner de luxe. Mais pas avec n’importe qui. Sans surprise, Chris Isaak et Richard Hawley ont fait le boulot, chacun dans son style…
Incontournables sur le circuit des festivals cet été, les Anversoises de Bluai ont lancé les festivités face à un soleil encore bien présent. Un astre qui complémente à merveille le ciel bleu ornant la pochette de leur premier album, « Save It For Later », projetée sur l’immense écran à l’arrière de la scène. Publié au printemps dernier, il poursuit l’exploration de l’univers imaginé par Catherine Smet dans lequel les grands espaces sont rois. Réduites à un trio depuis le départ d’Amina Parago peu après la release du EP « Junkyard » à l’AB Club, les lauréates du Humo Rock Rally 2022, complétées par la souriante bassiste Caitlin Talbut et la rigide batteuse Mo Govaerts ont regardé droit devant elles.
Sur scène, elles accueillent deux musiciennes supplémentaires, dont une (lap steel) guitariste essentielle à l’équilibre de « Sad Boy, Angry Boy » par exemple. On pense pas mal à Big Thief lors des titres introspectifs (« Worms ») mais une fois la machine en route, les comparaisons avec Haim prennent tout leur sens, le côté fou-fou en moins (« In Over My Head »). Aussi sérieuses soient-elles, elle savent composer des hits en puissance, comme l’attestera un bien enlevé « My Kinda Woman » en fin de set. Il ne leur reste plus qu’à travailler leur image pour passer au stade supérieur.
SET-LIST
WORMS
SAD BOY, ANGRY BOY
CEILING STARS
NOT THE ONE
BETTER, I SWEAR
DIME STORE
MY KINDA WOMAN
IN OVER MY HEAD
Sans actualité ou presque depuis 2019 et son album « Further », Richard Hawley s’est rappelé à notre bon souvenir l’an dernier en publiant « Now Then », une double compilation retraçant les douze premières années d’une riche et passionnante carrière solo. Entamée entre la séparation des Longpigs et sa courte aventure au sein de l’incarnation live de Pulp, elle a depuis couronné un singer-songwriter hors pair dont chaque sortie d’album s’apparente à un événement majeur. « In This City They Call You Love » ne déroge pas à la règle et a aisément atteint le top 5 britannique à sa sortie en juin dernier.
L’emblématique personnage de Sheffiel à la voix de crooner reconnaissable entre mille a judicieusement entamé son set sur un pertinent « She Brings The Sunlight » accompagnant les derniers rayons de soleil inondant Lokeren. Une entame parfaite qui le verra ensuite se plonger en toute décontraction dans deux nouveaux titres délicieusement désuets, « Two For His Heels » et surtout « Prism In Jeans », assurément un futur classique dans un répertoire qui n’en manque pas. Sur scène, il est accompagné de cinq musiciens, dont un guitariste exclusivement dédié à la douze cordes. En parlant de guitares, l’ami Richard en possède une sacrée collection dans laquelle il puisera sans compter. Sauf pendant le majestueux « Coles Corner » qui le verra brandir une pancarte ‘Welcome to Sheffield’.
Le gaillard est en effet fier de sa ville et ses compositions truffées de références à la cité au prestigieux passé sidérurgique. Tout comme les visuels, à l’instar de la station électrique de Moore Street qui orne la pochette du nouvel album. Un album sur lequel on retrouve également « Deep Space » dont la version punchy élèvera les débats en milieu de set. Bien entendu, un concert de Richard Hawley s’apparente à des moments de grâce pendant lesquels des frissons nous parcourent l’échine (« Open Up Your Door », « Don’t Stare At The Sun »). Un magnétisme dont lui seul a le secret qui en fait succomber plus d’une et qui confère une saveur particulière à un titre comme « Tonight The Streets Are Ours ». Il se produira le 10 septembre prochain à l’AB pour l’une de ses rares dates européennes en full band. Un moment hors du temps à ne louper sous aucun prétexte.
SET-LIST
SHE BRINGS THE SUNLIGHT
TWO FOR HIS HEELS
PRISM IN JEANS
OPEN UP YOUR DOOR
STANDING AT THE SKY’S EDGE
DEEP SPACE
TONIGHT THE STREETS ARE OURS
ALONE
COLES CORNER
DON’T STARE AT THE SUN
IS THERE A PILL?
Voici un peu plus d’un an, Chris Isaak a rempli la grande salle de l’AB en un clin d’œil. Une performance étonnante pour un artiste dont le dernier album, si l’on excepte le thématique « Everybody Knows It’s Christmas » de 2022, n’a plus rien sorti depuis un peu moins de dix ans. Preuve qu’il reste un personnage à part dans un milieu somme toute atypique puisqu’il puise majoritairement ses influences dans le rock à grand-papa, ou en tout cas celui qui faisait fureur dans les années 50, avant que les Beatles ne passent par là et ne redessinent la carte du rock ‘n’ roll.
