Le tourbillon Fat White Family
Avec « Serf’s Up », leur premier album pour Domino Records, les sauvages de Fat White Family reviennent enfin aux affaires courantes. Tout comme il y a quatre ans, ils n’ont eu aucune peine à mettre à sac la Rotonde du Botanique.
Dans un style radicalement différent mais tout aussi déjanté, Murman Tsuladze s’est occupé de l’avant-programme. Accompagné d’un claviériste et d’un beatmaker, le Bruxellois d’adoption au look similaire à celui de Daan va étaler ses influences aussi multiples que disparates. D’un rock touareg faussement garage à une électro parsemée de sonorités orientales, l’écart sera conséquent. Mais le sommet sera sans doute atteint avec « Ras Dva Tri », bombe kitsch post-soviétique entre Little Big, Die Antwoord et le kazatchok.
La prestation de Fat White Family le vendredi 13 février 2015 reste ancrée dans nos mémoires comme l’une des plus rock ‘n’ roll que la Rotonde ait jamais connues. C’était à l’époque du bien nommé « Champagne Holocaust », le premier album des Londoniens emmenés par Lias Saoudi et Saul Adamczewski. Depuis, outre une visite à La Madeleine dans le cadre d’une PIAS Nite l’année suivante en support de « Songs For Our Mothers », rien ou pas grand-chose à se mettre derrière l’oreille.
Et pour cause, ce sont plutôt leurs projets parallèles qu’ils ont favorisés. Tour à tour The Moonlandingz (passés par Dour en 2017), Insecure Men (aux Nuis du Bota l’an dernier) et Warmduscher ont fait la une de l’actualité indie. Mais aujourd’hui, les joyeux lurons se sont retrouvés pour donner une suite à leurs aventures discographiques via « Serf’s Up », sans doute leur album le plus abouti à ce jour. Le plus addictif également et celui où ils parviennent enfin à canaliser leur énergie débordante.
C’est d’ailleurs avec un extrait de celui-ci, l’inquiétant « When I Leave », qu’ils entameront leur set dans la pénombre la plus totale. Un début de set en crescendo qui les verra ensuite attaquer « Tinfoil Deathstar » et s’énerver une première fois sur un « I Am Mark E Smith » aussi puissant que nonchalant. C’est à ce moment que Lias Saoudi se retrouvera torse-nu. Jusque-là, sa chemise négligemment boutonnée laissait apparaître un tatouage candide en forme de cœur sur son torse. Cheveux rasés et en short, il arbore des lunettes d’aviateur qui ne quitteront son nez qu’à de très rares occasions.
À ses côtés, outre le chapeau de paille de Saul Adamczewski et le look très seventies (favoris jusqu’au menton compris) du second guitariste Adam J Harmer, on admirera la coupe au bol du bassiste et celle, franchement mulet du saxophoniste à l’extrême gauche de la scène. Car de l’autre côté, c’est le frère de Lias, Nathan Saoudi qui tapote sur ses claviers tandis qu’à la batterie officie désormais Samuel Toms. L’ex-stickman de Temples frappe notamment sur une grosse caisse transparente dans laquelle est emprisonnée une tête de cochon en papier mâché.
Les sonorités eighties et spatiales du stroboscopique « Fringe Runner » encourageront le leader à se rouler par terre avant de se la jouer DIY lors de « Bobby’s Boyfriend » et du psyché coloré « Hits Hits Hits » en attrapant une sorte d’assiette en métal suspendue à un fil sur laquelle il tapera maladroitement. Ceci dit, la prestation passera clairement dans une dimension supérieure à partir de « Feet », l’excellente plage d’intro de « Serf’s Up ». Moins mélodieuse et plus brouillonne, certes, mais venant clairement des tripes.
Larges, leurs influences le sont assurément mais ils parviennent toujours à leur conférer une couleur Fat White. Prenez par exemple la version gothico-country de « Touch The Leather » ou celle, anarchico-disco de « Whitest Boy On The Beach » qui générera quelques bousculades. Sans parler de l’intro très Lynchienne de « Cream Of The Young » qui verra le leader s’aventurer au beau milieu des spectateurs.
On retiendra encore l’intensité du prenant « I Believe In Something Better » et, en guise de touche finale, l’hystérique « Bomb Disneyland » au milieu de pogos monstrueux. Même Lias s’y mettra en plongeant tête première dans le public avant de le saluer pour de bon. Moins bordélique qu’à l’époque, leur prestation démontrera toutefois que même pour des rebelles, la maturité peut avoir des effets bénéfiques.