L’écosystème de Weyes Blood
Affluence des grands soirs ce dimanche au Botanique à l’occasion du passage très attendu de Natalie Mering aka Weyes Blood. Elle venait défendre dans une Orangerie bondée “And In The Darkness, Hearts Aglow”, le successeur de l’acclamé “Titanic Rising”. Et sans doute l’ultime occasion de la voir se produire dans un environnement aussi intimiste.
Un public déjà nombreux s’était massé devant la scène lorsque Sam Burton en a pris possession. Le singer-songwriter californien a toutefois passé de longs moments à accorder sa douze cordes dans un silence religieux avant d’enfin lancer la soirée. Ses comptines folk parfois hantées et cernées d’Americana baliseront ensuite un set dont les influences hésiteront entre Scott Walker et Tim Buckley, voire un Nick Drake moins écorché.
Il se produit entre un claviériste et une choriste à la voix modulable présentée sous le délicieux pseudo Lady Appeltree (de son vrai nom Haylie Hostetter). Une choriste qui lui volera littéralement la vedette en prenant le lead sur une magistrale cover de Lovin’ Spoonful, “Didn’t Want To Have To Do It”, interprétée à la manière d’une Olivia Newton-John au tout début de sa carrière. Une façon de boucler la boucle puisque la future star de Grease se la jouait plutôt country à l’époque, le core business élargi de Sam Burton.
En 2019, “Titanic Rising” a brusquement propulsé Weyes Blood sur le devant de la scène. Acclamé par la critique (Uncut l’a notamment élu album de l’année, les Inrocks et Rough Trade le classant deuxième), il apparaît désormais comme le premier volet d’une trilogie dont la suite est sortie en novembre dernier chez Sub Pop. “And In The Darkness, Hearts Aglow”, le cinquième album du projet emmené par Natalie Mering poursuit sa quête de sensibilisation romancée à l’écologie, au changement climatique et à ses dommages collatéraux.
Composé à Altadena, une petite ville isolée du côté de Los Angeles et partiellement enregistré dans le studio de Jonathan Rado (le leader de Foxygen reconduit dans son rôle de producteur), il confirme la sensibilité d’une artiste épanouie. On pourrait ajouter l’élégance et la spontanéité, les premiers termes fusant en la voyant se diriger vers le centre de la scène vêtue d’une longue robe blanche doublée d’une cape tout aussi immaculée.
“It’s Not Just Me, It’s Everybody”, titre d’intro de la nouvelle plaque, sera également celui du concert et installera une ambiance cabaret que ne renieraient pas des Arctic Monkeys trentenaires. En revanche, “Children Of The Empire” constituera la première claque de la soirée, une fois ladite cape maîtrisée pour laisser sa guitare acoustique s’exprimer. Ajoutons-y des nappes entêtantes pour une version live un cran au-dessus de celle du studio. Un peu plus tard, “The Worst Is Done” empruntera la même voie en se profilant comme une de ses meilleures nouvelles compositions.
Disséminés aux quatre coins de la scène (jusqu’au stand merchandising), des chandeliers installent une atmosphère intimiste qui atteindra son paroxysme sur “God Turn Me Into A Flower”. D’autant que ce titre boosté par une voix impressionnante sera accompagné du visuel saccadé créé par Adam Curtis, célèbre documentaliste officiant notamment pour la BBC. Juste avant, elle loupera le début de “Grapevine” avant de se rendre compte, au terme du morceau, qu’elle l’avait joué dans une mauvaise tonalité… et de rendre hommage à ses musiciens qui ont géré la situation comme si de rien n’était.
Parmi ceux-ci, pointons une bassiste en charge également des bidouillages sonores ainsi qu’un guitariste dont les parties de slide emmèneront systématiquement le morceau dans des contrées captivantes, à l’instar du théâtral “A Lot’s Gonna Change” et du prenant “Twin Flame”. Au début de ce titre apparaîtra une sorte de médaillon géant lumineux de couleur rouge à hauteur de la poitrine de l’artiste, renvoyant vers la pochette de l’album (“Hearts Aglow” aura droit au même artifice en clôture du set principal).
Entre-temps, une incroyable version de “Movies” débutée par des projections aquatiques concentrées sur sa robe culminera lors d’un passage particulièrement enlevé pendant lequel elle réduira un bouquet de fleurs à néant en les lançant à tout va dans le public. Dans la foulée, un “Andromeda” de feu complètera la collection de hits dans une ambiance festive.
Les musiciens reviendront sur scène pour deux titres en rappel que l’on aurait plutôt interverti dans un souci de cohérence. En effet, le sautillant “Everyday”, joué par la belle sur un synthé exclusivement réservé à cette occasion aurait sans doute ponctué le set de manière plus enjouée que le délicat et retenu “A Given Thing”. Le seul relatif bémol d’un set envoûtant de bout en bout, témoin de l’envergure prise par un projet qui devrait continuer son inlassable progression…
SET-LIST
IT’S NOT JUST ME, IT’S EVERYBODY
CHILDREN OF THE EMPIRE
SOMETHING TO BELIEVE
GRAPEVINE
GOD TURN ME INTO A FLOWER
WILD TIME
A LOT’S GONNA CHANGE
THE WORST IS DONE
TWIN FLAME
MOVIES
ANDROMEDA
HEARTS AGLOW
EVERYDAY
A GIVEN THING