Une période considérée par beaucoup comme ringarde mais qui inspire l’ami Chris, et pas que musicalement. Pour preuve, ce costume bleu électrique serti de fleurs à paillettes et une sangle arborant fièrement son prénom. Un peu plus tard, lors de la partie acoustique en mode assis, c’est carrément avec une guitare à son nom en lettres nacrées qu’il déroulera. Mais avant cela, il entamera son set par le très rétro « American Boy » et ne tardera pas à prendre un bain de foule prolongé pendant que le bassiste Rowland Sally et le guitariste Hershel Yatovitz amusent la galerie en se lançant dans des chorégraphies semi-improvisées.
Particulièrement drôle, il agrémentera le show de piques amicales à l’attention de ses musiciens qui le lui rendront bien. Les deux gaillards susmentionnés assurent également les chœurs à la perfection et ne tiennent pas en place (un des avantages des instruments wireless). On sera en revanche moins enthousiaste lorsque le bassiste, également auteur-compositeur à ses heures, prendra le micro pour son « Killing The Blues » dont on préfère de loin la version de John Prine. Mais c’est une autre histoire. Entre-temps, la première montée de l’exigeant (vocalement en tout cas) « Wicked Game » laissera Chris bien dépourvu. Il ne s’agira toutefois que de la seule fausse note d’un show millimétré qui s’emballera ensuite sur le sautillant « Go Walking Down There » au final noisy à presque rendre jaloux Richard Hawley.
On perçoit dans la tessiture du chanteur des bribes à la fois de Roy Orbison et d’Elvis Presley. Des impressions confirmées par deux pertinentes covers, « Oh, Pretty Woman » du premier nommé et « Can’t Help Falling In Love » du second, particulièrement émouvant. Ce titre ponctuera la séquence pseudo acoustique dont on parle plus haut, entamée par un « Forever Blue » dont Elvis aurait sans aucun doute fait un standard. On retiendra également le délicat « Blue Spanish Sky » et les atmosphères napolitaines de « Baby What You Want Me To Do ».
À peine les tabourets retirés que le toujours imparable « Blue Hotel » reboostera le set, suivi peu après de « San Francisco Days », un de ses titres les plus réussis. Dans le même ordre d’idées, il gardera « Baby Did A Bad Bad Thing » pour l’entame des rappels, déguisé en boule à facette humaine. Un moment éblouissant terni par la présence de trois spectatrices dansant maladroitement devant la batterie en prenant des selfies. Un passage bien vite relégué aux oubliettes lors du troublant « The Way Things Really Are » qui terminera le set sur une touche d’émotion.
SET-LIST
AMERICAN BOY
SOMEBODY’S CRYING
HERE I STAND
DON’T LEAVE ME ON MY OWN
PUT OUT YOUR HAND
WICKED GAME
GO WALKING DOWN THERE
OH, PRETTY WOMAN
FOREVER BLUE
BLUE SPANISH SKY
BABY WHAT YOU WANT ME TO DO
TAKE MY HEART
KILLING THE BLUES
DANCIN’
CAN’T HELP FALLING IN LOVE
BLUE HOTEL
NOTICE THE RING
SAN FRANCISCO DAYS
BIG WIDE WONDERFUL WORLD
BABY DID A BAD BAD THING
LIVE IT UP
THE WAY THINGS REALLY ARE
Tout comme deux jours auparavant après les Pixies, c’est dans un Club StuBru surchauffé que notre soirée s’est poursuivie. Bram Vanparys aka The Bony King Of Nowhere venait d’y entamer son set devant un public entièrement acquis à sa cause. Le Gantois a publié en début d’année « Everybody Knows », un excellent sixième album qui le rapproche un peu plus de l’univers de Thom Yorke, et pas seulement vocalement. De subtiles et expérimentales touches électroniques jalonnent en effet des compositions qui prennent une solide consistance sur scène grâce à un backing band de choix parmi lequel le multi-instrumentiste Douglas Firs et l’énergique batteur Simon Segers (qui bat également la mesure pour Sylvie Kreusch) ne font pas de la figuration.
Vêtu d’un singlet blanc et défiant les premiers rangs lorsqu’il ne s’accompagne pas d’une guitare, le singer-songwriter semble s’être affranchi durant l’enregistrement de cette plaque dont la plage titulaire constituera un des premiers sommets du set. On appréciera également à leur juste valeur les harmonies vocales d’« All It Takes » et le punch dégagé par un « Slow Down » minutieusement construit. « Erase », quant à lui, semble se profiler comme un hommage appuyé au chanteur de Radiohead, et pas seulement via son titre en forme de clin d’œil.
Une évolution naturelle qui n’éclipse en rien les extraits de « Silent Days », son excellentissime album précédent qui se rapprochait davantage d’un Kurt Vile ou d’un Adam Granduciel (The War On Drugs), comme le démontreront sa plage titulaire et un « Like Lovers Do » de feu en guise de final. Un peu plus tôt, l’hypnotique « Get One Free » et l’envoûtant « Perfect Sense » auront remis un peu de carburant dans une machine décidément bien huilée. Rendez-vous l’année prochaine sur la grande scène ?
SET-LIST
ARE YOU STILL ALIVE
EVERY ROAD
FALLING INTO PLACE
EVERYBODY KNOWS
ALL IT TAKES
SLOW DOWN
ERASE
SILENT DAYS
GET ONE FREE
PERFECT SENSE
LIKE LOVERS DO