Christopher Owens, back from hell
Véritable revenant (au propre comme au figuré), Christopher Owens s’est produit à la Rotonde douze ans après son précédent passage. L’ex-leader de Girls s’est en effet rappelé à notre bon souvenir en publiant l’an dernier « I Wanna Run Barefoot Through Your Hair », un nouvel album que l’on n’attendait plus…
Judicieusement choisi pour assurer la première partie, Harry Descamps ne se fera pas prier pour présenter son récent projet solo. Le courtraisien a en effet transité par plusieurs groupes (Whorses, The Numbers…) avant de franchir le pas à l’aube de ses trente ans. Sous une généreuse chevelure bouclée et simplement accompagné d’une guitare acoustique, il nous baladera dans un univers proche de ceux d’Elliott Smith et de Sufjan Stevens. Entre compositions dépouillées, voix désarmante et sincérité à fleur de peau, il nous gratifiera également d’une cover intimiste d’un titre du regretté John Prine (« In Spite Of Ourselves »). Encore un peu de patience avant de découvrir son premier album à paraître l’an prochain sur le label bruxellois On The Level (Camille Camille, Catbug…).
Depuis son précédent passage au Botanique, en mars 2013 lors de la tournée en support du concept-album « Lysandre », la vie de Christopher Owens n’a pas ressemblé à un long fleuve tranquille. Si artistiquement, il publiera encore deux albums en autant d’années tout en assurant en parallèle une carrière de modèle (YSL, H&M), des déboires d’ordre privé prendront le relais par la suite. En effet, l’enregistrement d’un EP avec le projet Curls en 2017 sera la seule éclaircie au milieu d’une descente aux enfers.
Entre un accident de moto qui le laissera alité de longs mois durant et la perte de son job alimentaire dans la foulée, une rupture sentimentale n’arrangera rien. Il finira par jouer dans le métro et verra le mobilhome qui lui servait de maison volatilisé, l’obligeant ensuite à vivre dans sa voiture. Ajoutez-y le décès inopiné, au début de la pandémie, de Chet « JR » White, l’ami avec lequel il avait fondé Girls et on comprendra que la sortie d’« I Wanna Run Barefoot Through Your Hair » tient du miracle. Plus sombre et introspectif, il s’agit d’une sorte de retour aux sources, d’autant qu’il est publié chez « True Panther Records », le label de son premier groupe.
Si cette plaque a notamment été enregistrée aux côtés du batteur Cody Rhodes et du bassiste Luke Bace (ses compères au sein de Curls), c’est en solitaire qu’il se produira ce soir à la Rotonde. Un monde de différence par rapport à sa prestation haute en couleurs ici-même à l’époque, lorsqu’il était entouré d’une bonne demi-douzaine d’acolytes. Une session intimiste, donc, accentuée par un soundcheck de fortune exécuté par le gaillard en personne à sa montée sur scène. De longs moments suspendus bientôt illuminés par un extensible instrumental en mode fingerpicking qui débouchera sur une désarmante version du « Amarillo By Morning » de George Strait.
Bien que marqué par ses mésaventures, il n’a rien perdu de sa voix émotionnellement chargée, d’autant que le mode acoustique accentue davantage cette facette. En revanche, il se montre toujours aussi timide, laissant ses cheveux blonds masquer son visage, le regard barré par des lunettes de soleil. Cela dit, il fixe tellement sa guitare que le contact visuel avec le public se limite quasi à sa plus simple expression. Et puisqu’il se montre parallèlement très peu prolixe, quoi de mieux que de se laisser emporter par ses compositions.
Même s’il faudra patienter une grosse vingtaine de minutes pour avoir enfin droit à un titre issu de sa carrière solo. Trois morceaux de Girls (un déchirant « Heartbreaker », un modérément speedé « Forgiveness » et un somptueux « My Ma ») précéderont ainsi le prenant « This Is My Guitar », un des singles d’« I Wanna Run Barefoot Through Your Hair ». Dans la foulée, il balancera ses lunettes pour fixer sereinement le support de l’harmonica qui illuminera les envoûtants « I Know » et « I Think About Heaven ». Un peu plus tard, l’enjoué « No Good », le chaloupé « Beautiful Horses » et le ténébreux « White Flag » complèteront momentanément la collection automne 2024.
Entre-temps, il se lancera dans une série de covers, un exercice qu’il apprécie tout particulièrement. S’il avait déjà repris le « Father And Son » de Cat Stevens en 2013, reconnaissons son appétence envers des titres plus surprenants. Comme le « Smile » de Charlie Chaplin façon comptine ou le « I Need You » de Tim McGraw plus folk que country, voire le « Borrowed Your Gun » de Spiritualized en au moins aussi écorché. Il ne s’arrêtera toutefois pas là en coinçant son « When You Say I Love You » entre l’intro du « I’ll Be There » des Jackson 5 et quelques mesures du « Can’t Help Falling In Love » d’Elvis Presley.
Mais le clou du spectacle, au terme d’un autre titre de Girls bourré d’effets (« Lauren Marie ») sera sans conteste cet hommage appuyé à Brian Wilson, décédé la veille. Sa version à tomber du « Caroline No » aurait franchement pu terminer le set mais sera suivie d’un autre titre des Beach Boys, « Disney Girls (1957) », même si celui-ci na pas été composé par le Maître. Une erreur de casting ? Certainement pas. Il s’agit d’un titre apparaissant régulièrement dans ses récentes set-lists.
Contre toute attente, l’ami Christopher reviendra pour deux titres supplémentaires. Une surprise alors qu’il semblait pressé de terminer son créneau, jetant plus d’une fois un œil à sa montre. Bien lui en a pris, cette version mélancolique de « Do You Need A Friend », ultime nouveau titre et celle, à peine plus euphorique de « Laura », boucleront une prestation captivante de bout en bout. On n’aurait pas parié sur un tel résultat nonante minutes plus tôt…
SET-LIST
AMARILLO BY MORNING
HEARTBREAKER
FORGIVENESS
MY MA
THIS IS MY GUITAR
I KNOW
I THINK ABOUT HEAVEN
SMILE
I NEED YOU
FATHER AND SON
NO GOOD
BEAUTIFUL HORSES
WHITE FLAG
WHEN YOU SAY I LOVE YOU
BORROWED YOUR GUN
LAUREN MARIE
CAROLINE NO
DISNEY GIRLS (1957)
DO YOU NEED A FRIEND
LAURA
Organisation : Botanique