Girl Band et Fontaines D.C., boys in the Bota land
Le Botanique avait des airs d’Irish pub jeudi dernier via une triple affiche originaire de Dublin et de ses environs. Sur la scène de l’Orangerie, ce qui se fait de mieux actuellement en matière de rock indie à guitares : Girl Band, Fontaines D.C. et The Claque.
Ces derniers ouvraient le bal et constituaient la découverte de la soirée. Passons outre les jeux de mots pourris et concentrons-nous sur leur prestation un rien curieuse. En effet, au milieu d’un environnement bordélique dicté par deux guitares aux sonorités presqu’industrielles d’une part, d’une basse passionnée et d’une batterie métronomique de l’autre, la voix presque soul d’une blondinette fluette adepte d’onomatopées a du mal à cadrer avec l’ensemble.
Toutefois, si on laisse de côté l’aspect actuellement décousu de leurs compositions, on perçoit quelques éclairs lumineux, comme sur cette pièce débutée dans l’angoisse par des guitares stridentes avant de s’épanouir dans un ensemble noisy pop. Le groupe n’a pour l’instant sorti qu’un maxi deux titres, on attend la suite avec curiosité.
Si l’événement se joue à guichets fermés, ce n’est pas uniquement grâce à la tête d’affiche de la soirée. À l’instar du 4AD de Dixmude voici quelques mois lorsqu’ils avaient ouvert pour King Khan Louder Than Death, les bad boys de Fontaines D.C. ne sont pas étrangers à la ruée sur le ticketing. Et pour cause. Ils avaient déjà impressionné dans cette même salle lors des Nuits l’an dernier en ouverture de Metz et de Idles. Mais ils ont surtout publié entre-temps « Dogrel », un candidat sérieux au titre d’album de l’année et un des meilleurs premiers albums depuis une éternité.
Véritable ode à leur ville natale (D.C. = Dublin City), il regorge de titres irrésistibles que l’on voit bien devenir des classiques indie dans les prochaines années. Et même davantage car l’album s’est hissé dans le top 10 britannique et le top 5 irlandais à sa sortie. Qu’à cela ne tienne, c’est avec un nouveau titre, « Heroes Death », qu’ils débuteront leur set. Bourré de tension et parsemé de « Life’s been always empty » sur un beat digne des Strokes, il constituera une entrée en matière parfaite.
Vêtu d’une chemise trop grande pour lui, le leader Grian Chatten déclame tout en conférant de sa voix grave une intensité à des compositions dont l’urgence se voit décuplée par deux guitaristes impliqués. Ne tenant pas en place un instant et à la limite de l’épilepsie, on pense immanquablement à Ian Curtis. À l’instar de ses camarades (dont un batteur bossu à force de concentration), il ne décochera pas un sourire tout au long de la prestation.
Ceci dit, malgré les bombes que ce sont « Hurricane Laughter » et « Sha Sha Sha », le public ne se réveillera qu’à partir de l’incroyable « Too Real », au terme d’une petite demi-heure qui inclura notamment l’excellent « Television Screens » et « Lucid Dream » (un autre nouveau titre). Une semi-déception après l’expérience festivalière qui voyait les spectateurs partir en pogo dès le premier coup de batterie. Ceci dit, les mouvements de foule iront crescendo jusqu’au final, le prémonitoire « Big » avant que les musiciens ne quittent la scène sans demander leur reste. On n’ose pas imaginer le carnage s’ils avaient joué en tête d’affiche avec un volume sonore poussé dans le rouge.
Preuve supplémentaire de l’impact Fontaines D.C., une partie du public avait déserté la salle lorsque les gaillards de Girl Band ont débuté leur set. Un détail qui n’a pas empêché ces derniers d’actionner le rouleau compresseur puisque c’est sur scène que la puissance de leurs compositions atteint son paroxysme. On en prendra d’ailleurs plein les tympans d’entrée de jeu avec un « Pears For Lunch » complètement dingue suivi d’un déstructuré « Fucking Butter », desservis par un ingénieur du son qui avait enfin décidé de diriger le curseur dans la bonne direction.
Auteurs d’un premier album acclamé par la presse musicale en 2015, ils ont mis un certain temps à lui donner une suite, arrivée finalement cet automne. Un délai en partie imposé par les problèmes de santé mentale du leader Dara Kiely, dont le physique a pris un sacré coup au passage. Sans surprise, « The Talkies » apparaît encore plus angoissant et claustrophobique qu’« Holding Hands With Jamie » au point de décontenancer l’auditeur lors des premières écoutes.
En revanche, sur scène, ces nouveaux titres s’intègrent parfaitement au reste de la set-list et dévoilent leur tension brute, voire brutale. On pense au sinueux « Laggard », au glacial « Shoulderblades » ou au flippant « Prefab Castle », bardés d’hurlements nourris. Mais tout n’est pas sombre pour autant, comme le laissent entrevoir les passages groovants de « Salmon Of Knowledge », mis en valeur par des spots colorés ou ce « Going Norway » très LCD Soundsystem (le micro vintage du chanteur favorise la comparaison). Il faudra toutefois attendre la fin du set pour voir le public se déchaîner sur les bombes à caractère techno-punk que sont « Why They Hide Their Bodies Under My Garage? » (une cover de Blawan) et « Paul », aux effets stroboscopiques affolants. Ou comment se réapproprier la couronne indie Dublinoise…