Belle And Sebastian, Glasgow’s finest
Pour la troisième année consécutive, les Écossais de Belle And Sebastian se sont posés en Belgique au début de l’été. Mais contrairement à 2022 au Cactus et l’an dernier au Live Is Live, ce n’est pas sur une scène de festival qu’ils se sont produits mais dans la grande salle de l’AB pour le dernier concert ou presque de la saison.
Une salle qu’Aäron Koch connait bien pour y avoir notamment remporté le Humo Rock Rally au sein des Calicos en 2018. Mais le Gantois a également atteint la finale de ce prestigieux concours cette année avec le projet qui porte son nom. Ce soir toutefois, seuls deux des cinq membres participent à la fête, positionnés dans un mouchoir de poche du côté droit de la scène. Une formule duo majoritairement acoustique impliquant le boss à la guitare accompagné d’un claviériste. La douze cordes du premier nommé (qu’il enlace presqu’amoureusement pendant les intros au piano) accentue une face americana mélancolique entérinée par une voix sensible et passionnée. Quelques envolées électriques retenues élargissent toutefois un univers qu’ils sont en train de développer en vue d’un premier album en gestation.
Il faut remonter jusqu’en 2011 pour retrouver la trace d’un concert de Belle And Sebastian à Bruxelles. C’était déjà à l’AB dans le cadre du défunt Domino Festival. Voici deux ans, ils auraient dû se produire aux Nuits du Bota mais avaient finalement annulé leur venue. La prestation de ce soir pouvait donc être considérée comme un petit événement en soi même s’ils n’avaient entre-temps pas négligé notre pays en privilégiant principalement les festivals d’été.
Particulièrement productifs pendant la période post-Covid, ils ont publié deux albums en l’espace de huit gros mois (« A Bit Of Previous » en mai 2022 et « Late Developers » en janvier 2023). Deux albums enregistrés dans la grisaille de Glasgow plutôt que sous le soleil de Los Angeles comme ils l’avaient initialement programmé. Leurs nouvelles compositions n’ont cependant pas adopté un caractère plombant pour la cause. Que du contraire, leur versant pop flirte même dangereusement par moments avec la frontière pop formatée (« Prophets On Hold » et « I Don’t Know What You See In Me » précursaient d’une certaine manière l’arrivée de The Last Dinner Party). Non joués ce soir, ces titres seront avantageusement surpassés par le tout nouveau et entêtant « What Happened To You, Son », assurément un futur classique d’une discographie qui n’en manque pas.
À ce propos, « Nobody’s Empire », l’imparable premier titre de la soirée, va à lui seul résumer la recette magique de Belle And Sebastian. Des mélodies délicieusement catchy aux influences sixties assumées, des voix candides attachantes et un visuel vintage quasi exclusivement en noir et blanc. Tout en gardant ce côté mystérieux (à l’instar des Smiths, ils n’apparaissent jamais sur la pochette de leurs disques) en total paradoxe avec ce qu’il se passe sur scène.
En effet, la bande emmenée par Stuart Murdoch prend un réel plaisir à colorer un environnement délibérément insouciant tout en assurant une ample orchestration. Parmi les huit musiciens autour de lui, plusieurs sont multi-instrumentistes et passent allègrement de la basse au mélodica ou des claviers au violoncelle. Mais la plus impressionnante d’entre tous reste sans conteste Sarah Martin qui, entre deux vocalises sucrées (elle transporte littéralement « Give A Little Time »), assure au violon et à la flûte (traversière). De l’autre côté, le guitariste Stevie Jackson, en costume, se montera également convaincant en prenant notamment le lead sur le récent « So In The Moment » et le troublant « Seymour Stein ».
Vêtu d’un t-shirt blanc à longues manches et d’un pantalon à carreaux, l’ami Stuart affiche une forme olympique ce soir. Particulièrement prolixe et taquin, il pavane sur scène tel un électron libre aux amples mouvements maniérés lorsqu’il ne s’assied pas derrière le piano au milieu de la scène ou n’attrape pas sa guitare (et encore…). Rien à voir avec le gaillard passablement énervé au Cactus ou assommé par la canicule du Live Is Live dans un passé récent. Et son enthousiasme rejaillit sur une prestation impeccable de bout en bout, rehaussée par la participation active d’un public pour le moins réactif. En reprenant quelques mesures d’« I Want The World To Stop », par exemple.
Mais aussi et surtout pendant « The Boy With The Arab Strap », morceau de bravoure qui voit une partie des spectateurs monter spontanément sur scène pour danser au milieu des musiciens et de leurs nombreux instruments. Une tradition qui remonte à 2002 au Haldern Pop Festival en Allemagne et qui ne s’est jamais démentie depuis. Une sorte de trip nostalgique puisque le visuel à l’arrière de la scène reprend quelques-unes des pochettes les plus iconiques du groupe.
Avant cela, on aura droit à un large ratissage d’une carrière approchant tout doucement sa troisième décennie. On retiendra notamment « Expectations », le plus ancien titre du lot en mode folk saccadé serti d’une trompette mariachi à la Calexico. Mais aussi le groovy « If She Wants Me », le délicat « The Fox In The Snow » et le franchement poppy « Do You Follow » (« en lice pour l’Eurovision », blaguera Stuart). Mais aussi l’excellent « Get Me Away From Here, I’m Dying » et l’entêtant « Another Sunny Day ».
Entre une partie d’équilibriste sur les barrières délimitant l’avancée de la scène et un bain de foule sous le regard inquiet du service de sécurité, le leader (qui a entre-temps coiffé son fameux chapeau noir) reprendra possession de la scène pour un « Sleep The Clock Around » à donner des frissons, bien soutenu par une trompette larmoyante du plus bel effet. Le visuel, quant à lui, rappellera que le temps passe inlassablement. Tellement, d’ailleurs, que ce titre bouclera déjà le set principal.
Les rappels débuteront par une réflexion philosophique improvisée de Stuart, canette de bière à la main, avant de s’asseoir sur le bord de la scène pour un « Piazza, New York Catcher » caractérisé par de chaleureuses harmonies vocales et un harmonica mélancolique. Encore plus curieuse, cette courte version a capella de « This Is Just A Modern Love Song » en mode St Patrick’s Day, qui soulèvera les passions. Quant à « Your Cover’s Blown », il bouclera la soirée quelque part entre sonorités spatiales et basse disco d’un côté, entre « Paint It, Black » et Pulp de l’autre, avant qu’un stroboscope ne vienne mettre tout le monde d’accord. Un final insaisissable pour un groupe qui n’a décidément pas fini de nous surprendre…
SET-LIST
NOBODY’S EMPIRE
WHAT HAPPENED TO YOU, SON?
SO IN THE MOMENT
GET ME AWAY FROM HERE, I’M DYING
GIVE A LITTLE TIME
IF SHE WANTS ME
I WANT THE WORLD TO STOP
THE FOX IN THE SNOW
SEYMOUR STEIN
EXPECTATIONS
DO YOU FOLLOW
SEEING OTHER PEOPLE
ANOTHER SUNNY DAY
THE BOY WITH THE ARAB STRAP
IF YOU FIND YOURSELF CAUGHT IN LOVE
SLEEP THE CLOCK AROUND
PIAZZA, NEW YORK CATCHER
THIS IS JUST A MODERN ROCK SONG
YOUR COVER’S BLOWN
Organisation : AB