An Pierlé (ultimate class) Quartet
Ceux qui rêvaient de passer la Saint-Valentin en compagnie d’An Pierlé ne se sont pas fait prier pour rejoindre l’AB. D’autant que c’est dans l’ambiance intimiste du Club que la Miss présentait au sein de son quartet « Ultimate Survival », un deuxième opus publié tout récemment chez W.E.R.F.
Mais avant, place à Galine qui, non contente d’avoir reçu un carton d’invitation personnalisé, a assuré la première partie derrière l’imposant piano de son aînée. Nerveuse tout en laissant paraître le contraire, la jeune Gantoise dotée d’une solide voix combinant la puissance d’Adele, la mélancolie de Lana Del Rey et la sensibilité de Feist s’est peu à peu affirmée pour finalement conquérir la salle. Elle y a défendu « Alpha », son premier bébé d’à peine une semaine dont la chaleur de « Love Is A Getaway » et la vibe soul d’« In The Name Of Love » se démarqueront. Désormais à l’aise et en guise de conclusion, sur « Wish I Could », elle invitera le public à se substituer aux chœurs d’enfants de la version studio, récoltant une adhésion aussi franche que méritée.
Récemment, on a davantage croisé An Pierlé dans les salles de concert (The Bony King Of Nowhere à l’AB, Catherine Graindorge au Plantentuin…) que sur scène même si en octobre dernier, elle a participé pour la deuxième fois en trois ans au festival Francofaune, présentant des compositions exclusivement chantées dans la langue de Molière. On s’attendait donc à la voir débarquer un album dans cette veine sous le bras mais a pris tout le monde par surprise en annonçant la suite des aventures du An Pierlé Quartet dont une des dernières apparitions remontait en décembre 2021 dans une grande salle de l’AB en configuration assise à l’époque du Covid.
Baptisée « Ultimate Survival », cette deuxième plaque (enregistrée live sans casque, nous apprend les crédits) voit le groupe poursuivre sa direction expérimentale au risque de décontenancer l’auditeur sans toutefois mettre à mal son accessibilité. Bien entendu, ceux qui ne jurent que par « Sing Song Sally » et « How Does It Feel » ne s’y retrouveront pas, raison pour laquelle le projet porte un nom distinct tout en conservant un lien plus qu’évident avec le personnage principal dont la voix reste un élément essentiel. Cela dit, la présence de la crème du jazz noir jaune rouge en son sein rééquilibre quelque peu les positions.
En effet, le batteur Casper Van De Velde et le claviériste Hendrik Lasure (dont l’association forme le duo Schntzl), vivent leurs prestations passionnément. Les yeux souvent mi-clos, ils semblent dans un univers parallèle dans lequel Koen Gisen ajoute son grain de clarinette et An ses parties de piano. Même si c’est debout face au public qu’elle entamera le set via un mystérieux « Daybreak ». Les cheveux en pétard et vêtue d’une veste rappelant vaguement la matière d’un peignoir, on l’imagine presqu’au saut du lit, prête à prendre son premier café. Avouons qu’entre chemises en flanelle et survêtement du même acabit, les trois autres lascars participent activement au concept.
Dans la foulée, le bien nommé « Imaginary Summer » (la température extérieure flirte avec le zéro) apportera une explosion d’intensité tout en lançant définitivement une soirée caractérisée par la virtuosité des forces en présence. Mais aussi par la simplicité et l’humour de la chanteuse, jamais avare d’un clin d’œil ou d’un jeu de mots trilingue. Bien en voix, elle dicte sa direction qui, sur « The Sting », renvoie brièvement à Joan As Police Woman. Mais ses compères ne se font pas prier pour la seconder, notamment sur le groovant « Band Aid » et l’envoûtante comptine savamment développée « Make Believe ».
Particulièrement en verve, la Miss se fendra d’une interprétation théâtrale d’« Unreal », initiant une danse aussi déstructurée que le morceau avant de filer au milieu du public et de ramener sur scène des victimes invitées à se dandiner pendant que derrière le piano avait pris place le virtuose Camille-Alban Spreng pour un final pour le moins inattendu. Une mise en scène qui scindera le set en deux parties et boostera au passage les musiciens. Ceux-ci adopteront alors un mode expérimental que l’on soupçonne également doublé d’une certaine improvisation. Ainsi, la relative complexité d’un hanté « The Lid » et d’un introspectif « Simple Deep Contentment » en désarçonneront plus d’un aux côtés des délires retenus de Koen à la clarinette sur « Slow Down » ou ce « Go On » faussement inspiré de « Whole Lotta Love » en mode cabaret.
Un peu plus tôt, l’entêtant « Epigenetics » s’affirmera comme le nouveau titre le plus percutant de la soirée, notamment grâce à ses contours disco dans l’âme. Mais c’est le majestueux « Hope », sur lequel le set principal se clôturera, qui caractérisera sans doute le mieux l’ADN du An Pierlé Quartet, tant sur le fond que sur la forme. Une prestation époustouflante au cours de laquelle technicité rimera avec spontanéité et générosité. À ce propos, les rappels revisiteront exclusivement « Wiga Waga », le premier album du projet, via une version speedée de « Dissecting The Insect » et une autre, extensible et sautillante de « Slippery Fish ». Un plaisir classieux pour les oreilles, apprécié à sa juste valeur…
SET-LIST
DAYBREAK
IMAGINARY SUMMER
THE STING
BAND AID
EPIGENETICS
MAKE BELIEVE
UNREAL
SLOW DOWN
GO ON
THE LID
WAVES
SIMPLE DEEP CONTENTMENT
HOPE
DISSECTING THE INSECT
SLIPPERY FISH
Organisation : AB