DIIV, l’expérience méditative
En marge d’un quatrième album à paraître dans les prochaines semaines, les New Yorkais de DIIV ont repris la route. Sans équivoque la meilleure manière de tester de nouvelles compositions dans des conditions réelles, d’autant que la grande salle de l’AB affichait fièrement complet pour la deuxième date de leur tournée européenne.
Comme la veille au Tivoli d’Utrecht, ce sont nos compatriotes de Disorientations qui ont assuré avec brio la première partie. Les Anversois s’apprêtent eux aussi à étoffer leur discographie puisque « Lost Today » succèdera le 19 avril prochain à « Memory Lanes », leur première plaque publiée en 2022. Ils vont bien entendu en interpréter l’un ou l’autre extrait en primeur, comme ce puissant « Loner » d’entrée de jeu qui les placera instantanément sur orbite. Le son impeccable de l’AB leur convenant à merveille, ils s’en retrouvent transcendés.
Lumineusement sombres, les nouveaux « Cynical » (un futur hit à la basse entêtante) et « Not Here » (le récent single qui renvoie vers White Lies) tiennent la dragée haute aux tubes dark wave que sont notamment « Watching You Go » et « Don’t ». Sans parler d’un « Close To Disappearing » speedé à rendre jaloux Interpol, et pas seulement via la voix caverneuse de Niels Elsermans. La parenthèse Lagüna (dont il assure également les vocaux et qui a sorti un album l’an dernier) semble avoir reboosté son projet principal. Pour ceux qui en veulent davantage, la release-party de « Lost Today » se tiendra au Trix le 10 mai prochain.
Pile deux semaines plus tard arrivera « Frog In Boiling Water », le quatrième album de DIIV, suite attendue du mature « Deceiver », sorti à l’automne 2019. Il est vrai que depuis leur passage aux Nuits 2022, Zachary Cole Smith et ses camarades sont restés pour le moins discrets. Ils ont même plutôt regardé dans le rétroviseur en publiant une édition spéciale d’« Oshin » à l’occasion de son dixième anniversaire mais aussi en compilant les trois 7″ précédant ce premier album. C’était une époque où le leader fricotait encore avec Beach Fossils qui, eux, viennent de remplir le Museum du Botanique.
Pour cette tournée apéritive, les New Yorkais sont partis dans une sorte de trip méditatif traduit par l’apparition sur le grand écran d’un prêcheur ventant les vertus apaisantes d’un concert de DIIV, une expérience de laquelle nous sortirons grandis : « (…) Let the music guide you, transform you and elevate you to heights beyond the wildest imagination (…) », affirme-t-il notamment. Après un tel discours, la signification de « Like Before You Were Born » pourrait se voir radicalement transformée. Musicalement toutefois, il s’agit d’un titre d’intro parfait, l’intensité se mettant graduellement en place sans exploser. Une continuité assurée dans la foulée par un lumineux et parfait « Under The Sun ».
Positionné à l’extrême droite de la scène, Zachary flotte dans ses vêtement trop larges pour lui mais d’un point de vue fashion, il n’a rien à envier au guitariste à ses côtés qui se produit en hoodie vert Kermit (en référence au titre de l’album ?) et pantalon militaire. Ce dernier, à l’instar du bassiste chevelu, ne tient pas en place, le phénomène s’amplifiant au fur et à mesure du concert. Finalement, seul le batteur restera concentré sur son sujet en permanence.
On l’a dit, ils profitent de cette tournée pour rôder leurs nouvelles compositions et la première d’entre-elles, « Brown Paper Bag », est également le premier single de « Frog In Boiling Water ». Un titre introspectif bardé de guitares prenantes qui, sur scène, tardera à démarrer avant de balancer du lourd et de proposer une outro envoûtante à souhait. À l’instar des autres inédits, il sera accompagné d’une vidéo sur laquelle défileront les paroles. Une sorte de karaoké géant auquel le public de l’AB n’adhèrera heureusement pas. Cette initiative nous permettra toutefois d’approfondir la direction thématique abordée par le groupe.
Politiquement chargés, les textes parlent notamment de santé mentale, de résilience et des limites du capitalisme dans un monde en déclin. Des thèmes en parfaite adaquation avec l’environnement délibérément sombre d’un groupe engagé. Prenons ce « Soul-Net » particulièrement plombé ou cette plage titulaire en mode shoegazing, illustrée par un clip très réussi basé sur du morphing. Dans une veine similaire, le faussement inoffensif « In Amber » titillera délicatement la face sinistre de la dream pop. On leur reprochera peut-être de prendre un peu trop de temps entre les morceaux mais après tout, pour eux aussi il s’agit d’un rodage.
Entre les coups, ils puiseront dans un back catalogue de plus en plus solide, assurant une set-list parfaitement équilibrée. On pense notamment à l’hypnotique « Take Your Time » ou au langoureusement noisy « Taker ». Un peu plus tard, « Air Conditioning » mettra, une fois n’est pas coutume, les vocaux en avant. Cela dit, la fin du set principal atteindra des sommets épiques, générant nombre de stage divings sur un puissant « Blankenship » avant un « Acheron » au mélodieux crescendo.
Entamés par un rêveur mais enlevé « Horsehead », les rappels donneront l’occasion de découvrir « Raining On Your Pillow », une ultime nouvelle composition menaçante illustrée par des manœuvres militaires sur l’écran. Avant que le public ne reprenne ses activités favorites et ne donne du fil à retordre au service de sécurité. Impossible en effet de rester de marbre sur les bombes que sont « Incarnate Devil » et surtout « Doused », hit complètement dingue. « Keep it safe, do not forget us… » déclamera ensuite une dernière vidéo méditative. Après un show pareil, aucun danger…
SET-LIST
LIKE BEFORE YOU WERE BORN
UNDER THE SUN
BROWN PAPER BAG
TAKE YOUR TIME
TAKER
SOUL-NET
FROG IN BOILING WATER
AIR CONDITIONING
IN AMBER
BETWEEN TIDES
BLANKENSHIP
ACHERON
HORSEHEAD
RAINING ON YOUR PILLOW
INCARNATE DEVIL
DOUSED
Organisation : AB