Les Nuits 2025: la tornade Osees
Les Nuits du Bota nouvelle formule ont vécu leur tout premier week-end et ont passé l’épreuve (presque) haut la main. À la décharge des organisateurs, une cohorte de rockeurs assoiffés a investi le complexe de la rue Royale vendredi et dimanche, provoquant d’incroyables files aux différents bars et, par extension, aux commodités. Mais d’un point de vue musical, c’était du high level.
Le concept du ticket unique donnant accès aux trois scènes semble avoir conquis les spectateurs même si à certains moments, la Fountain Stage, genre d’arène pour gladiateurs encadrée de hautes palissades, atteindra ses limites. Pendant le set complètement dingue des Osee, par exemple, où elle débordait littéralement. Tout comme les coursives l’entourant, elles aussi congestionnées. Cela dit, vu de haut, les bousculades, crowdsurfings et autre joyeusetés du genre dans un nuage de poussière, rajoutaient du spectacle au spectacle.
Car l’intensité dégagée par John Dwyer et son band à l’impressionnante rythmique (deux batteurs, ça le fait définitivement) prend aux tripes. Du rock garage bien crasseux, hypnotique à souhait et plein de sueur. Car le gaillard a beau publier des albums comme d’autres enfilent des perles et varier le nom de son groupe à l’infini, c’est en concert qu’il donne la pleine mesure de sa hargne. Un concert de Osees ne se regarde pas, ne s’écoute pas. Il se vit, tout simplement.
Un peu plus tôt, les Limbourgeois de Peuk ont ouvert l’endroit pied au plancher et se sont baladés dans leur courte mais recommandable discographie composée de deux excellents albums et d’un split single avec Head On Stone, le projet acoustique de la chanteuse Nele Janssen. Aussi fluette que spitante, cette dernière n’hésite pas à monter dans les tours et à hurler lorsque cela s’avère nécessaire tout en calmant les ardeurs aux moments opportuns.
Les habitués auront remarqué la présence d’un nouveau batteur en la personne de Jonathan Frederix remplaçant du massif David Schroyen depuis quelques mois. Plus subtil mais tout aussi efficace, il permettra à n’en point douter au trio complété par le bassiste Jacques Nomdefamille, son compère au sein de Heisa, de développer leur potentiel. Sa prestation sur « If So », test grandeur nature, confirmera notamment qu’il était l’homme de la situation. Et Peuk le parfait apéro de la soirée.
Nettement plus sombre et malsain, Psychic Graveyard glacera le Museum dans la foulée. Les Californiens emmenés par Eric Paul, intenable chanteur habité pour qui la voix menaçante un chouia énervée fait partie intégrante de l’équation, officient dans un registre plutôt glacial. On pense à Ditz et à Algiers en mode plus industriel que post-punk et pour qui l’expérimentation jouerait un grand rôle. Entre puissance, cacophonie et dialogues samplés, leur univers se voit boosté par des stroboscopes agressifs tranchant avec des lights délibérément tamisés, donnant un effet flippant à l’ensemble. On appellera cela du post-dark-psyché plutôt efficace.
Dans un registre plus retenu et légèrement hors du temps, Nap Eyes apportera un peu de douceur dans cette Nuit lancée à du cent à l’heure. Les natifs d’Halifax officient quant à eux dans un registre country-folk des temps modernes en mode uptempo, rehaussé par la présence de trois guitares. Le leader Nigel Chapman, doté d’une voix oscillant entre celles de Will Toledo (Car Seat Headrest), Beck et Lou Reed illustre à merveille des compositions sentant bon les grands espaces. Le numéro atypique de la soirée parfaitement à sa place au Museum mais sans doute un peu trop sage pour un public déjà dans son trip Osees.
Lorsqu’on évoque Dummy, on pense immanquablement au premier album de Portishead. Le pseudo adopté par le groupe originaire de Los Angeles ne renvoie toutefois absolument pas vers les atmosphères vaporeuses de celui de Bristol. Au contraire, leurs compositions enjouées, quelque part entre le shoegaze de Slow Crush et l’indie pop colorée de The Beths ou d’Alvvays, ponctuera cette Nuit en plaçant un grand sourire sur le visage de plusieurs spectateurs dépités de ne pas avoir réussi à rentrer à l’Orangerie pour le concert de Slift. D’autant que de légères expérimentations électroniques intersidérales émaillent leur set, les consolant du même coup. Quant à ce final digne d’Arcade Fire, il confirmera que le label Trouble In Mind a encore fait une bonne pioche…
Organisation : Botanique