Ghinzu, still blown away
S’ils n’ont jamais officiellement splitté, les Bruxellois de Ghinzu sont restés muets ou presque depuis la fin de l’été 2016. Quelle ne fut donc pas notre surprise de les voir sortir de leur tanière en novembre dernier pour annoncer une poignée de concerts à l’occasion du vingtième anniversaire de « Blow ». Un véritable engouement puisque l’AB (une, deux et finalement trois fois), l’OM, Den Atelier et l’Olympia se sont retrouvés sold out d’un claquement de doigts. Tout comme l’Eden où un try-out préalable leur permettra de régler les derniers détails et de judicieusement réagencer la set-list…
Vingt ans, c’est également le temps écoulé depuis leur premier passage à l’AB, lors de la mémorable soirée soufflant les dix bougies de Bang! en compagnie de Girls In Hawaii et de Sharko, le 12 février 2004. Publié quelques jours auparavant, « Blow » s’apprêtait à défrayer la chronique et devenir un album marquant d’une scène indie made in Wallonie-Bruxelles alors en pleine ébullition. À titre d’exemple, cette année-là sortira également « A Life On Standby » de Mud Flow, « Year Of The Tiger » de Hollywood Porn Stars et « Stop Talking » de Soldout. Pour l’anecdote, John Stargasm était présent sur cette même scène lors de l’ultime prestation du duo électro bruxellois en 2018.
Un album qui leur ouvrira les portes de la gloire et de l’exportation (ce sont des méga stars en France) dont la fantastique plage titulaire extensible et patiemment travaillée donne toujours autant de frissons dès ses premières notes. Ce sera de nouveau le cas ce soir et l’ambiance de feu qui a accompagné les musiciens sur scène au son de la B.O. de Rocky III ne laissait planer aucun doute quant à la folie qui allait s’emparer d’une grande salle de l’AB en pleine ébullition (c’est la soirée du mardi 11 juin que l’on décortique ici).
« Blow », donc, et ses imparables montées en puissance pleines d’anticipation, ses explosions sporadiques et ses délires progressifs assumés. Dix minutes de pur bonheur et point de départ idéal d’un show qui ira en crescendo vers des sommets dont on avait presqu’oublié la teneur sur scène. John Stargasm, barbe naissante grisonnante, perfecto et lunettes de soleil fixées sur le nez, se produit derrière un synthé qu’il ne quittera dans un premier temps qu’à de rares exceptions pour pavaner autour de ses camarades et haranguer la foule, mais jamais sans sa canette de bière. Svelte et athlétique, il n’a rien perdu de son énergie alors que sa voix, tour à tour douce, passionnée, énervée et agressive canalise les compositions.
À sa gauche, Jean Waterlot (qui, lui, a publié « Temperplane » avec Montevideo en 2019) arbore une veste de motard zippée jusqu’au cou et alterne guitare et machines. Du côté opposé, Greg Remy, lui, se retrouvera torse-nu rapidement et n’hésitera pas à s’en griller l’une ou l’autre entre deux singeries. Au milieu, l’imperturbable bassiste Mika Nagazaki à l’élégant costume deux pièces noir scintillant et le batteur Antoine Michel complètent le line-up.
Si le rêveur « Jet Sex » et son extension électro-dinguo « Cockpit Inferno » respecteront la chronologie du disque jubilaire, la suite de la soirée prendra une direction moins rigoureuse. Rassurons les puristes, à l’exception de l’interlude « Horse », la totalité des plages sera jouée. Mais entre le final nerveux insoupçonné de « High Voltage Queen » et l’aspect mélancolique de « Sea-Side Friends », un saccadé « Dragon » particulièrement groovy au flow renvoyant vers la coolitude de Fun Lovin’ Criminals permettra à l’ami John de se dégourdir les membres. Avec le noisy et déstructuré « Dracula Cowboy » un peu plus tard, il s’agira du seul extrait rescapé d’« Electronic Jacuzzi », leur expérimental premier album paru en 2000.
Lors de leur double visite au Théâtre National dans le cadre du Festival des Libertés en octobre 2015, ils avaient joué plusieurs nouveaux titres dont le syncopé « Barbe Bleue », caractérisé par des rythmes hypnotiques et un refrain de fausset. Presque neuf ans plus tard, il apparaît comme le potentiel premier single d’un futur mais toujours hypothétique nouvel album. Quoi qu’il en soit, il introduira parfaitement l’imparable « Cold Love » à partir duquel pogos et crowdsurfings s’intensifieront. Le service de sécurité de l’AB allait en effet être mis à rude épreuve par la suite même s’ils pourront respirer lors de la première partie d’un « The Dragster-Wave » dont les montées prendront véritablement aux tripes.
Le fougueux instrumental « 21st Century Crooners » au riff repris en chœur par le public et la tuerie « Do You Read Me » feront ensuite grimper la température d’un cran, d’autant que l’ami John avait momentanément quitté son synthé et s’apprêtait à donner du fil à retordre (au propre comme au figuré) à ses roadies. En se baladant au sein du public pendant « The End Of The World » tout d’abord, en arpentant la scène tel un poulet sans tête sur un « ‘Til You Faint » de feu qui mettra un terme au set principal dans un brouhaha indescriptible…
Toujours aussi troublant et délicat, « Sweet Love » entamera les rappels dans un silence relatif, illuminé par un pertinent faisceau englobant le leader au piano. Un rare moment d’accalmie à l’exception peut-être de « Mother Allegra » dans la foulée même si à ce moment, on se doute que son enchaînement avec le furieux « Mirror Mirror » s’apprêtait à faire des ravages. Pari gagné et l’intensité de « Dream Maker » assurera même la parfaite transition vers un « Mine » tout à fait frappadingue qui refermera de solide manière le chapitre « Blow » non sans avoir permis au leader de balancer sa basse pour se retrouver debout sur son synthé comme au bon vieux temps.
Il faut croire que le groupe était particulièrement en forme ce soir-là car il gratifiera l’AB de deux titres supplémentaires (au lieu d’un seul les autres jours). Un « This War Is Silent » aussi tendu qu’énergique entamera dès lors ce second round qui se ponctuera, à l’image des autres soirs par le surprenant « Forever ». Atypique inédit (également joué au Théâtre National à l’époque mais dans une verison plus musclée), il reste immanquablement dans la tête mais n’a pas (encore ?) la touche Ghinzu. Cela dit, le jouer à ce moment se révélera bien plus efficace qu’en milieu de set à l’Eden. Pour le reste, simple sursaut nostalgique ou point de départ d’une nouvelle ère ? L’avenir nous l’apprendra…
SET-LIST
BLOW
JET SEX
COCKPIT INFERNO
HIGH VOLTAGE QUEEN
DRAGON
SEA-SIDE FRIENDS
BARBE BLEUE
COLD LOVE
THE DRAGSTER-WAVE
21ST CENTURY CROONERS
DO YOU READ ME
THE END OF THE WORLD
DRACULA COWBOY
‘TIL YOU FAINT
SWEET LOVE
MOTHER ALLEGRA
MIRROR MIRROR
DREAM MAKER
MINE
THIS WAR IS SILENT
FOREVER
Organisation : AB + Progress Booking