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Lokerse Feesten 2019 : People have the power !

Coincé entre un dimanche metal et un mardi punk, les Lokerse Feesten ont vécu un lundi aux contours moins tranchants. Encore que, la hargne de Patti Smith et la rage de Whispering Sons ont mis à mal le charisme de Father John Misty et la timidité de Charlotte Gainsbourg. Sur la Main Stage en tout cas…

Car depuis quelques années, la seconde scène sponsorisée par une boisson énergétique bien connue ne se limite plus seulement à une succession de DJ’s et de beatmakers en tout genre. Au contraire, le line-up de ce soir mettait généreusement les guitares en avant et ce sont les Germans qui y ont mis le feu au poudre d’emblée.

Nettement plus expérimentaux qu’à leurs débuts (et de l’interview qu’ils nous avaient accordée au Dour Festival à l’époque), les Gantois ont mis en avant leur nouvel album, “Sexuality”. Emmenés par un chanteur déjanté qui terminera en t-shirt isothermique doré, ils associent onomatopées, gémissements, sons frénétiques et atmosphères disco vintage futuristes. Un genre de math-rock de kermesse au son de plus en plus explosif qui, contre tout attente, fonctionne. À condition d’avoir l’esprit ouvert à leurs délires…

Le volume sonore allait ensuite s’affoler avec Newmoon, les Anversois qui sortiront à l’automne leur deuxième album, “Nothing Hurts Forever”. Ils débuteront d’ailleurs leur set au son d’un puissant nouveau titre limite noisy, résumé de l’expérience accumulée depuis “Space” en 2016. Bien entendu, la voix renvoie aux Stone Roses mais l’environnement devient de plus en plus personnel, rugueux et décomplexé. D’autant que des parties planantes (dans leur style, bien entendu…) viennent contrebalancer le trop-plein d’énergie. Ce nouvel album vaudra à coup sûr le coup d’oreille.

Un peu plus tard, ce sont les Danois de Iceage qui investiront l’endroit mais avec l’énorme handicap de jouer directement après Patti Smith (on y revient). La fougue du leader (quelque part entre Gaz Coombes et Mick Jagger avec la voix d’un Jarvis Cocker énervé) ne suffira toutefois pas à faire décoller le show. Pourtant, Elias Bender Rønnenfelt, intenable et chemise ouverte jusqu’au nombril, y mettra du sien en suant abondamment. Par rapport à l’an dernier (ils sont passés aux Nuits du Bota et aux Leffingeleuren), s’ils consacrent toujours une bonne partie de la set-list à “Beyondless”, leur dernier album en date, ils ont laissé tomber le saxo et les ambiances glam rock en faveur de guitares nerveuses.

Sur la Main Stage, la soirée avait débuté à 19h tapantes avec les incontournables Whispering Sons, sans doute le groupe belge à l’affiche du plus grand nombre de festivals cet été. Un été des festivals entamé à 13h en plein cagnard sur la grande scène de Rock Werchter fin juin. Et même si c’est dans l’obscurité que leur post-punk se déguste sans modération, ils avaient bluffé leur monde. L’an dernier, la sortie d’“Image”, leur impeccable premier album, n’a fait que confirmer les espoirs placés en eux au soir de leur victoire au Humo Rock Rally en 2016. Devenue une véritable frontwoman sapée de blanc, Fenne Kuppens vit intensément sa prestation qu’elle accompagne de sursauts épileptiques devant ses camarades de jeu concentrés. D’autant que la balance parfaite bonifiera des titres transcendés par la scène. Seul bémol, une set-list de festival à laquelle ils ne dérogent pas…

“God’s Favorite Customer”, le troisième album en quatre ans de Josh Tillman alias Father John Misty, a été unanimement encensé par la critique l’an dernier. Ceci dit, s’il remplit aisément l’Ancienne Belgique d’adeptes, la scène d’un festival comme les Lokerse Feesten semble un lieu de culte encore un peu trop vaste pour lui. Entendez par là que c’est dans un endroit feutré que ce grand barbu aux airs de prêcheur colporte le mieux ses paraboles des temps modernes. Il s’entoure de musiciens à la pilosité variable qui peaufinent les orchestrations mais mis à part quelques éclairs lumineux (“Mr. Tillman”, “Total Entertainment Forever”), il manque un rien d’entrain pour captiver un public poli mais loin de se sentir touché par l’aura du bonhomme.

