Les Nuits 2022: Pigsx7, boucherie à l’Orangerie
Opposition radicale de styles ce vendredi aux Nuits. Ou lorsque les guitares lourdes de l’Orangerie répondent aux beats du chapiteau… Les allumés de Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs n’ont en tout cas pas fait les choses à moitié en maintenant le décibelomètre dans le rouge en permanence.
Mails il fallait surtout arriver à l’heure du JT pour profiter des cochonnailles apéritives concoctées par Ditz. Les gaillards de Brighton ont effectué un rapide aller-retour sur Bruxelles entre deux prestations au festival The Great Escape organisé dans leur ville natale, spécialement pour les Nuits. Ils venaient y défendre « The Great Regression », leur premier album publié début mars chez Alcopop (DZ Deathrays, Art Brut…)
Largement influencés par Gilla Band (fka Girl Band) et la vivifiante vague post-punk britannique emmenée par Shame et Idles, ils ne vont pas tarder à mettre les choses au clair. Pas question en effet de faire de la figuration ni de jouer en sourdine, ils sont là pour marquer leur territoire. Et ils vont s’en sortir à merveille, malgré un chanteur peu charismatique qui, à l’instar de Grian Chatten de Fontaines D.C., ne tient pas en place et parcourt des kilomètres sur scène.
Sorte de mélange improbable entre Bruce Dickinson et Tim Burgess, Cal Francis peine toutefois à s’affirmer au milieu de ses camarades. Parmi ceux-ci, on retrouve un batteur particulièrement nerveux et un bassiste qui joue de son instrument comme s’il s’agissait d’une guitare. En conséquence, il alimente généreusement le mur du son construit par les deux guitaristes situés aux extrémités de la scène. Austère et oppressant, leur univers est rendu encore un peu plus glacial par des lumières sombres transpercées de flashes stroboscopiques millimétrés (le frappadingue et hypnotique « Teeth » en étant un parfait exemple).
Ceci dit, certaines compositions présentent des contours plus arrondis qui tapent dans le mille (« Three », « Ded Würst ») sans toutefois alléger la charge mentale dans laquelle elles semblent avoir pris vie. Le kilométrique « No Thanks, I’m Full » en clôture du set l’illustrera parfaitement, le leader semblant par moments absent, assis par terre juste devant la batterie, tournant le dos au public, pendant que ses camarades balançaient la sauce toutes guitares en avant. Plus post-punk que ça tu meurs…
Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs n’est sans doute pas le nom de groupe le plus facile à balancer d’une traite sans réfléchir, raison pour laquelle il est souvent simplifié en Pigsx7. Les natifs de Newcastle ont publié « Viscerals », leur troisième album, au tout début de la pandémie. Couronné Album of the Month en avril 2020 par Rough Trade, ils n’ont bien évidemment pas eu l’occasion de surfer sur cet engouement et leur concert prévu quelques semaines plus tard à l’AB Club a été annulé, à l’instar de centaines d’autres.
Autant dire qu’ils avaient la rage au moment de monter sur la scène de l’Orangerie, prêts à effacer deux ans de frustration. C’est dans ce dernier album en date qu’ils vont se plonger instantanément via « Reducer » et « Rubbernecker », les deux plages d’intro qui montreront la couleur ce soir. Devant leur immense logo au layout inspiré par le générique de Star Wars, ils vont étaler leurs influences allant de Motörhead (les intonations de Matthew Batty) à Black Sabbath (les riffs incendiaires). D’un point de vue visuel, on pourrait presqu’y ajouter Iron Maiden pour la pochette glauque de « Viscerals ».
Contrairement à Ditz, le chanteur constitue l’attraction principale. Outre le fait qu’il se produit pieds nus (tout comme le bassiste), il arbore un magnifique singlet bardé d’une inscription Rick’s Gym et un short. Véritable pile électrique, il va effectivement se lancer dans une intense séance de fitness davantage healthy que celle de Sebastian Murphy avec Viagra Boys pile une semaine auparavant.
Si dans le public les pogos semblent plus timides, cela est sans doute dû à des compositions travaillées sur la longueur et nettement moins immédiates que celles des Suédois. On est ici dans un trip franchement métal appuyé par tous les clichés colportés par les adeptes du gente depuis un demi-siècle, headbanging chevelu en tête. Mais la voix criarde et les solos de guitare dégoulinants ne sont pas loin.
Ceci dit, cela fonctionne malgré tout, notamment via les efficaces « Sweet Relief » et « GNT » alors que derrière les aspects bruts de « Cake Of Light » se cache une certaine subtilité mélodieuse. Pour l’anecdote, le groupe n’adhérant pas à la politique des rappels, ses membres jetteront leurs dernières forces dans l’abattoir sur un « A66 » qui les verra devenir complètement fous, le chanteur hurlant comme un égorgé dans son micro pendant que le guitariste s’offrait un bain de foule au milieu des spectateurs qui avaient enfin décidé de se bousculer. Ou comment littéralement rentrer dans le lard de son voisin…
SET-LIST
(BLOOD AND BUTTER INTRO)
REDUCER
RUBBERNECKER
BOLSON
SWEET RELIEF
GLOAMER
GNT
WORLD CRUST
CAKE OF LIGHT
A66