“Happy 45th anniversary, Lokerse Feesten!”. C’est sur ces quelques mots que Patti Smith a salué les spectateurs avant d’entamer son set d’une voix intacte avec “Wing”. Il est vrai qu’elle connait l’endroit pour s’y être déjà produite en 2005 et 2014. Si sa discographie ne s’est pas étoffée depuis sa dernière visite, elle a publié plusieurs livres dont la suite de ses mémoires (“M Train”) et un recueil de poèmes (“The New Jerusalem”) dont elle avait lu quelques passages lors de sa triple visite à l’AB l’an dernier.

Plus en forme que jamais, l’icône de 72 ans impose le respect tant par son regard que son langage corporel et ses messages (“Unite for Earth”, “The future is now”). Par son attitude un tant soit peu énervée également (demandez au pauvre caméraman ce qu’il en pense). Un booster d’énergie aux côtés desquels s’épanouissent depuis la nuit des temps le guitariste Lenny Kaye et le batteur Jay Dee Daugherty. Le claviériste Tony Shanahan aura quant à lui droit à quelques parties vocales alors que Jackson Smith, le fils de Patti (qui fête son anniversaire ce soir) complète le line-up à la basse coiffé d’un béret.

Musicalement, les classiques “Ghost Dance” (particulièrement chamanique), “Dancing Barefoot” et “Because The Night” récolteront sans surprise le plus de suffrages. Mais ses covers métamorphosées d’“Are You Experienced?” (Jimi Hendrix), “Beds Are Burning” (Midnight Oil) et bien entendu “Gloria” (Them) ne seront pas en reste. Avant un bien nommé “People Have The Power” plus que jamais d’actualité à ses yeux d’activiste convaincue (“Use your voice”, insistera-t-elle). Ou comment rallier à sa cause une foule entière. D’ailleurs, à moins qu’il ne s’agisse d’une requête expresse de l‘artiste, on ne comprend toujours pas pourquoi elle n’a pas été programmée tout en haut de l’affiche…

En effet, une bonne partie du public avait déserté l’endroit au moment où Charlotte Gainsbourg entamait son set. Un set bourré d’émotion vu qu’il s’agissait du tout dernier concert d’une tournée entamée dix-huit mois auparavant pour la promotion de “Rest”. Et, curieusement, c’est l’artiste aux compositions les plus colorées de la soirée qui a imposé une diffusion en noir et blanc sur les écrans géants. À sa décharge, le décor constitué d’immenses rectangles aux contours lumineux blancs et vifs avait de quoi impressionner. Avec l’inconvénient, pour les spectateurs placés à plus de trente mètres de la scène, de n’apercevoir que des ombres…

Ceci dit, cette mise en scène a la faculté de magnifier visuellement des compositions à tendance electro uptempo (rappelons que la réalisation de “Rest” a été confiée à SebastiAn). Malheureusement, les beats et les nappes synthétiques viennent souvent couvrir la frêle voix de Charlotte et rendre les textes incompréhensibles. Et ce, malgré l’addition d’une seconde voix androgyne. Pour l’anecdote, son groupe ne se compose que de garçons, dont notre compatriote multi-instrumentiste David Numwami (Le Colisée) qui s’illustrera au moyen quelques parties de guitare bien senties.

Timide, réservée (elle chante souvent une main en poche) mais attachante, elle apparaîtra particulièrement émue au moment de dédier “Kate” à sa sœur disparue et “Charlotte For Ever” à son papa. Finalement, ce sont les compositions dans lesquelles Beck a une patte (“Heaven Can Wait” et “Paradisco”) qui se fondent le mieux dans la vision dancefloor du groupe. En revanche, le pourtant magnifique “The Songs That We Sing” sera complètement gâché avant un orchestral “Les Oxalis” en clôture du set principal. Car qui dit dernier concert dit rappel et un “Lemon Incest” réarrangé (chanté assise sur son piano) succèdera à un récent et synthétique “Such A Remarkable Day” pour ponctuer la soirée.

Such a remarkable day, effectivement…

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